Explosions en Iran et à la frontière syro-libanaise : un avertissement à destination de Téhéran ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'aviation israélienne a bombardé un centre de recherche militaire en Syrie.
L'aviation israélienne a bombardé un centre de recherche militaire en Syrie.
©Reuters

A bon entendeur

L'aviation israélienne a bombardé un centre de recherche militaire en Syrie, entre Damas et la frontière libanaise mercredi à l'aube. Que sait-on de cette attaque ? Quelles sont les motivations de Tel Aviv ? Quelles peuvent en être les conséquences ?

Hagay Sobol

Hagay Sobol

Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée, il est vice-président du Think tank Le Mouvement. Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d'Abraham ».

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Coup sur coup, des fuites savamment orchestrées ont fait état d’une gigantesque explosion il y a dix jours dans l’usine souterraine iranienne d’enrichissement d’uranium de Fordow, abritant 2700 centrifugeuses, puis la semaine dernière de l'effondrement d'une plateforme offshore sur un gisement gazier en Iran. Mercredi dernier, des frappes aériennes ont touché  un « centre de recherche » syrien spécialisé dans le développement d’armes chimiques dans la région de Jomrayah, alors qu'un convoi syrien au Liban transportait des armes de destruction massive (ADM) à destination du Hezbollah. Que cachent cette conjonction de faits ? S’agit-il d’actions isolées, sont-elles au contraire coordonnées traduisant un changement qualitatif dans le bras de fer que livrent les Occidentaux face à ce que le président Bush qualifiait d’« axe du Mal » ?

Un régime averti en vaut deux ?

Barack Obama, et des officiels américains, avaient, à plusieurs reprises, répété qu’ils étaient préoccupés par l’avancée de l’Iran vers l’arme nucléaire. Ils ont récemment insisté sur le fait que la sécurité de l’Etat hébreu n’était pas négociable. De son côté, Israël a constamment indiqué qu’il ne s’ingérerait pas dans le conflit syrien, mais que la ligne rouge était le transfert des ADM en direction du Hezbollah libanais, milice supplétive de l’Iran. De fait, durant l’opération « Piliers de défense », Tsahal avait réagi de manière très mesurée aux attaques de ses positions sur le plateau du Golan, provenant de son voisin alaouite. Ces dérapages, dont l’origine n’était pas certaine : armée du régime ou groupes islamistes, pouvaient être diversement interprétés, bavures ou provocations, afin d’instrumentaliser une entrée en guerre de Jérusalem. Aussi, Israël s’est contenté d’occuper une position d’observateur attentif, répondant au cas par cas, tout en prévenant les deux camps de ne pas aller plus avant dans la défiance.

Officiellement les américains se sont alignés sur cette position, tout en condamnant fermement la manière dont Bashar al-Assad réprime son peuple. La Russie, soutient désespérément son allié qui lui permettait jusqu’alors d’assurer sa dernière implantation dans la région, et dont la perte réduirait considérablement son influence. Quant à l’Iran, personne n’ignore que les gardiens de la Révolution, sont directement impliqués, de même que le Hezbollah pour assurer la survie politique du Raïs syrien, dans ce que l’on continue malgré tout à appeler une guerre civile. Si rien n’est fait, tous les ingrédients sont rassemblés pour une escalade, risquant d’entraîner, par effet domino, toute la région dans un conflit généralisé.

Et la France dans tout ça ?

Lors de l’élimination de Ben Laden, le Président américain avait affirmé qu’Al-Qaïda était « considérablement affaibli ». Depuis, il a eu de multiples occasions de déchanter, notamment avec l’assassinat de son ambassadeur en Libye. C’est dans ce contexte de « guerre mondiale jihadistes » que s’inscrit la « guerre de libération du Mali » par la France, ainsi que la prise d’otages sur le site gazier algérien d’In Amenas, et son épilogue sanglant mené par l’armée algérienne.

Paris a besoin d’informations fiables pour traquer les terroristes et mener efficacement, avec le moins de pertes possibles, ses opérations sur un territoire considérable. Israël, à qui l’on impute certaines actions en Afrique, visant à neutraliser les approvisionnements d’armes iraniennes qui menacent son territoire, a nombre d’appuis dans la région, et dispose d’informations précieuses. La France, bien isolée dans son combat, a besoin d’alliés dans ce qui pourrait devenir une guerre d’usure comme en Afghanistan, et pourrait faire appel à l’Etat hébreu. Le soutien annoncé par l’Amérique semble accréditer cette thèse.

Aussi, on ne serait pas étonné que des dossiers habituellement traités de manière disjointe révèlent en plein jour leurs connexions, telle l’alliance opérationnelle entre des groupes jihadistes et l’Iran (les exemples les plus connus étant le Hamas et les islamistes yéménites tous deux sunnites et armés par les Chiites iraniens), car il existe désormais une convergence d’intérêts de part et d’autre qui pourrait bien changer la donne.

Une réponse progressive face aux menaces ?

Bien que les différents trains de sanctions mettent à genou le régime des mollahs, sur le plan économique, l’Iran met tous les moyens encore disponibles pour faire avancer son programme nucléaire qui n’a plus rien de civil. Cela malgré les embuches, telles de redoutables cyber-attaques, les défections d’officiels, de mystérieuses éliminations de scientifiques, et des sabotages audacieux. Pour preuve, Téhéran nargue l’occident en affirmant mettre en service de nouvelles centrifugeuses sur le site de Natanz. Pourtant, en interne, la contestation gronde et ne prend même plus la peine de se dissimuler. A tel point que la théocratie Chiite a décidé de museler la presse en incarcérant des journalistes, à quelques mois des élections.

Avertissements sans frais ?

Tous les signes indiquent un régime aux abois. L’Iran est capable de prendre des toutes les décisions, y-compris les plus irrationnelles. Son plus sûr allié, la Syrie, est au bord de l’abîme. Et sa politique de déstabilisation basée sur les attaques de populations civiles, via des stocks considérables de missiles, a subi un incontestable revers à Gaza, grâces aux systèmes israéliens antimissiles « Dôme de Fer » et « Fronde de David ». Dans sa course folle pour maintenir un équilibre de la terreur, Téhéran a impérativement besoin de changer au plus vite de stratégie. C’est ainsi que l’on peut interpréter le transfert des ADM syriennes en direction du Hezbollah, ou vers des groupes créés pour l’occasion.

Aussi, ce n’est pas prendre un grand risque que de penser que la dernière série noire, ayant frappé l’Iran et ses alliés, n’a rien de fortuit. Cela représenterait un avertissement sans frais aux mollahs, afin qu’ils amendent drastiquement leur position. Prélude à des opérations militaires plus musclées en cas de refus.

L’implication supposée des USA dans le bombardement de Fordow, et « l’assentiment » donné aux forces israéliennes d’intervenir en Syrie, s’il s’avère fondé, auront certainement un coût pour l’Etat hébreu. Le futur gouvernement qui a toutes les chances d’être mené par Netanyahou devra reprendre les négociations avec les Palestiniens. Ce ne sera pas une tâche aisée, car la coalition au pouvoir ira probablement du centre, avec Yesh Atid de Yaïr Lapid, jusqu’à Habaït Hayéhudi de Neftali Bennett, positionné à droite du Likoud. Cela augure une possible instabilité qui risque de paralyser l’action gouvernementale sur certains sujets sensibles, voire d’ouvrir sous peu la porte à de nouvelles élections.

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