Fait-maison : l’histoire éclairante du petit logo de la vitrine des restaurants<!-- --> | Atlantico.fr
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Une version "plus lisible" du logo "Fait-maison" va être éditée.
Une version "plus lisible" du logo "Fait-maison" va être éditée.
©REUTERS/Philippe Wojazer

Le saviez-vous

Imaginé pour apporter un gage de qualité aux restaurants ou brasseries françaises, derrière le logo "Fait-maison" se cacherait une réalité toute autre.

Hash H16

Hash H16

H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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Ils sont autour de nous et souvent nous indiquent ce à quoi nous avons à faire : les logos, petits pictogrammes simples, permettent d’identifier visuellement une entreprise, une institution, un produit, un service ou, dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, une méthode de fabrication. Car c’est au « fait maison » que je vous propose de vous intéresser le temps d’un billet

C’était mi-juillet dernier : dans la moiteur relative d’un été banal, le décret du 11 juillet 2014 relatif à la mention « fait maison » est entré en vigueur dans les restaurants français, afin, selon le gouvernement, de « mieux informer le consommateur sur les plats qui lui sont servis et de valoriser le métier de cuisinier », apparemment pas assez valorisé en France, pays où la cuisine et la gastronomie ont toujours été traitées à la légère.

Il était temps : en France et depuis des temps immémoriaux, certains petits filous utilisaient la mention « Fait maison » alors qu’en fait, c’était même pas vrai d’abord, ce qui a poussé le gouvernement à agir avec la fermeté et la rapidité qui l’ont toujours caractérisé.

Jusqu’à présent en effet, certains restaurateurs n’hésitaient pas à faire passer pour un plat « fait maison » de simples recompositions réchauffées de plats préparés et refroidis loin de leur gargote. Le consommateur, trahi, ne revenait pas s’il l’apprenait et en profitait pour faire une publicité détestable à l’établissement cachottier … ou s’en foutait complètement s’il trouvait son repas à la hauteur de ce qu’il avait payé. Depuis que le monde est monde (ou, à tout le moins, que la chaîne du froid permet certains miracles), les clients ne s’en sortaient donc pas trop mal pour valoriser correctement le petit routier aux odeurs graisseuses et l’auberge discrète connue d’habitués au teint rose. Vous le comprenez : la situation était intenable, le gouvernement devait agir !

Pouf, le logo « Fait Maison » était né.

Enfin, « pouf », façon de parler puisque, d’une part, tout ceci aura tout de même pris quelques semaines d’âpres discussions entre les différentes parties prenantes de ce magnifique projet, et que, d’autre part, le logo n’a pas été réalisé gratuitement non plus. Et en fait de discussions, on se souvient de véritables empoignades entre les tenants de cette nouvelle irruption du légal, de l’État et de la règlementation dans la cuisine française, et ceux qui n’ont eu de cesse de pointer les lacunes et les dérives que la loi accompagnant le logo introduisait avec la délicatesse d’un éléphant sous amphétamines dans une fabrique de porcelaine.

Il faut dire que, dès le départ, de solides objections avaient été formulées, à commencer par le fait, gênant, que la notion de « produit brut » ne s’applique pas qu’au frais, mais recouvre aussi les aliments épluchés, découpés, hachés, nettoyés, désossés, moulus, broyés, salés, réfrigérés, congelés ou conditionnés sous vide. Youpi, à cet aune, le « fait maison » s’applique alors aussi sur un plat préparé à partir de produits surgelés : le « chef » qui colle une viande sortie de son sachet avec des rondelles de carottes tombées d’un autre sachet dans un micro-onde et réchauffe le tout peut fièrement exhiber un « fait maison » tout à fait crédible.

Plus rigolo encore, dans une liste à la Prévert qui laisse penser que des groupes de frétillants énarques et d’inventifs députés en roue libre ont consciencieusement œuvré à la rédaction de la loi, on apprend que le « fait maison » n’impose pas de faire sa propre pâte feuilletée, qu’on peut acheter la charcuterie, sauf pour les terrines et les pâtés, qu’on peut se procurer ailleurs les sauces à condition de le préciser au consommateur, ou les biscuits secs, les fruits secs et confits, la choucroute crue, etc… Eh oui : dans l’excitation du moment, le législateur a voulu joyeusement tenir compte des traiteurs, des commerces non sédentaires (foires & marchés), et d’une myriade d’autres cas qui ont tous, gentiment, contribué à rendre le résultat complètement illisible, et surtout, incompréhensible pour le consommateur final.

Ce dernier, en effet, lorsqu’il voit le fameux logo, ne sait plus exactement à quoi s’en tenir puisqu’en définitive, il ne sait plus si tout est effectivement fait maison ou si ce qui se trouve dans son assiette est, essentiellement, un assemblage réchauffé de morceaux déjà cuisinés. Neuf mois plus tard, le constat est sans appel : le logo n’est apposé que rarement, et personne ne le connaît ni ne le reconnaît.

Pouf, le logo « Fait Maison » est un échec.

Il faut dire qu’en plus de l’ambiguïté pour le consommateur, les gérants d’établissements ont hésité à utiliser ce logo car – nous sommes en France, ne l’oublions pas ! – ils encouraient ensuite le risque de voir débarquer des membres de la délicieuse Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRFCPEF), venus vérifier que le dit logo n’était pas apposé à la légère… Ce qui ne manque pas de sel lorsqu’on voit les conditions d’application que d’aucuns pourraient taxer de farfelues.

Bref, en un mot comme en cent, le logo est un échec, même si la député girondine à l’origine de l’initiative, Pascale Got, se refuse à employer ce terme (« puisque le label ne disparaît pas »). Quand bien même : encore une fois, l’État a cherché à légiférer ce qui devait plus que probablement (au vu du résultat) être laissé à la société civile. C’est un échec parce que la définition du « fait maison » se doit, une fois décrétée, de couvrir la multitude de cas que la réalité comporte et qui (méchante réalité !) ne se plie pas aux injonctions légales. C’est un échec parce qu’en plus, d’une profession à l’autre, cette définition change, l’intérêt de l’utiliser varie, et les bénéfices retirés auprès du consommateur ne sont pas toujours les même. C’est peut-être aussi un échec parce que l’initiative tient beaucoup plus d’un lobbyisme d’une certaine catégorie d’acteurs que d’une démarche générale de l’ensemble des personnes concernées. C’est enfin un échec parce qu’en ayant ainsi recherché un compromis qui ne froisse personne dans la transparence nécessaire à l’autorisation d’arborer le logo, on obtient quelque chose qui permet un peu tout et n’importe quoi et n’est plus du tout transparent…

Heureusement, l’entourage de la secrétaire d’État en charge du Commerce et de l’Artisanat, Carole Delga, concocte une nouvelle version « plus lisible, plus simple, plus pragmatique ». Tous aux abris ! Nous voilà rassurés !

Encore plus de lisibilité, encore plus de pragmatisme, encore plus de simplicité, à l’évidence, la prochaine mouture du logo gouvernemental va cogner du chaton mignon !

Cet article a également été publié sur le blog de Hashtable, Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition…

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