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Faire partir les seniors pour faciliter l'embauche des jeunes : une erreur d'analyse
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Bonnes feuilles

En matière d'emploi des séniors, le France est le mauvais élève de la classe européenne. Rodolphe Delacroix montre comment d'autres pays ont sur devenir performants sur l'emploi des séniors. Extrait de "Si senior : Travailler plus longtemps en entreprise, c'est possible" (2/2).

Rodolphe   Delacroix

Rodolphe Delacroix

Rodolphe Delacroix est consultant spécialisé en ressources humaines et conduite du changement, au sein du cabinet Towers Watson, cabinet international de conseil en ressources humaines.

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L’idée consistant a faire partir les seniors pour faciliter l'embauche des jeunes repose sur une erreur d'analyse simple : les statistiques ne font apparaitre aucun lien stable entre les évolutions de la population active et le chômage. Dans les faits, il n'est pas rare de constater dans les entreprises que le départ d'un senior n'est pas compense par une embauche de jeunes. Bien au contraire, il constitue une opportunité de faire une économie de masse salariale, de réorganiser un service ou d'accroitre sa productivité. Retenons que loin d’être suivie d'effet, la volonté affichée par les pouvoirs publics depuis 30 ans de remplacer les seniors par des jeunes s'est résumée a un slogan creux ou a des effets d'aubaine. La deuxième erreur d'analyse est d'ordre démographique : malgre un des taux de natalité les plus &eves des pays développés, notre pays vieillit. Et l'on sait déjà que la part des 25-54 ans dans la population française totale est appelée a chuter de 10 % d'ici a 2025. Dans le même temps, les plus de 60 ans passeront de 21 a 28 %. En clair, ceux qui assurent l’activité économique et la productivité du pays seront mains nombreux tandis que le nombre de ceux qui, aujourd'hui, sont écartés du marche du travail, parce que seniors, va augmenter. D'une évolution démographique, nous arrivons a une impasse économique. Il est donc urgent de remettre les jeunes et les seniors au travail si l'on veut préserver l’équilibre des régimes de retraite et des entreprises. Comme l'indique l'Institut Montaigne dans son rapport sur les jeunes et les seniors au travail : « en 2050, le rapport entre actifs et retraites tombera a 1,4 actif pour un inactif contre 2,2 en 2005 01. Si les salaries souhaitent bénéficier de retraites pendant une période longue, du fait de l’allongement de l’espérance de vie, il est urgent d'accroitre le nombre de cotisants. Pour cela, il n'y a que deux solutions : favoriser l’accès ou le maintien a l'emploi des jeunes et des seniors et reporter Page de la retraite. Bref, assouplir le marche de l'emploi de toutes les rigidités qui l'entravent.

Face a cette situation, les gouvernements ont agi par touches successives, sans vision d'ensemble cohérente mais en multipliant les reformes relatives a Page de départ en retraite. C'est d'abord la reforme Balladur en 1993 qui instaure 40 années de durée de de cotisation a 41 ans, puis celle de 2007 qui aligne les durées de cotisations du public sur le prive et enfin la loi de novembre 2010 qui reporte rage légal de 60 a 62 ans. Ces reformes successives reposent sur le pan que le report de rage de retraite — qu'il soit lie a la durée de cotisations ou au report de rage légal — entrainera un maintien des seniors en activité. Ce choix est, dans l'ensemble, cautionne par les économistes. Ainsi Frederic Gonand écrit dans la Tribune' : « Une hausse de rage de la retraite tend a favoriser une hausse du taux d'emploi des seniors. Plus la date de retraite est proche, moins l'investissement dans l'emploi des seniors (par la formation, les lois de recrutement...), ou des seniors sans emploi, est rentable. En revanche, une hausse de rage de la retraite favorise l'emploi des salaries Ages, meme si d'autres politiques d'accompagnement demeurent souhaitables. Même son de cloche chez Feconomiste de la DARES, Frederic Laine, qui pointe un « effet d'horizon » : a partir de 45 ans, il est plus difficile d’accéder a une formation pour maintenir ou acquérir des compétences car l'employeur sera peu enclin a investir sur une formation dont il ne verra pas le retour. De fait, l'horizon retraite s’éloignant, Facces a la formation redevient possible.

L'impact de ces reformes, — et notamment la demiere sur l'emploi des seniors doit cependant être précise. Pour les cadres, la loi de 2010 ne change pas grand chose : la plupart des cadres ayant commence a travailler a 23-25 ans, ils ne pouvaient, avant cette loi, prétendre a une retraite a taux plein avant 64-65 ns. Pour les non cadres, les ouvriers et les employés qui sont entres sur le marche du travail a 18 ans, il en va différemment : le report de 60 a 62 ans de rage légal signifie pour eux la nécessite de travailler 44 ans avant de pouvoir prétendre a une retraite a taux plein. Compte tenu des problèmes d'usure et de pénibilité au travail, cette perspective est loin d’être atteignable sans un accompagnement important des pouvoirs publics et des entreprises en termes de formation, de bilan de compétences, de mobilité professionnelle, d’aménagement des conditions de travail et des fins de carrière. Or, sur ce sujet, la loi ne dit rien ! Elle fait totalement l'impasse sur la conséquence majeure de la prolongation de la durée de travail : l’employabilité des seniors et l’aménagement de leurs conditions de travail en fin de carrière. Une révolution culturelle reste a engager — a l'instar de certains pays comme la Finlande, nous y reviendrons — mais aucune volonté politique ne l'exprime. Ce qui devrait être un choix de société, un volet essentiel du dialogue social, une priorité budgétaire, un objet de débat de toutes les campagnes électorales, un aspect essentiel des poli- tiques de ressources humaines des organisations est occulte, passé sous silence et renvoyé a l'obligation faite aux entreprises de mettre en place un plan seniors sous peine de pénalités financière.

  Extrait de "Si senior : Travailler plus longtemps en entreprise, c'est possible" (Plon), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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