Exclusif : le sondage qui révèle la grande hésitation des électeurs de droite sur des alliances post présidentielles <!-- --> | Atlantico.fr
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Selon un sondage OpinionWay pour Atlantico sur les électeurs de droite et les stratégies d’alliance, les sympathisants LR sont favorables à une alliance avec Emmanuel Macron (entre 60 à 66%).
Selon un sondage OpinionWay pour Atlantico sur les électeurs de droite et les stratégies d’alliance, les sympathisants LR sont favorables à une alliance avec Emmanuel Macron (entre 60 à 66%).
©CRÉDITLUDOVIC MARIN / AFP

Macron, Le Pen ou Zemmour ?

Selon un sondage OpinionWay pour Atlantico, les électeurs Pécresse et les sympathisants LR au sens large sont favorables à une alliance avec Emmanuel Macron (entre 60 à 66%, selon la décision de Nicolas Sarkozy). Mais ils sont aussi 52% à souhaiter une alliance avec Marine Le Pen si elle était élue...

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart est le Directeur Général adjoint de l'institut de sondage Opinionway. Il est l'auteur de "La Présidence anormale – Aux racines de l’élection d’Emmanuel Macron", mars 2018, éditions Cent Mille Milliards / Descartes & Cie.

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Atlantico : Pour Atlantico, vous publiez le sondage « Les électeurs de droite et les stratégies d’alliance après l’élection présidentielle ». Quels en sont les principaux enseignements ?

Bruno Jeanbart : Nous avons essayé de comprendre cette envie d’union des droites et d’alliance au sein des électorats de droite. C’est l’un des sujets de la campagne mais aussi une question qui se pose probablement pour l’après. Nous avons essayé de comprendre comment les choses pouvaient s’organiser, en cette fin de campagne, avec les évolutions des rapports de force entre Reconquête, le RN et LR. Pour LR, la question se pose d’une alliance à sa droite (Reconquête et RN) ou avec LREM. Nous avons aussi voulu interroger aussi ce que changerait le soutien ou non de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron. De manière globale, on constate que l’électorat de droite n’est pas unanime ou consensuel sur le sujet. Pour les sympathisants LR et ceux qui s’apprêtent à voter pour Valérie Pécresse, le soutien à une alliance avec Emmanuel Macron obtient 60 à 66% d’avis favorables (selon la décision de Nicolas Sarkozy). Ce qui veut dire qu’un tiers des électeurs rejette ce cas de figure. Dans le même temps, les électeurs seraient très divisés pas fondamentalement opposés à l’idée d’un soutien à un gouvernement de Marine Le Pen. On dit souvent que les dirigeants de LR ne sont pas clairs sur ces questions, mais les électeurs eux-mêmes n’ont pas d’avis tranchés.

La première question posée est « Si Emmanuel Macron est réélu Président de la République, souhaitez-vous que Les Républicains participent à son nouveau gouvernement ou soient dans l'opposition ? » 60 % des électeurs LR sont favorables à ce que Les Républicains participent au nouveau gouvernement d'Emmanuel Macron. Qu’est-ce qui peut expliquer cette division au sein de l’électorat ?

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Dans cet électorat Pécresse et sympathisants LR, il y a un regard mitigé sur le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il y a probablement une adhésion à certaines mesures : la transformation de l’ISF, la flat taxe sur les plus-values, la loi travail, etc. Mais il y a aussi le sentiment que certaines choses n’ont pas été faites ou abordées : la réforme de l’Etat, les finances publiques ou le régalien. Il y a donc l’idée d’une proximité. C’est un gouvernement que l’électorat pourrait soutenir car il aurait des orientations compatibles avec ce qu’il incarne actuellement, mais en même temps le risque d’une vraie insatisfaction.

Vous reposez ensuite la même question « dans l'hypothèse d'un accord soutenu par Nicolas Sarkozy ». Le taux d’électeurs favorable passe alors de 60 à 66%. Comment lire cette donnée ?

Ce résultat nous dit deux choses. D’abord, il ne change pas fondamentalement la position des électeurs. Il la renforce seulement un petit peu. Nicolas Sarkozy en lui-même ne va pas entraîner la dynamique. Je pense que cela relativise aussi le poids de Nicolas Sarkozy dans cet électorat. Ce qu’on voit bien dans les enquêtes, c’est la persistance d’une forte empathie et d’un lien affectif entre Sarkozy et les électeurs de droite, mais pas forcément un poids et une influence forte sur les orientations des électeurs. Si cette adhésion était totale, Nicolas Sarkozy aurait gagné la primaire en 2016. Il y a probablement une influence qu’on lui accorde qui est supérieure à ce qu’elle est réellement. Ce qui n’enlève pas l’admiration et le respect que les électeurs peuvent avoir pour lui.

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Vous testez aussi l’hypothèse de savoir « si Marine Le Pen est élue Présidente de la République, souhaitez-vous que Les Républicains participent à son gouvernement ou soient dans l’opposition ? » L’électorat y est beaucoup plus divisé (52 % pour 47 % contre). Pourquoi ?

C’est un sujet qui divise beaucoup. L’hypothèse Macron suscite un certain consensus, avec Le Pen c’est bien plus clivant. A mon sens cela montre que l’attrait de peser sur un gouvernement, même si c’est celui de la candidate RN, est fort. C’est sans doute pour cette raison que certains électeurs souhaitent cette hypothèse, selon l’idée que pour peser, il faut être au pouvoir. Mais c’est aussi logique car sur des sujets comme les questions régaliennes, d’insécurité, d’immigration, etc. il peut y avoir de fortes convergences. Cela montre aussi que pour l’électorat de droite, il y a plus de proximité avec Emmanuel Macron qu’avec Marine Le Pen. C’est notamment vrai sur les sujets économiques, avec la réforme des retraites par exemple.

Faut-il pour autant en conclure que les électeurs sont plus intéressés par une union du centre droite qu’une union de la droite ?

Je ne pense pas que cela dise ça. L’alliance avec Emmanuel Macron peut paraître plus naturelle, notamment car il est le favori de l’élection. Cela montre quoi qu’il arrive une envie de participer au pouvoir, de peser. C’est peut-être plus simple de l’envisager avec Emmanuel Macron grâce aux convergences économiques des programmes.

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Entre 60 et 66% des électeurs LR sont favorables à une alliance avec Emmanuel Macron et en même-temps 52% avec Le Pen. Est-ce la preuve d’une confusion idéologique de l’électorat ?

Oui c’est probablement la forme d’une confusion idéologique, la preuve que selon les sujets on est d’accord avec l’un ou l’autre. C’est aussi la preuve de l’envie de l’électorat de peser sur la politique dans les cinq ans qui viennent et garantir que les gouvernements potentiels prennent en partie en compte les demandes de l’électorat LR.

Sans prendre en compte le risque de désintégration qu’une alliance peut faire peser sur le parti…

Exactement. Je crois que le risque de désintégration du parti n’est pas un sujet pour les électeurs. C’est un sujet pour les membres du parti.

A quel point ces résultats sont-ils cohérents avec le dernier sondage réalisé en novembre dernier pour Atlantico sur la participation des Républicains à un gouvernement Le Pen ou Zemmour et inversement ?

Des différences apparaissent car le paysage politique a un peu évolué avec la campagne. A l’époque, Valérie Pécresse n’était pas encore la candidate désignée. Mais globalement, on voit une forme de cohérence dans la mesure où le centre droit demeure un territoire plus naturel d’alliance que ne l’est, pour l’instant, une alliance avec une droite jugée plus radicale. A l’époque, plus d’un électeur sur deux de LR (63%) estimait qu’en cas de victoire du RN, les Républicains devaient participer au gouvernement. Mais on était en pré-campagne et il n’y avait pas eu les affrontements que l’on a vu se dessiner. Cela montre que le sujet n’est pas complètement tranché, qu’il est clivant, mais pas tabou.

Vous n’avez pas testé, cette fois-ci, la possibilité d’intérêt de l’électorat LR pour rejoindre un éventuel gouvernement Zemmour. Peut-on estimer qu’il ferait mieux ou moins bien que Marine Le Pen ? Est-elle la plus à même de rassembler la droite ?

En novembre dernier, nous avions vu que les Républicains étaient un peu moins favorables à la participation à un gouvernement Zemmour qu’à un gouvernement Le Pen, ce qui était contre-intuitif. On peut imaginer que la situation n’a pas changé. La campagne a fait d’Eric Zemmour le candidat le plus radical, devant Marine Le Pen.

Votre sondage s’intéresse aussi aux prochaines élections législatives et demande « souhaitez-vous que Les Républicains, Reconquête ! et le Rassemblement national présentent des candidatures d’union ou des candidatures séparées » (44% pour la première option, 46% pour la deuxième). Comment lire ces données ?  

D’abord, cela montre qu’il faut faire attention à l’illusion d’optique qui consiste à dire que parce que les droites sont majoritaires dans le pays il suffirait qu’elles s’allient pour arriver au pouvoir. Les différences tendances de droite ne sont pas uniformes et pas forcément miscibles dans une alliance. C’est les électeurs de droite radicale, notamment ceux de Marine Le Pen, qui sont les plus favorables à des candidatures d’union (53%) contre seulement un tiers (34%) des électeurs de Valérie Pécresse. L’envie de rassemblement est plus forte chez les électeurs du RN que de la part de l’électorat LR traditionnel. Et pour cause, les deux partis sont dans des situations différentes. Les Républicains a plus d’une centaine de députés, le Rassemblement national en a 7. Il y a donc pu être une nécessité ressentie plus forte de cette alliance au sein de l’extrême droite, là où LR peut avoir le sentiment d’avoir la capacité de maintenir un ancrage minimal. Par ailleurs, on peut supposer, avec la baisse de Valérie Pécresse dans les sondages, que la partie de l’électorat favorable à cette alliance est déjà partie de LR pour la droite radicale.

Les électeurs d’Éric Zemmour sont 47% à ne pas se prononcer sur leur souhait d’alliance, 37 % sont pour et 16% préfèrent des candidatures séparées. Comment expliquer cette indétermination ?

C’est sans doute le signe d’un électorat qui, ayant rejoint une nouvelle aventure politique, estime qu’il faut savoir ce que peut représenter Reconquête ! à la présidentielle avant de s’allier avec les autres. Les positions clivantes d’Éric Zemmour ont peut-être aussi incité les électeurs de Zemmour à un certain repli en attendant de voir ce qu’il va se passer au premier tour. Mais c’est un électorat qui se cherche. S’il a été vers Eric Zemmour et non vers Marine Le Pen c’est peut-être qu’il a des réticences envers Marine Le Pen et donc envers une possibilité d’alliance avec elle.

Pouvons-nous, grâce à ce sondage, voir ce que veut l’électorat LR, si on peut encore parler d’un seul électorat ?

Je pense que c’est difficile de parler d’un seul électorat sur cette question là aujourd’hui. Il y a un certain nombre de clivages, mais c’est aussi le chemin qui lui sera proposé qui sera déterminant. Je ne sais pas s’il y a une volonté proactive très forte de l’électorat. Ce qui est sûr c’est que la question n’est pas tranchée. L’offre électorale et les propositions de certaines personnalités pourront faire basculer l’électorat. Ils sont à mon sens plutôt en attente de voir ce qui va être fait ainsi que des rapports de force du premier tour de la présidentielle et de ce que ça va révéler. Il n’est, par exemple, pas sûr qu’Éric Zemmour arrive à transformer son score de la présidentielle aux législatives. Je pense que l’électorat ne sait pas trop ce qu’il veut.

Quelles peuvent être les conséquences ?

Cela peut conduire à deux choses à l’avenir. Soit une fracture, avec ceux qui iront d’un côté ou de l’autre, ce qui est d’ailleurs le projet de Macron et Le Pen de dépecer LR. Soit un leader LR sera capable de convaincre de montrer un chemin et d'entraîner avec lui une majorité. Le risque de fracture va beaucoup dépendre des rapports de force à la présidentielle, des scores comparés de Valérie Pécresse et Eric Zemmour par exemple.

Au vu de ces résultats, un leader LR a-t-il plutôt intérêt à chercher l’union ou à maintenir LR seul ?

Il n’y a pas de stratégie imposée par l’électorat lui-même puisqu’il est divisé. C’est un avantage pour le futur leader LR car il ne sera pas tenu d’aller dans une direction en raison de l’électorat. Emmanuel Macron ne pouvant se représenter dans cinq ans, Marine Le Pen ne comptant pas le faire si elle n’est pas élue et puisque LR possède encore des ancrages locaux, le pari -ou la tentation  - peut être de laisser passer l’orage et de se reconstruire pour 2027. Le risque est de ne pas s’interroger sur les raisons profondes de l’échec de LR et de rester dans une forme de conservatisme. 

Propos recueillis par Guilhem Dedoyard

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