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Fin de crise en Israël
©Reuters

Résolution ?

Le 2 mars dernier Benjamin Netanyaou remportait les élections législatives, mais la victoire, aussi totale fût-elle, était de courte durée.

Lundi 2 mars, les électeurs israéliens avaient envoyé un message clair en faveur de Benjamin NETANYAOU, nonobstant ses problèmes judicaires. Néanmoins, la victoire avait été courte, au point de devenir problématique.

Les 120 députés se répartissaient ainsi :

  • 58 pour le bloc de droite emmené par Benjamin NETANYAOU, et constitué du Likoud (36 sièges), les deux partis orthodoxes (16) et les sionistes religieux (6)

  • 47 pour une coalition hétéroclite dirigée par Benny GANTZ et regroupant « Blanc Bleu » (33 députés), Israël Beteinou d’Avigdor LIEBERMAN (7) et le regroupement du parti travailliste, du Parti d’extrême gauche Meretz et de la personnalité venue du Likoud Orly LEVY-ABECASSIS (7).

Seules les deux oppositions à NETANYAOU et aux partis religieux constituaient le ciment de cette juxtaposition. Au-delà de cette caractéristique, l’accession au pouvoir passait obligatoirement par un accord, tacite ou explicite avec la liste arabe unifiée.

  • 15 pour la liste arabe unifiée, elle aussi regroupement de plusieurs tendances, y compris celle des islamistes radicaux.

Le soir même du scrutin, Benjamin NETANYAOU a commis l’erreur de crier victoire trop tôt, sur la base de sondages qui lui donnaient plus de 60 sièges. Cela se comprenait. Tel un phénix renaissant de ses cendres, le Likoud obtenait 3 sièges de plus que « Blanc Bleu », et 5 de plus qu’en septembre.

Cinq jours plus tard avec les résultats définitifs, il fallait déchanter. La majorité n’était pas au rendez-vous. Comme cela s’était déjà produit en Israël, le pays se couchait avec un Premier ministre et se réveillait avec un autre. NETANYAOU est alors apparu comme Pierrette de la fable de Jean de la Fontaine.

Mais les chiffres sont têtus, les logiques politiques implacables, et NETANAYOU un exceptionnel stratège. Nonobstant la position majoritaire du Likoud, il n’a pas cherché à revendiquer la mission de constituer un gouvernement ; il a laissé la tâche à Benny GANTZ qui a mis 20 jours pour comprendre qu’il était dans une impasse. Le piège s’est alors refermé sur le leader de « Blanc Bleu » qui a dû aller à Canossa.

Mandaté par le Président de l’État pour constituer un gouvernement, Benny GANTZ a très vite obtenu le soutien d’Avigdor LIEBERMAN. Il n’a pas hésité à intégrer ce front « tous sauf Bibi » (« TSB ») comprenant des post sionistes et des antisionistes, à se retrouver avec Moshe YAALON dont l’opposition à NETANYAOU ne s’explique que parce qu’il l’a remercié de son poste de ministre de la défense pour le donner à…Avigdor LIEBERMAN.

La tâche allait être plus compliqué avec les membres de la liste arabe unifiée qui a obtenu un score historique. Le bon score de septembre dernier avec 13 sièges a largement été dépassé avec 15 députés, grâce à une exceptionnelle mobilisation. Au-delà des manœuvres politiciennes du moment, cela constitue un des points saillants de ces trois scrutins. Au-delà de la présence de radicaux dans cette coalition, il faudra compter avec le nombre croissant d’arabes israéliens qui veulent être actifs dans la vie démocratique du pays, et souhaitent que leurs préoccupations quotidiennes, sécurité, emploi et logement, soient pris en considération.

Sur ce point, Benny GANTZ n’a pas tenu compte du poids des chiffres. Il croyait pouvoir, comme ce fut le cas dans le passé, constituer un gouvernement minoritaire avec le soutien des députés arabes, sur le modèle du parti communiste français en 1936 avec le Front populaire, « soutien sans participation ». Forts de leurs quinze députés, les partis arabes l’ont conduit à engager des conversations programmatiques. Ce qui était prévisible s’est produit, trois à quatre députés membres de « Blanc Bleu » dont Zvi HAUSER Yoav HENDEL ainsi que Orly LEVY-ABECASSIS ont refusé cette perspective. Mu par la haine de NETANYAOU, Avigdor LIEBERMAN n’a rien dit.

Benny GANTZ se retrouvait dans la même situation que Benjamin NETANYAOU, sans majorité. La logique eût voulu qu’il remette son mandat à Reouven RIVLIN, le Président de l’État. On aurait pu conclure, match nul, retour à des négociations pour un cabinet d’union nationale. Mais le refus de gouverner avec NETANYAOU allait conduire à « la bataille de la Knesset ».

Avec ses 62 députés, l’alliance « TSB » a alors cherché à faire voter les trois lois susceptibles d’empêcher Benjamin NETANYAOU de solliciter un nouveau mandat de Premier ministre tant qu’il n’est pas jugé. Mais, au préalable, il fallait installer le nouveau Parlement sorti des dernières élections.

Se retranchant derrière le règlement intérieur de la Knesset, le Président sortant de la Knesset, Yuli EDELSTEIN a refusé de convoquer le Parlement. La Cour suprême a été saisi et l’a désavoué, ce qui l’a conduit à démissionner.

C’est alors que NETANYAOU a mis en évidence l’importance institutionnelle du Président de la Knesset, et la nécessité de choisir le Président dans le cadre de l’accord de majorité. Il n’a pas hésité de lancer un ultimatum à Benny GANTZ. Si le bloc « TSB » fait élire son candidat Meïr COHEN, cela ferme toute perspective de gouvernement d’union. C’est alors que Benny GANTZ a répondu, rapidement, trop rapidement, qu’il était exclu de se soumettre à un ultimatum.

On croyait que la crise politique avait atteint son paroxysme, et qu’on allait à un quatrième round d’élections.

Pourtant, jeudi dernier, le 26 mars, contre toute attente, Benny GANTZ, le leader de la coalition de centre-gauche « Kakhol Lavan », « Blanc Bleu » s’est fait élire Président de la Knesset, le parlement israélien, avec 74 voix, les 58 du bloc de droite et 16 membres de « Blanc Bleu ». Benny GANTZ a finalement cédé à l’ultimatum !

Comment expliquer un tel revirement ? L’absence d’expérience politique, surtout face à un adversaire coriace comme NETANYAOU ? La crise sanitaire du coronavirus ? Les difficultés avec les députés arabes ? La future impossibilité de gouverner avec une coalition aussi disparate ? Le désaveu de l’opinion publique israélienne à la perspective d’un accord avec les députés arabes ? Des sondages catastrophiques s’il y avait un quatrième tour ?

Deux de ses partenaires Yaïr LAPID et Moshe YAALON ont immédiatement crié à la trahison. Le troisième Gaby ASHKENAZY est en fait l’artisan de cet accord ; avec Avi NISSENKORN, il a négocié en secret avec NETANYAOU

Une conclusion s’impose. La haine ne suffit pas pour accéder au pouvoir. Il faut savoir, pour reprendre une sentence de Valéry GISCARD D’ESTAING « jeter la rancune à la rivière », ou « mettre des mouchoirs » sur ces principes...

Cette volteface de Benny GANTZ conduit inéluctablement à une recomposition du paysage politique israélienne.

Avigdor LIEBERMAN d’Israël Beitenou est responsable de l’échec d’avril. Alors qu’il était parti aux urnes dans le cadre d’une alliance avec le Likoud et le bloc de droite, il n’a pas hésité à changer de démarche en refusant de siéger avec les orthodoxes.

Contrairement au scrutin d’avril, il avait signé, pour celui de septembre, un accord de répartition des restes de voix avec Blanc-Bleu, et non avec le Likoud. Il a martelé son opposition à tout gouvernement avec les orthodoxes, et pris fait et cause pour un gouvernement d’union nationale. Il est apparu comme le faiseur de roi, et a cherché à le demeurer, au risque de faire des alliances contre nature. Aujourd’hui, même si la vie politique est riche, il est très vraisemblable qu’il prenne une retraite politique peu glorieuse. Que va devenir son parti et la représentation politique des russophones ?

L’alliance de circonstances entre Yaïr LAPID et Moshe YAALON va-t-elle perdurer ? Probablement pour prendre la responsabilité et les avantages de l’opposition à la Knesset. Mais est-ce suffisant pour engager une conquête du pouvoir ?

Le devenir de la gauche israélienne. En septembre, le camp démocratique, sous la houlette du Meretz de Nathan HOROWITZ, avait eu 5 sièges ; de son côté, l’alliance du Parti travailliste d’Amir PEREZ avec Guesher d’Orly LEVY-ABECASSIS, venue du Likoud, avec 6 sièges, avait sauvé les meubles. Cette fois-ci, les trois tendances se sont regroupées dans le parti uni de gauche, n’ont fait que sept sièges. L’union n’a pas empêché l’effondrement ; cette élection acte probablement la fin du mouvement travailliste qui a été à l’origine de la renaissance de l’État d’Israël.

Il est très vraisemblable qu’Orly LEVY ABECASSIS revienne au bercail du Likoud et devienne ministre directement ou après une retraite. Meretz va se poser la question des conditions de sa survie et sur une éventuelle alliance avec le parti arabe aux accents « communistes ». Quant au parti travailliste, il va probablement disparaitre, tel le parti radical qui a fait le République en France…

La vie politique israélienne n’a pas fini de voir les effets collatéraux de cette nouvelle victoire de NETANYAOU. En attendant, il faut constituer le gouvernement, en passant par les tambouilles traditionnelles…as usual…et surtout s’attaquer à la crise sanitaire.

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