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Et si la France était enfin en train d’atteindre l’efficacité dans sa campagne de vaccination ?
Et si la France était enfin en train d’atteindre l’efficacité dans sa campagne de vaccination ?
©jody amiet / AFP

Bonne nouvelle silencieuse

L'économiste Jacob Kirkegaard estime que la France est en train d'atteindre l'efficacité dans sa campagne de vaccination grâce notamment à un bon usage de ses doses de vaccin contre la Covid-19. Le risque de pénurie est-il toujours présent ? Quels sont les principaux risques à éviter pour la suite des étapes de la stratégie vaccinale ?

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico : Selon l'économiste Jacob Kirkegaard de la Peterson Institute For International Economics (PIIE), la France fait bonne utilisation de ses doses et est enfin en train d’atteindre l’efficacité dans sa campagne de vaccination. Est-ce encourageant pour la suite ?

Charles Reviens : Il faut analyser la campagne de vaccination de chaque pays de l’amont vers l’aval avec différents chainons successifs : outre la stratégie globale vaccinale, conception des vaccins, agrément par les autorités sanitaires, production, approvisionnement et enfin administration des doses.

Avant de faire cet exercice, on peut regarder la situation à date et constater que la France est toujours embarquée dans l’omnibus de l’Union européenne (15/16 doses administrées pour 100 habitants), le seul pays de l’UE27 réellement en avance étant la Hongrie (27 doses) du fait d’une stratégie opportuniste « dedans dehors ».

Si l’on va donc de l’amont vers l’aval du programme de vaccination français, il y a d’abord le choix essentiel de l’UE et de la France de confier la gestion de l’approvisionnement en vaccins à la commission européenne suivant la logique d’une « union toujours plus étroite qui fait la force » et sans réel débat sur l’application du principe de subsidiarité à la santé, qui n’est pas une compétence de l’UE prévue par les traités.

Ce choix européen a eu des conséquences importantes en matière de réactivé initiale comme l’explique très bien Jacob Funk Kirkegaard dans son récent papier sur le déploiement du programme vaccinal dans l’UE. D’abord les Etats-Unis (lancement du programme Warp Speed en mai 2020) et le Royaume-Uni (un mois d’avance pour les agréments de l’autorité sanitaire) ont été plus rapides, mais en plus ils ont mis plus d’argent sur la table (10 milliards de dollars pour les Etats-Unis passés à 18 milliards en octobre avancés aux laboratoires pharmaceutiques, contre seulement 2,7 milliards d’euros pour l’UE via l’Emergency Support Instrument-ESI), mais la commission européenne a ralenti la négociations du fait de clauses diverse : responsabilités juridiques des laboratoires, indemnisations, participation à l’initiative globale COVAX de l’OMS visant à fournir des vaccins aux pays les moins avancés.

Rappelons qu’à date aucun laboratoire pharmaceutique de l’UE ne dispose d’un vaccin agréé notamment du fait des retards pris par Sanofi dont le vaccin est encore en phase 2 et sera a priori disponible seulement un an après ceux de ses principaux compétiteurs. Tout cela a mis en difficulté les pays de l’UE en matière d’achat, puisque les contraintes sur l’offre de vaccins conduisent inéluctablement la mise en place d’un jeu à somme nulle entre pays développés acheteurs et que le retard de réactivité de l’UE en a fait la variable d’ajustement au profit notamment des pays anglo-saxons mais également de petits pays très réactifs (Israël, EAU).

Vient ensuite la question de l’approvisionnement en vaccins. l’UE a connu des ruptures en la matière tout au long du premier trimestre comme cela est relaté de façon complète dans un article du Figaro. La plus grande difficulté a concerné AstraZeneca (clashs à répétition avec la commission et les pays de l’UE) qui devrait normalement fournir pour fin juin deux fois moins de doses que prévu et au final avoir un rôle dans la vaccination en France et dans l’UE relativement accessoire par rapport à celui de Pfizer/BioNTech.

Il semble toutefois y avoir une stabilisation relative de la situation en matière d’approvisionnement ce qui permet la montée en puissance de l’administration des doses, la France étant depuis une semaine dans la zone des 250 000 vaccinations par jour, soit 1 personne sur 250 vaccinée par jour, un chiffre toutefois encore inférieur de moitié à celui des Etats-Unis et du Royaume-Uni.

Selon Santé Publique France, 8.004.958 personnes avaient ainsi reçu une dose le 29 mars dernier et il est donc envisageable que le (dernier) engagement pris le dimanche 21 mars par Olivier Véran (10 millions de personnes vaccinés le 15 avril) soit tenu.

Il semble avoir un bon taux d’utilisation des doses reçues : 87% des 12 083 730 doses reçues par la France ont été utilisés selon les données au 28 mars du ministère de la Santé. Tout cela conduit donc Jacob Funk Kirkegaard à constater l’amélioration du rythme de vaccination : 255 000 vaccination pour les deux premières semaines, puis 385 000 vaccinations après le 11 avril. La France s’est notamment désormais convertie à l’usage des vaccinodromes.

Cela signifie-t-il pour autant que la France est suffisamment dotée ? Le risque de pénurie est-il toujours là ?

Le temps perdu ne se rattrape jamais et donc le retard initial par rapport aux Etats-Unis et le Royaume-Uni est donc structurel avec le goulot d’étranglement actuel constitué par l’offre de vaccins et donc les volumes d’approvisionnement.

Les volume d’approvisionnement Pfizer/Moderna/AstraZeneca/Johson&Johson étant stabilisé, un « game changer » pourrait être constitué par le recours au vaccin russe Sputnik V et on peut noter qu’une conférence téléphonique a eu lieu hier 30 mars entre Emmanuel Macron, Angela Merkel et Vladimir Poutine évoquant une possible coopération en fonction de l'avancement de l'examen du vaccin russe par l'Agence européenne du médicament. Pour mémoire c’est l’usage du vaccin russe qui explique l’avance de la Hongrie ou de la Serbie sur l’UE.

Il ne faut en effet pas oublier l’impact critique de la rapidité du programme de vaccination sur la relance économique et nous disposons de deux études récentes sur ce sujet. L’article de Christian Grollier de la Toulouse School of Economics qui a fait l’objet d’une contribution dans atlantico conclut  qu’une semaine de retard dans le programme de vaccination a pour conséquence 2 500 morts supplémentaires et une perte de richesse de 8 milliards d’euros.

Par ailleurs l’assureur Allianz/Euler Hermés considère à date que la France a un retard de sept semaines par rapport à l’objectif d’une vaccination de 70 % de sa population adulte à la fin de l’été, avec un cout de retard évalué à 3 milliards d’euros par semaine pour la France soit 21 milliards au total (environ un point de PIB). D’où l’impératif d’un programme de vaccination rapide et efficace.

En termes de distribution des vaccins, quelles erreurs conviendrait-il de ne pas commettre (ou reproduire) pour garantir un accès des vaccins à tous ?

La distribution constitue la partie aval du programme de vaccination et d’une certaine manière le seul sur lequel la France a la main puisque l’amont a été largement confié à l’UE. Il faut donc que l’intendance suive, ce qui semble objectivement un peu mieux le cas sur les dernières semaines.

Se pose la question de la centralisation du processus de décision qui a été bien mis en lumière le 26 mars dernier du fait de la polémique entre le ministre de la santé Olivier Véran et le maire de Cannes David Lisnard concernant l’utilisation « non autorisée » de 4 000 doses pour des personnes non fragiles et non vulnérables.

De fait la France a choisi un ciblage de la vaccination centre sur les populations à risques et Ana Boata, directrice de recherche macroéconomique chez Euler Hermes, y voit un choix « plus compliqué » et « moins efficace » que celui des Etats-Unis et du Royaume-Uni pour d’attendre le meilleur résultat socio-économique du programme de vaccination, qui reste à date la seule planche de salut pour la quasi-totalité des pays occidentaux.

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