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Et pour vous Michel Onfray, s’il n’y avait qu’une idée à retenir de 2014, ce serait laquelle ?
©Reuters

Une gauche en perte de vitesse

Pour le philosophe, 2014 marque l'effondrement de la gauche libérale, qui pour entretenir l'illusion de sa différence avec la droite, se contente d'agiter des leurres en complet décalage avec les aspirations de la société française.

Michel Onfray

Michel Onfray

Michel Onfray est philosophe. Particulièrement intéressé aux questions liées à la politique, la morale, l'athéisme et l'histoire de la philosophie, il est l'auteur de nombreux ouvrages.

Parmi les plus récents, on trouvera notamment La passion de la méchanceté : Sur un prétendu divin marquis (Autrement / 2014), Les Freudiens hérétiques (Grasset / 2013), Rendre la raison populaire (Autrement / 2012) ou encore L'ordre libertaire (Flammarion / 2012).

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Ce qui me paraît le plus significatif de cette année 2014 ? L’effondrement de la gauche libérale. Son exercice du pouvoir, en alternance avec la version Chirac & Sarkozy, l’a rendue finalement exsangue depuis qu’en 1983 Mitterrand a converti le PS au libéralisme exigé par l’Europe de Maastricht.

Cette gauche de droite qui, conjointement avec la droite libérale, est responsable de l’état dans lequel nous nous trouvons, n’entend sûrement pas faire son autocritique. Il lui est bien plus facile de décider que le fascisme est à nos portes avec Marine Le Pen que d’avouer que ce fascisme , si fascisme il y a, est leur produit, leur enfant, leur créature monstrueuse. Il appelle d’autant plus à craindre le loup lepéniste à venir qu’il laisse ici et maintenant les loups libéraux dévorer le peuple, et ce sans bouger le petit doigt.

Le libéralisme, c’est le marché qui fait la loi. Tous ceux qui se sont remplacés au pouvoir depuis 1983 ont communié dans cette religion. Le marché fait désormais la loi à l’école, dans les hôpitaux, les services publics, à l’armée, dans les services secrets, les médias, l’édition, l’université, la recherche, la télévision, instrument de duplication terrible de cette idéologie, etc. L’Europe telle qu’elle fonctionne impose cette idéologie en criminalisant, via les medias qui sont à son service, riches actionnaires obligent, tous ceux qui la refusent.

Quand le peuple dit non au référendum européen en 2005, Sarkozy & Hollande, copains comme cochons jusqu’à oser s’afficher rigolards à la une de Paris-Match, passent au-dessus de la tête du peuple, qu’ils coupent ainsi, en convoquant le congrès qui, élites obligent, votent contre le peuple, c’est-à-dire pour le Traité vaguement remanié pour la forme.

Cette année 2014 a montré que le roi est nu. Que Sarkozy & Hollande, c’est bonnet blanc et blanc bonnet sur l’essentiel, à savoir le renoncement à la liberté politique de décider au profit d’une prétendue sécurité des marchés qui ne connaissent rien d’autres que leurs profits.

Pour laisser croire que PS & UMP ça n’est pas la même chose, que Hollande & Sarkozy sont des adversaires, il faut trouver des leurres qui laissent croire à une hétérogénéité radicale : mariage homosexuel, procréation médicalement assistée, gestation pour autrui, théorie du genre, abolition des notes, euthanasie, droit de vote aux étrangers, pénalisation des clients des prostituées, éloge de l’immigration, complaisances pour l’islam antirépublicain, dépénalisation du cannabis.

Ces muletas agitées avec l’aide des conseillers en communication grassement rétribués avec l’argent public (appelons cela le syndrome Séguéla…) qui utilisent réseaux sociaux et médias classiques, se proposent de détourner l’attention de l’électeur. Tout ceci excite les journalistes, les éditorialistes  et quelques uns de ceux qui se prennent pour eux sur le net.Mais la France profonde ne croit pas que Conchita Wurst gagnant(e) de l’Eurovision soit l’équivalent de l’abolition des privilèges ou de la proclamation de la Commune, sinon une suite aux barricades de Mai 68 ! Elle ne croit pas qu’abolir les notes et les remplacer par des couleurs sauvera l’éducation nationale et enseignera correctement à lire, écrire, compter, penser. Que légaliser la location d’utérus pour les riches qui auront les moyens de  payer des ventres de pauvresses puisse permettre de lutter efficacement contre le chômage. Qu’inaugurer un vieux musée de l’immigration déserté pour nous dire que l’islam venu du Maghreb est une bonne chose (comme le croit le patronat - il faudrait s’interroger sur ce fait…) suffira pour laisser reposer en paix les laïcs qui se sont battus jadis pour la séparation des Eglises et de l’Etat et croyaient plus à la démocratie qu’à la théocratie .

Je suis pour le mariage des homosexuels, pour leur droit à adopter des enfants et à faire une famille, pour un féminisme non mondain, pour la PMA sous conditions, pour l’évaluation (que ne suppriment pas les couleurs mais rend hypocrite…) à l’école, pour l’euthanasie, pour le droit de vote aux immigrés, pour la dépénalisation du cannabis, mais l’usage polémique et électoraliste que la gauche libérale fait de ces leurres flétrit toutes ces causes pour en faire des marqueurs de politique politicienne et non des sujets de société qui appellent des débats. Ce qui devrait être construction d’une communauté post-moderne devient occasion de monter les communautés les unes contre les autres. Hollande divise pour régner : il ne règnera plus bientôt, mais il aura durablement divisé. Il n’est pas un président, mais un chef de parti obsédé par sa réélection. 

Ce jeu de politiciens vendus aux communicants pourrit une société qui, quand elle croit encore au Père Noël, se tourne désormais vers Marine Le Pen. Mais elle est une pièce de ce même dispositif. Ce qu’ont vu et compris de plus en plus de citoyens en cette année 2014 ! Les citoyens les plus authentiques sont désormais les abstentionnistes, parce que les plus amoureux d’une république effondrée par les marchés. 

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