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Mais comment l'Europe ne voit-elle pas qu'elle provoque elle-même sa future -et grave- insuffisance alimentaire ?
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Échec & PAC

Pour protester contre la contre « la surenchère environnementale française », des agriculteurs réunis à l'appel de la FDSEA ont mené ce vendredi une action coup de poing devant le ministère de l'Environnement. Le monde de l'agriculture grogne, avec l'Union européenne en ligne de mire.

Pierre Priolet

Pierre Priolet

Pierre Priolet est agriculteur depuis 1990 à Mollégès.

Il se veut l’instigateur d’un projet pour bâtir un nouveau système de distribution qui se passerait des aides, et il se bat  pour l’idée d’une société où l'on consommerait plus juste.

Grâce à ses passages télés remarqués, Pierre Priolet est devenu la nouvelle icône médiatique du monde agricole qui souffre.

Il est l'auteur de "Les fruits de ma colère : Plaidoyer pour un monde paysan qu'on assassine" (Robert Laffont, 2011) et s'occupe quotidiennement du blog "consommer juste".

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Les commissaires européens et l'Europe imposent par lobbying interposé, tous les jours, plus de contraintes aux agriculteurs les soumettant, chaque jour d’avantage, à plus de servitudes imposant à chacun de nous des décisions d’une rare stupidité. L’agriculture européenne crée plus de postes de contrôleur que de paysans. Cela coûte une fortune au monde agricole et ne produit rien. Les effets sont dévastateurs et découragent les agriculteurs. On sent dans chacune de ces décisions iniques les industriels et les distributeurs derrière les contraintes qu’ils nous soumettent.

L’Europe est en train de se créer elle-même une insuffisance alimentaire majeure. Comment expliquer rationnellement que les aides massives sont données à ceux qui travaillent le moins, qui sont les plus pollueurs et qui gaspillent l’eau qui manque dans de nombreuses régions pour la consommation des citoyens ?

Comment expliquer les graves conflits d’intérêts de ceux qui fabriquent un carburant dit « Vert » qui coûtent une fortune aux contribuables et que l’état complice nous oblige à consommer dans nos machines et tracteurs alors qu’il est d’une qualité si médiocre que personne n’en veut. Il est fabriqué à base de céréales subventionnées, qui pourrait alimenter tant d’hommes qui sont en situation de famine actuellement.

Comment expliquer aux citoyens européens que les aides massives servent surtout à acheter du matériel sophistiqué aux États-Unis ? Il suffit pour s’en rendre compte de visiter le parc d’exposition de Villepinte pendant le salon de l’agriculture. Nous sommes devenus les employés des lobbyings de l’industrie agro-alimentaire, de l’industrie phytosanitaire, des grainetiers, des marchands du vivant. 

Les Français contrairement à ce qui est dit si souvent, ont une approche positive des agriculteurs et sont attachés à leurs racines.  La crise que nous traversons nous en sommes aussi responsables car notre problème vient à mon sens, de ce que nous produisons. Des produits sans goût, très peu souvent à maturité, uniquement beau. Ces productions sont imposées par la recherche et la grande distribution. Une fois l’effet marketing passé, les clients se lassent et vont finir par préférer les produits industriels, ce qui est en fait le but car les plus-values sont plus juteuses. Nous ne parlons que de notre activité de producteurs, alors que notre métier est plus vaste dans sa notion d’entretien et de protection de l’espace de proximité des agglomérations, du tourisme, d’employeurs de main d’œuvre, de maintien des traditions. Corporatiste nous sommes toujours en attente de nouvelles subventions, alors que notre problème n’est qu’un manque de courage de l’Etat pour imposer des marges maximales à la grande distribution en position de monopole. Nous ne parlons que de nous alors que 8 millions de français n’ont plus accès à nos produits par manque de moyens. Nous ne savons plus nous vendre à notre avantage, c’est pourquoi je pense que nous devons nous remettre en cause et comprendre ce que nous veulent ces consommateurs qui ne demandent qu’à nous rejoindre et imposer ensemble que l’état fasse son devoir de réglementation. On le voit dans le développement des ventes directes de produits Bio, des Amaps et autres circuits courts.

Ce qui est vrai par contre, c’est que le monde agricole est en grande parti désespéré et que la France risque à très court terme de se retrouver avec un très grave problème de suffisance alimentaire qui ne sera  plus assurée. Je traverse la France et je constate la difficulté des anciens à garder des jeunes dans les campagnes, des difficultés financières énormes alors que les règlements sont de plus en plus demandeurs d’investissement, pour en réalité travailler à perte. La situation ne pourra pas durer avec des comportements dictatoriaux de la réglementation nationale et européenne et la compromission de l’état avec des gens qui sont les ennemis des agriculteurs par leurs pratiques condamnables.

Les aides sont une aberration économique et un avilissement pour les hommes qui la reçoivent. Les Etats d’Europe doivent comprendre qu’interdire les ventes à perte coûterait moins cher que de distribuer des aides qui tombent toujours dans les poches de ceux qui en ont le moins besoin. Et qui n’ont jamais fait évoluer ni l’agriculture, ni les agriculteurs. Les politiques agricoles menées depuis cinquante ans sont des échecs permanents et l’Europe persiste dans l’erreur comment comprendre cela? Les aides nourrissent trop de gens qui profitent de la crise, alors que ceux qui travaillent oscillent entre suicide et divorce.

Trop c’est trop il faut en finir avec le mensonge ! Les Français aiment les agriculteurs mais les comportements de certains décribilisent le travail au quotidien de tous ces agriculteurs qui travaillent durement pour rien.

Nous devons dire aux  consommateurs que notre passion, notre raison d’être c’est de les nourrir et que sans eux nous serons conduits à abandonner nos terres et arrêter notre métier, mais ce jour-là attention car je pense sincèrement que la société toute entière le regrettera durement. Nous pouvons nous passer de tout mais pas de nourriture !

C’est pourquoi il est urgent de dire clairement, à tous nos dirigeants : « quelle société et quelle alimentation voulons nous» ?

Cette question dépasse largement le cadre unique de l’agriculture, il s’agit d’un vrai choix de société.

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