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Festival de Cannes - "120 battements par minute" : un grand film sur les années sida
©REUTERS/Tony Gentile

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Le film de Robin Campillo, c'est l'histoire d'Act Up, violente, nécessaire, tragique. Possible Palme d'Or.

François Quenin pour Culture-Tops

François Quenin pour Culture-Tops

François Quenin est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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CINEMA
FESTIVAL DE CANNES   
"120 battements par minute"
de Robin Campillo
avec Adèle Haenel, Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois, Antoine Reinartz, Félix Martinaud, Médhi Touré, Aloïse Sauvage, Simon Bourgade, Aloïse Vinatier
RECOMMANDATION : EN PRIORITE
THÈME
Au début des années 1990, voilà près de dix ans que le sida broie des dizaines de milliers de vies alors que les pouvoirs publics peinent à mettre en place une politique d’envergure. Parmi les actions d’entraide qui se développent pour pallier ces insuffisances, l’une d’elles, Act Up Paris est la plus radicale.
« 120 battements par minute » raconte la vie interne et externe de ce collectif. On se souvient des actions contre les laboratoires et les institutions mises en place par l’État jugées trop lentes et timorées. On a encore en mémoire le happening dans la cathédrale Notre Dame de Paris pour protester contre les réticences des autorités religieuses concernant le préservatif.
On revoit tout cela et bien d’autres choses qu’on ne connaissait pas comme ces réunions hebdomadaires fiévreuses où les membres d’Act Up, de plus en plus nombreux au fur et à mesure que la maladie se déploie, mettent au point leurs actions spectaculaires relayées à la télévision. On suit, dans ce film de fiction, une poignée de militants, leurs combats, leurs amours, leur mort. Brûlant, rapide, bouleversant, ce film plonge avidement dans ces années de chagrin.
POINTS FORTS
La mise en images est brillante. Le spectateur ne sait où donner des yeux tant les coups se succèdent. Le cinéaste cible plusieurs actions en simultané avec une rapidité déconcertante. « 120 battements par minute » est techniquement une prouesse de montage et le jury de ce 70e Festival n’oubliera sûrement pas la virtuosité de la mise en scène.
L’intérêt de ce film est de décortiquer le fonctionnement d’un collectif bruyant, brillant, inventif, qui a scandalisé l’opinion et réveillé les consciences. Au cœur des débats, le retard des politiques - François Mitterrand est président et cohabite avec la droite - et l’opacité des laboratoires. L’un d’eux, nommément cité, fait l’objet de toutes les haines de la part des membres d’Act Up dont beaucoup de séropositifs en attente de soins.
Au sein du collectif se croisent toutes les détresses. S’il y a une majorité d’homosexuels happés par la maladie, il y a aussi cette mère de famille militante qui raconte comment, en tant que médecin, elle a soigné son fils en lui donnant du sang contaminé. Les actions déclenchées par Act Up se nourrissent des errements de la santé publique. Des scènes oubliées ou occultées sont remises en lumière comme ces militants qui investissent les lycées pour parler des préservatifs aux élèves, se heurtant à l’incompréhension des profs mais aussi à la bienveillance de certains d'entre eux mieux informés.
Mêlant les acteurs et actrices comme Adèle Haenel à des personnes inconnues trouvées sur Facebook ou dans les boîtes de nuit, le cinéaste capte l'incroyable énergie de ces jeunes gens qui ont peur de mourir mais veulent aider et porter témoignage. La dernière partie du film est envahie par l’agonie de l’un des militants. L’intrigue verse alors dans la tragédie absolue qu’elle n’a cessé de côtoyer pendant plus de deux heures – le film dure deux heures vingt. Oubliés les compagnonnages pleins d’entrain du début. Nous voilà presque dans le documentaire.
POINTS FAIBLES
On peut regretter que les histoires d’amour et des scènes homosexuelles explicites risquant de rebuter un public non averti envahissent la deuxième partie du film au détriment de l’action militante. Du coup le cinéaste risque de restreindre son audience alors que son entreprise est en quelque sorte de salubrité publique. Car le sida, comme chacun sait, n'est pas vaincu. Cela dit, la sulfureuse "Vie d'Adèle" a bien obtenu la palme d'or, alors…
EN DEUX MOTS
Plusieurs grands films américains se sont emparés du sida, tel « Philadelphia » (1993) de Jonathan Demme. En France, nous avons eu quelques beaux films intimistes comme « Les témoins » d’André Téchiné et « Le temps qui reste » de François Ozon. « 120 battements par minute » est le premier film d’envergure qui retrace les années sida à travers un angle pointu et pertinent. Il mérite une grande diffusion. Il sortira en salles le 23 août.
UN EXTRAIT
Ou plutôt trois:
- « Je trouvais assez logique que, dans un film sur un groupe qui a fait de la visibilité l'une de ses armes, la plupart des acteurs soient eux-mêmes gays. Mes acteurs vivent à l'époque des traitements préventifs. N'empêche : ils connaissent l'inquiétude plus ou moins diffuse de l'épidémie. » Robin Campillo 
- « Au centre de la stratégie d'Act Up, il y avait l'idée de montrer son corps malade dans la confrontation. Apparaître en chair et en os quand on est relégué à l'invisibilité, c'est pour moi l'un des sujets politiques les plus forts qui soient. C'est donc à la fois une question politique et un enjeu de cinéma. » R. C.
- « À l'arrière-plan du film, il y a la tristesse d'avoir perdu ces personnes qu'on admirait, qu'on aimait, avec qui on riait. Mais je pense encore plus à ceux d'entre nous qui ont survécu, et qui se battent toujours aujourd'hui contre la maladie. » R. C.
LE CINEASTE
Robin Campillo est né au Maroc en 1962. Il rentre à l’IDHEC en 1983 et rencontre Laurent Cantet avec qui il collabore comme monteur et scénariste de ses films, « L’emploi du temps », « Entre les murs », palme d’or en 2008. « 120 battements par minute » est son troisième film après « Les revenants » et « Eastern boys ». 
Robin Campillo a rejoint Act Up en avril 1992 après être tombé sur une interview de Didier Lestrade, l’un des fondateurs de l’association, qui parlait d’une communauté sida composée des malades, de leurs proches et du personnel médical qui affrontaient cette épidémie dans une forme d’indifférence de la société. « Ce discours, explique le cinéaste, rompait un silence qui avait duré presque dix ans. En tant que gay, j’avais vécu les années 80 assez difficilement dans la peur de la maladie ».

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