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Les religions qui "recrutent" le plus à l’heure actuelle, en France, sont l’islam et les Églises chrétiennes évangéliques.
Les religions qui "recrutent" le plus à l’heure actuelle, en France, sont l’islam et les Églises chrétiennes évangéliques.
©Reuters

Crise mystique

La résurgence des vocations religieuses qui se déroule actuellement en France ne touche pas toutes les religions de manière égale. Même si les chiffres sont difficiles à établir avec certitude, les églises évangéliques semblent gagner le plus de "fidèles", même si les religions déjà bien installées continuent d'attirer.

Virginie Larousse

Virginie Larousse

Virginie Larousse est la rédactrice en chef du Monde des Religions.

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Atlantico : Les affaires de djihadistes français mettent en lumière le phénomène de (jeunes) Français, catholiques ou athées, se convertissant à l'Islam. Mais, dans la France de 2014, quelle est la vraie dynamique des conversions ? Quelles sont les religions les plus attractives ?

Virginie Larousse : Il faut savoir que le nombre de convertis dans chaque grande religion est extrêmement difficile à évaluer. En effet, nombreuses sont les confessions qui ne recensent pas leurs adeptes. En France, les autorités musulmanes ne le font pas. Idem pour le Conseil national des évangéliques de France, organisation la plus représentative de ce courant, qui ne donne aucun chiffre sur les convertis. L’Église catholique, en revanche, recense rigoureusement le nombre de baptêmes d’adultes chaque année ; or, l’immense majorité de ces adultes sont des convertis.

En tout état de cause, les religions qui "recrutent" le plus à l’heure actuelle, en France, sont l’islam et les Églises chrétiennes évangéliques. S’il est, encore une fois, impossible d’établir des statistiques précises, les études semblent montrer que ces deux religions attirent chaque année sensiblement le même nombre de nouveaux adeptes. En France, il y aurait au total 50 000 personnes converties à l’islam selon Franck Frégosi, sociologue, spécialiste de l’islam au CNRS, qui souligne néanmoins le caractère très approximatif de ce chiffre. Si l’on en croit le ministère de l’Intérieur, 4000 Français se convertiraient chaque année à l’islam. Pour ce qui concerne les Églises chrétiennes, toutes tendances confondues, le nombre de conversions est de 4000 à 7000 par an environ.

Quels sont à l'inverse les croyances, ou les absences de croyances, qui perdent le plus de "fidèles" ? L'Eglise catholique romaine par exemple est-elle toujours en déclin comme on le croit, où attire-t-elle encore des convertis ?

L’Église catholique est sans aucun doute, en France, la religion qui connaît le plus fort recul. Toutefois, son poids initial étant bien supérieur à celui des autres traditions, elle reste encore dominante dans notre pays. Une majorité de Français (56 %) se disent ainsi catholiques, la pratique religieuse étant, elle, bien inférieure à ce taux. Depuis 25 ans, le catholicisme est en chute libre dans l’Hexagone : en 1986, 8 Français sur 10 se disaient encore catholiques. Pour autant, si l’Église catholique perd un nombre non négligeable de fidèles, chaque année, cela ne l’empêche pas d’attirer de nouveaux convertis – environ 3000 par an. À noter que 10 % de ces nouveaux adeptes sont d’anciens musulmans, cheminement d’ailleurs difficile dont témoigne le tout récent film L’Apôtre, de Cheyenne Carron (actuellement en salles). Ce qui provoque le repli du catholicisme, c’est le fait que nombre de fidèles de tradition familiale catholique s’éloignent de l’Église romaine, non l’absence de conversions.

Peut-on dégager des profils sociaux chez ceux qui se convertissent aux religions les plus attractives du moment ? Y a-t-il des populations plus "changeantes" que d'autres ? 

Là encore, en l’absence de statistiques officielles, il est difficile d’établir des profils précis. On voit bien que les jeunes "djihadistes" français n’ont pas le profil qu’on aurait pu imaginer : beaucoup n’ont aucun lien avec la culture arabo-musulmane, pas plus qu’ils n’ont grandi dans des banlieues sensibles. L’anthropologue Dounia Bouzar a ainsi montré que la majorité de ces jeunes viennent de famille ayant un niveau de vie et d’éducation tout à fait corrects. Cela dit, nombre de jeunes issus, eux, de la culture arabo-musulmane, redécouvrent avec intérêt un islam que leurs parents, voire leurs grands-parents, avaient délaissé. Ce phénomène, qui n’est d’ailleurs pas spécifique à l’islam, correspond à la tendance actuelle de "résurgence des identités religieuses" étudiée par le sociologue Omero Marongiu-Perria. Dans un monde en crise, où la quête de sens est prégnante, les traditions religieuses suscitent un regain d’intérêt, avec la caractéristique que les convertis sont souvent plus rigoristes que les croyants de longue date…

Pour ce qui est des musulmans qui épousent le christianisme, c’est souvent par rejet d’un islam devenu, à leurs yeux, par trop intolérant et associé à la violence, depuis les événements du 11 Septembre 2001. Une forte proportion des musulmans convertis au christianisme est composée de jeunes adultes, souvent de femmes, sensibles à la dimension pacifique de cette religion. Les personnes d’origine algérienne sont majoritaires, par rejet de la vague terroriste qu’ils ont connue dans les années 1990.

Qu'apportent selon vous les religions qui ont le plus de succès chez ceux qui se convertissent ? Quelles sont les raisons de leurs succès ? 

Le fait que ce soit l’islam et le christianisme qui recrutent le plus de nouveaux fidèles n’a rien d’étonnant : toutes deux sont des religions de salut universel, avec une dimension prosélyte importante – contrairement, par exemple, au judaïsme. Si l’islam attire autant les jeunes, c’est peut-être en raison de son attachement à un certain ritualisme. La mise en pratique de rites, de gestes codifiés, a sans doute un effet rassurant pour des jeunes évoluant dans une société en perte de repères. De même, l’islam ne craint pas d’affirmer avec rigueur la loi religieuse, avec des repères structurants, ce qui n’est plus tellement le cas dans le christianisme (hormis dans certains courants évangéliques, justement).

Les musulmans qui se convertissent au christianisme, en plus des affinités qu’ils peuvent ressentir vis-à-vis de cette religion, trouvent probablement dans leur démarche une manière de mieux s’intégrer à la culture du pays dans lequel ils évoluent. Même si cela reste un choix lourd de conséquences et généralement très mal vu de la communauté musulmane pratiquante.

Il ne faut cependant pas oublier que si on médiatise beaucoup ce phénomène de conversion d’une religion à une autre, ceux qui abandonneront finalement la confession vers laquelle ils s’étaient tournés, souvent après l’avoir pratiquée de manière fort stricte, ne sont pas rares…

Pourquoi certaines religions, malgré leur forte présence au niveau mondial, ne percent absolument pas en France, là ou d'autres tout aussi "exotiques" ont du succès (très peu de conversion au taoïsme en France par exemple par rapport au nombre de bouddhistes convertis) ? 

C’est vrai, certaines traditions qui auraient bien des atouts pour s’implanter ne se diffusent guère en France. C’est sans doute parce qu’elles ignorent tout prosélytisme, et qu’elles ne sont pas structurées d’une manière qui leur permet de se diffuser au niveau mondial. C’est notamment le cas du taoïsme. En outre, son très grand éloignement par rapport au mode de pensée occidental le rend difficile d’accès. De toute façon, le taoïsme ignore l’idée même de la conversion, totalement contraire à son essence. Le bouddhisme a quant à lui pu se diffuser beaucoup plus facilement, notamment par le biais des Occidentaux qui voyageaient en Inde dans les années 1960, alors que la Chine est restée très longtemps quasiment imperméable à tout contact. Pour autant, l’attrait qu’exercent les sagesses d’Extrême-Orient en France ne cesse de se développer depuis quelques années. En témoignent le développement de pratiques telles que le Qi qong ou le Tai Shi.

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