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Les Français choisissent généralement leur nourriture en fonction du prix.
Les Français choisissent généralement leur nourriture en fonction du prix.
©Reuters

Bonnet d'âne

Le prix est un facteur déterminant dans le choix d'alimentation des Français selon un sondage publié le 21 mars. Il est pourtant possible d'allier plaisir, qualité nutritive et produits bon marché.

Nathalie Hutter-Lardeau

Nathalie Hutter-Lardeau

Nathalie Hutter-Lardeau est nutritionniste diplômée d'Etat, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. 

Parmi ses livres figurent notamment La True Food aux Editions du Moment,  dans lequel elle explique comment déguster ses produits préférés en toute lucidité, 101 restos, 0 kilo, coécrit avec Nathalie Helal et Catherine Roig (Hachette, mars 2013), Mince Alors ! (Odile Jacob, Juin 2011), Des mots sur les maux du cancer  (Mango, 2009) avec le Professeur David Khayat et Wendy Bouchard, et  Le vrai régime anti-cancer  (Odile Jacob, 2010) avec le Professeur David Khayat et France Carp.

Elle a fondé en 2000 l'agence conseil en nutrition Evidence Santé, qui travaille avec l'Agence nationale de sécurité alimentaire sur la sécurité alimentaire, et le plan national nutrition santé, ainsi qu'avec plusieurs entreprises du secteur agro-alimentaire.

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Atlantico : Le prix est le premier critère d'achat de produits alimentaire pour 78 % des Français, selon le Sofinscope baromètre Opinion Way pour Sofinco publié le 21 mars. Malgré l'émotion suscitée dans l'opinion publique par le scandale de la viande de cheval, la provenance des produits et leur composition restent très secondaires. N'est-ce pas contradictoire ?

Nathalie Hutter-Lardeau : Il y a différents critères personnels pour faire un achat de produit alimentaire. Le prix est effectivement un des plus importants, car il s’agit aussi de faire des choix en termes de répartition de budget, en sachant qu'il y en a un pour chaque poste de la maison. Cependant, après le prix, il reste néanmoins un certain nombre d'arguments à hiérarchiser quand on fait ses choix alimentaires. Viennent ensuite d’autres critères qui déterminent les choix en fonction de ses propres préoccupations (origine des produits, valeurs nutritionnelles etc…).

Les résultats de ce sondage ne m'étonnent donc pas. Mais ce n'est pas parce que le prix est le plus important que les autres critères ne le sont pas.

Aujourd'huiil y a à la fois un besoin de plaisir, de gourmandise quand on voit l'engouement les ateliers de cuisine, les émissions culinaires... Et d'autre part, il y a des préoccupations concernant la santé et les fameux régimes. Réconcilier les deux est possible. C’est pourquoi nous avons voulu le démontrer dans le guide 101 restos 0 kilo.

Qualité et bas prix sont-ils forcément incompatibles ? 

Ce qui compte, c'est la variété. Les comportements extrémistes, comme celui qui consiste à acheter des produits bas de gamme, ou à l'inverse consommer des produits très chers n'est pas bon. Il faut aller piocher dans les circuits les produits qui sont les mieux préservés. On peut acheter des produits surgelés en grande surface, et choisir des produits frais en complément, soit sur un marché local, ou dans d'autres types de circuits  plus courts. Il n'y a pas une seule technique ni une seule méthode. Il faut varier et essayer de mettre en relation la qualité souhaitée et le circuit de distribution adéquat en fonction du budget que l’on souhaite y consacrer .

C'est la même chose pour la nutrition : on constate aujourd'hui que notre alimentation est de plus en plus « calorique » d’où les conséquences sur le surpoids et l’obésité :  Alors Il faut varier, à la maison comme au restaurant et essayer d'avoir des produits plus riches en eau et en fibres , comme des  fruits et des légumes. On complète par  de la viande poisson ou œuf soit des sources de protéines, des lipides en quantité modérée et  des glucides (plutôt lents) qui vont permettre d'atteindre une meilleure satiété.

Cet ensemble montre qu'il n'y a pas une stratégie idéale, mais que le seul principe à retenir est qu’il faut varier au maximum son alimentation pour ne se priver de rien.

Les Français pourraient-ils être gagnants à apporter davantage d'importance à ce qu'ils mangent ?

On peut avoir des produits plus simples, avec des ingrédients simples qui vont coûter moins cher. Le fast-food a pris énormément de poids dans notre alimentation, ce n'est pas pour cela qu'il propose des mauvais produits.

L'alimentation est le facteur-clé de la santé. On s'y retrouve forcément à long terme. Si on mange bien et on a une activité physique adéquate, on en tirera les bénéfice plus tard : c’est de la prévention santé. Or l’alimentation joue un rôle majeur dans les maladies cardiovasculaires, certains cancers,... les principales causes de mortalité dans nos pays développés. La part de notre budget consacré à l'alimentation se réduit de plus en plus. Or, il faudrait qu'elle reprenne  une vraie place, car on voit qu'à long terme c'est vraiment gagnant.

On n'a en tête que les produits frais, les fruits et légumes sont chers, alors qu'une comparaison avec le budget pour le téléphone familial suffit pour s'apercevoir que ce n'est pas si onéreux. C'est simplement un ordre à re-consacrer à l'alimentation. Il faut tout réapprendre à ce niveau-là : on passe d'une période  où c'était pléthore et on choisissait un peu tout et n'importe quoi à une époque où on nous explique les bases en mangeant varié, en des produits adéquats en termes de budget (des produits disponibles moins chers, un peu plus de local).

Comment "rééduquer" les Français sur ces questions ? Cela doit-il commencer dès l'école ?

Le Plan National Nutrition Santé (PNNS) mis en place depuis une dizaine d'années a permis de reprendre finalement la main, non pas sur les nutriments et la nutrition diététique, mais de faire passer le message que bien manger, c'est manger varié et de redonner la place aux groupes d'aliments (5 fruits et légumes par jour, par exemple). Cela a conduit à d'un certain nombre d'actions notamment dans les écoles.

Les enfants, dès la maternelle, réapprennent ce qu'est une soupe, ou des légumes, font des sorties pédagogiques en ferme. On s'aperçoit que la famille en bénéficie, et que l'éducation des enfants et la sensibilisation des parents permet d'arriver à des comportements qui s'améliorent. Ces résultats se retrouvent dans la courbe d'obésité des enfants : la France est le seul pays à avoir réussi à infléchir, et même à réduire le taux de surpoids et d'obésité des enfants. Ce plan, perçu comme original de l'étranger, montre des effets à long terme. Les actions, pour marcher, doivent intégrer tous les éléments autour de la famille : enfants, parents, adolescents.

Toutes les mamans et tous les pères sont aujourd'hui sensibilisés au fait qu'offrir à ses enfants une nourriture saine est important. Évidemment, cela diffère selon les niveaux sociaux des familles : plus les catégories sociaux professionnelles sont basses, plus on a du mal à faire passer le message. Mais la sensibilisation est générale. Aujourd'hui, il faut faire passer le message que ça ne coûte pas plus cher de bien manger.

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois 

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