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Etats-Unis / Canada / Mexique : Pourquoi Trump veut-il la renégociation de l'ALENA ?
©JIM WATSON / AFP

Chamboule-tout

Les discussions relatives à la renégociation de l’Accord de Libre-Echange Nord-Américain (ALENA) se sont ouvertes le 16 août dernier.

Frédéric Farah

Frédéric Farah

Frédéric Farah est économiste et enseignant à Paris I Panthéon Sorbonne.

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Atlantico : Les discussions relatives à la renégociation de l’Accord de Libre-Echange Nord-Américain  se sont ouvertes le 16 août dernier. Un traité qualifié de désastre par Donald Trump. Quel bilan peut-on tirer du traité signé en 1994, du point de vue des 3 pays concernés ? 

Frédéric Farah : Ce traité a été au moment de sa signature l’une des illustrations significatives de la période que certains ont qualifié de « mondialisation heureuse », période qui court selon nous de la fin de l’URSS en 1991 jusqu’aux premières contestations à l’égard de ce phénomène en 1999 à Seattle. Non pas que la mondialisation fut heureuse, mais fut vivace et peut l’être encore, la croyance que l’extension des principes du marché à l’échelle du monde serait profitable à tous. La promotion du libre échange comme jeu à somme positive, à même de réduire les écarts de développement entre les nations a connu de riches heures dans les années 1990. 

L’ALENA, traité de libre échange entre le Mexique, les Etats Unis et le Canada devait donc en profiter  aux trois indifféremment de leur poids économique. 24 ans après,  ce temps euphorique apparait vraiment loin. Le bilan de ce traité fait l’objet de débats extrêmement rugueux afin de savoir si ce traité valait la peine d’être signé. Dans les débats, ce sont souvent les rapports Mexique et Etats Unis qui dominent le devant de la scène. Pour les détracteurs du traité, la main d’œuvre peu qualifiée, l’agriculture mexicaine, les PME, les droits sociaux sont les grands perdants.  

Le bilan pour les travailleurs américains n’est guère reluisant, surtout pour les catégories les plus vulnérables. Plus de 700 000 emplois perdus, qui s’accompagnent de salaires stagnants et une redistribution de la richesse du bas vers le haut. Les pertes se font sentir dans les Etats du Michigan, du Texas et de la Californie, qui concentrent une forte activité industrielle. Pire, le traité a servi de levier de pression sur les salariés américains pour qu’ils en rabattent sur leurs revendications salariales ou leurs droits sociaux. C’est le tristement célèbre chantage à la délocalisation. Ce traité a été le levier d’une puissance offensive anti syndicale. 

Mais le cercle vicieux a été plus loin. Le Mexique, particulièrement dans l’agriculture et la petite entreprise a subi de lourdes pertes presque deux millions de  destructions dans l’agriculture, amplifiant les mouvements migratoires vers les Etats Unis. Cette présence abondante de travailleurs peu qualifiés a exercé une pression à la baisse sur les salaires aux Etats Unis. Les PME américaines ont vu leur part sur le total des exportations vers le Mexique et le canada a baissé, elle est passée de 15à12% entre 1996 et 2012.

Néanmoins certains insistent pour rappeler les avantages du libre échange et particulièrement dans le secteur automobile américain qui a retrouvé de la compétitivité en délocalisant des lignes de production au Mexique ou encore pour ce dernier qui est devenu une porte d’entrée pour le marché américain attirant de la sorte des investisseurs étrangers. De la sorte, le Mexique s’est trouvé gagnant.

Par ailleurs les exportations et importations entre les 3 pays ont triplé en 24 ans. 40 millions d’emplois auraient été crée et 25 millions aux Etats Unis. La difficulté avec ces chiffres est de bien identifier en quoi il est possible de les attribuer à coup sûr à ce traité. Le Canada a aussi de fortes pertes manufacturières du fait de ce traité et n’a pas pu devenir une porte d’entrée pour les investissements directs venant de l’étranger. Les effets d’entrainement , la croissance, la creation d’emplois n’ont pas été au rendez vous. Bien de choses pourraient être dites sur les effets en termes de territoires ou encore de modèle de développement. Ce traité raconte aussi des illusions perdues. 

La dépendance du Mexique au marché américain n’est elle pas trop forte pour permettre une rénégociation équitable. Quelles seraient les conséquences pour le pays de voir apparaitre des barrières douanières ? 

Aujourd’hui il n’y aura pas de retour en arrière sous forme de barrières douanières à l’ancienne. Pour le meilleur et pour le pire, les trois économies sont imbriquées et plus que jamais le Mexique est proche des Etats Unis et loin de Dieu pour paraphraser P. Diaz.  Il est évident que la négociation ne sera pas facile car le Mexique oriente 80% de ses exportations vers les Etats Unis. les objectifs généraux du Mexique sont d’imaginer un modèle de libre échange plus inclusif, que l’accès aux marchés agricoles américains se maintienne, que les secteurs automobile et l’électronique, 60% des exportations mexicaines, ne soient pas pénalisés.  

Du point de vue des Etats-Unis, quelle serait la solution la plus viable ? Une telle solution serait elle acceptable pour ses voisins ? 

Les Etats-Unis ont publié un document de 18 pages début juillet pour présenter leurs attentes. Un document qui mérite lecture car il donne un bon aperçu de la position de l’administration Trump. N’oublions pas que l’ancien candidat Trump, désormais président s’est beaucoup adressé à ceux qui seraient les «  victimes économiques » de ce traité.

L’un des objectifs est reduire sa position déficitaire vis-à-vis de ces partenaires, une révision des normes de litige, et aussi des standards environnementaux et sociaux, le réexamen des régles d’origines. Les Etats Unis souhaitent rééquilibrer l’accord en leur faveur, ce qui s’entend et particulièrement dans le secteur automobile, secteur à fort enjeu pour le Mexique. L’administration Trump veut limiter l’import de composantes qui ne sont produites en Amérique du nord pour ce secteur. Au risque d’affirmer une banalité, le compromis dégagé ne pourra être qu’insatisfaisant car l’idée qu’un accord gagnant gagnant puisse surgir est une illusion. 

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