Fiasco du nucléaire français : cette accablante autopsie des responsabilités politiques <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, ministre de l'Economie à cette époque, échange avec l'ancien PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, lors d'une visite à la centrale nucléaire de Civaux, le 17 mars 2016.
Emmanuel Macron, ministre de l'Economie à cette époque, échange avec l'ancien PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, lors d'une visite à la centrale nucléaire de Civaux, le 17 mars 2016.
©GUILLAUME SOUVANT / AFP

Crise énergétique

Jean-Bernard Lévy, ancien PDG d’EDF, et Yves Bréchet, ex-Haut-Commissaire du CEA, ont dénoncé les incohérences du pouvoir politique, seul et unique responsable de la crise énergétique en France.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Arnaud Benedetti :  S’il fallait un exemple pour démontrer à minima l’immense défaillance dirigeante de ce pays, il suffirait d’entendre deux anciens responsables du secteur nucléaire en France : Jean-Bernard Lévy d’un côté, ex-PDG d’EDF et Yves Bréchet, ex Haut-Commissaire du CEA de l’autre côté.

L’un et l’autre, à quelques mois de distance, ont pointé les incohérences du pouvoir politique, seul et unique responsable des difficultés énergétiques auxquelles le pays se confronte. Le premier devant le MEDEF en septembre dernier a rappelé les ordres et contre-ordres dont l’Entreprise a été l’objet depuis près de dix ans, des “injonctions paradoxales” données en parfaite méconnaissance du fonctionnement de l’activité. Ainsi tour à tour, les exécutifs auront demandé à EDF de se préparer à fermer les centrales, puis quelques années plus tard de se préparer tout autant à en rouvrir : entre temps le réel aura fait sans doute son retour mais ignorant superbement que les tâches respectives impliquent nécessairement des compétences différentes.

Les responsables de cette sortie de route sont pour la circonstance les deux derniers Présidents de la République qui l’un et l’autre, sous la pression du lobby vert, n’auront eu de cesse, ou presque, que de complaire à ce dernier.

Le second à faire autorité dans ce débat est un brillant physicien, membre de l’Académie des sciences, Yves Bréchet, dont l’audition, voici quelques jours devant la commission d’enquête parlementaire visant à faire la lumière sur les raisons ayant présidé à la perte de la souveraineté énergétique de la France, délivre un propos sous forme de réquisitoire sans appel. Sur l’arrêt du programme “Astrid” dont l’objectif consistait à développer la nouvelle génération de réacteurs du futur, décision actée en 2018 faut-il le rappeler, l’ancien dirigeant du CEA évoque “une décision emblématique de la disparition de l’Etat stratège et de la transition d’un État stratège vers un État bavard”.

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Les positions exprimées par Jean-Daniel Lévy et Yves Bréchet témoignent d’une même “défaite” : absence de vision rigoureuse de l’état de l’art dans le domaine nucléaire, abandon d’une politique qui a nourri notre indépendance depuis des décennies, indexation sur le court-termisme politicien à des fins de clientélisme électoral, concession à l’air du temps, etc.

Comment ne pas voir dans cet enchaînement tous les éléments constitutifs de notre déclin ? A l’heure où l’on prépare l’opinion à de possibles coupures d’électricité durant l’hiver et où l’exécutif tergiverse, contrairement à l’Espagne et au Portugal, à prendre ses distances avec le carcan du marché européen de l’énergie, il est difficile de ne pas établir le constat de dix années d’errements dont les gouvernements successifs de François Hollande et Emmanuel Macron portent une part évidente et exclusive de responsabilité. Un pièce supplémentaire et lourde de conséquences à porter, nonobstant les éternels prophètes du “tout va bien”, au dossier de notre grand déclassement…

Texte republié et enrichi de l’édito d’Arnaud Benedetti pour La Revue politique et parlementaire, avec son aimable autorisation

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Atlantico : Lors de son audition, Yves Bréchet n’a pas hésité à être très frontal sur les responsabilités de la situation actuelle, ni à être incisif face aux membres de la commission. Comme lors de son échange avec la députée Natalia Pouzyreff à propos de l’arrêt du projet ASTRID il a souligné son manque «d’analyse approfondie du système » et la renvoyant à la lecture du rapport sur les options de fermeture du site.

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"On peut faire ce qu'on fait dans les ministères (avec les rapports), ne pas ouvrir et ne pas lire", a taclé l'ex Haut Commissaire à l'énergie atomique, soulignant la surdité des politiques face aux rapports techniques. Il attribue d’ailleurs bon nombre de dysfonctionnement à deux causes profondes : « La première est l’inculture scientifique et technique de notre classe politique » […] La seconde est le rôle des « conseillers techniques » dans les cabinets ministériels. 

Pour autant Yves Bréchet semble voir une lueur d’espoir malgré notre situation. « Les « atouts restant » du nucléaire Français peuvent encore, et doivent contribuer à la souveraineté industrielle et énergétique du pays. Mais cela suppose qu’on prenne enfin de taureau par les cornes ». Comment ? « En prenant conscience du caractère essentiel de l’énergie et de l’atout que nous avons en main […] En comprenant enfin la temporalité des actions […] En instruisant correctement les dossiers […] En nommant aux postes clés des personnes compétentes et courageuses ayant le sens du bien public. »

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Et le membre de l’académie des sciences de terminer « Ce sont des M.Boiteux, des Hug, des JM.Leny, des A.Giraud, des R.Dautray qu’il faut mettre aux manettes. Je suis persuadé qu’ils existent encore, mais on ne le les trouve pas courbés dans les couloirs des ministères ou pliés dans les valises des compagnons de campagne. »

L’intégralité de l’audition de Yves Bréchet est à retrouver en vidéo, en ligne, sur le site de l’Assemblée nationale ou retranscrite sur le site de La Revue politique et parlementaire

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