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Ci-gît l’État providence (1945-2011)
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Autopsie

En dégradant la note des Etats-Unis, l’agence Standard & Poor’s va sans doute précipiter indirectement la disparition de cette forme particulière d’intervention publique qu'est l'État providence.

Olivier Babeau

Olivier Babeau

Olivier Babeau est essayiste et professeur à l’université de Bordeaux. Il s'intéresse aux dynamiques concurrentielles liées au numérique. Parmi ses publications:   Le management expliqué par l'art (2013, Ellipses), et La nouvelle ferme des animaux (éd. Les Belles Lettres, 2016), L'horreur politique (éd. Les Belles Lettres, 2017) et Eloge de l'hypocrisie d'Olivier Babeau (éd. du Cerf).

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Le vrai problème de la crise actuelle n’est pas la chute des marchés. Elle n’en est que le symptôme. La crise de confiance qui se diffuse actuellement tel un virus a une cause tout à fait claire : ce n’est ni l’absence de régulation, ni la méchanceté des « traders », c’est, profondément, le doute grandissant concernant la capacité des États à tenir leurs engagements financiers. Ce doute n’est pas l’œuvre de spéculateurs vicieux ou d’agences de notation véreuses, c’est un doute tout à fait rationnel compte tenu du degré déraisonnable d’endettement atteint par de nombreux pays.

Chacun savait, sans vouloir le dire, qu’un système fondé sur un déficit important et répété ne pouvait être pérenne. Le XXe siècle aura été, pour la plupart des pays de l’OCDE, et pour la France en particulier, une ère d’extension sans précédent de la sphère publique. Entre 1900 et aujourd’hui, la part des dépenses publiques par rapport au PIB a plus que quadruplé.

La forme française de l’Etat providence, synthèse des modèles allemand et anglais, est réellement apparue après la Seconde guerre mondiale, accentuant la tendance à l’alourdissement de l’Etat. Aujourd’hui, avec 50% environ de dépenses publiques par rapport au PIB, la France arrive en tête des pays de l’UE, avec 5 points de plus que la moyenne des 27. Les chocs pétroliers ont inauguré la période actuelle de déficit des comptes publics sans que l’ampleur de la dépense publique ne connaisse aucune inflexion : la dynamique de surenchère des promesses politiques était lancée, et l’endettement était un moyen commode de balayer la poussière sous le tapis. Le résultat n’est que trop connu : chaque année, un tiers de nos dépenses doivent être financées par un emprunt nouveau ; la dette français s’élève à près de 1647 milliards d’euros, soit 85% du PIB ; la totalité des recettes de l’impôt sur les sociétés est chaque année absorbée par le paiement des intérêts de cette dette.

L’équilibre budgétaire va cesser d’être une évocation lointaine pour devenir un objectif de court terme, voire une condition dirimante. Pour prendre sérieusement la mesure du problème, le budget 2012 ne pourra pas se contenter d’ajustements cosmétiques. Sauf à continuer à prendre comme référence les extravagantes prévisions de croissance de 2,5% pour 2012, il implique une remise à plat assez radicale du rôle de l’Etat. Pour équilibrer le budget — comptes sociaux compris — ce sont à terme près de 100 milliards d’euros qui vont devoir être trouvés, sous forme de recettes nouvelles ou de dépenses en moins.

Tous les remèdes utilisés jusqu’à aujourd’hui à doses homéopathiques vont devoir être administrés en même temps : augmentation des prélèvements — sous forme notamment d’une hausse importante de la TVA, y compris pour son taux réduit — éradication des niches fiscales et forte réduction de la sphère d’intervention publique, privatisations massives…

Dans les toutes prochaines années, sauf retour improbable d’une forte croissance qui dispenserait de grands efforts, la France va devoir cesser de se droguer à la dépense publique. Le sevrage va être violent. La campagne des présidentielles de 2012 ne ressemblera vraisemblablement pas aux autres ; les différents candidats ne pourront plus traiter la question budgétaire avec légèreté. Invoquer une croissance future salvatrice ou appeler à « faire payer les riches » ne pourront plus être des solutions crédibles. Comme Churchill, il y aura vraisemblablement, pour ceux qui auront le courage de la vérité, « du sang, de la sueur et des larmes » à promettre. Mais surtout, on attendra du candidat qu’il propose un nouveau contrat de société en lieu et place de notre ancien modèle d’Etat providence.

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