Envolée des cours, production en baisse et population en hausse : une énorme crise alimentaire mondiale est-elle sur le point d’éclater ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Depuis le mois de mai, le prix du maïs a augmenté de 60% pour l'instant le riz a été épargné.
Depuis le mois de mai, le prix du maïs a augmenté de 60% pour l'instant le riz a été épargné.
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Panum, vinum, boursinum

Depuis mai, le prix 
du blé a augmenté 
de près de 40 %, 
celui du maïs de plus de 60 %. Riz et soja pourraient bien suivre la même tendance. Des hausses qui se traduiront par une augmentation des prix des aliments.

Philippe Chalmin

Philippe Chalmin

Philippe Chalmin est professeur d’histoire économique à l’Université Paris-Dauphine où il dirige le Master Affaires Internationales. Membre du Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier Ministre, il est le président fondateur de CyclOpe, le principal institut de recherches européen sur les marchés des matières premières.

Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont le récent « Demain, j'ai 60 ans : Journal 2010 - 2011 ».

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Atlantico : La Banque mondiale s’est inquiétée jeudi de la hausse des prix des céréales, en déclarant : "nous ne pouvons tolérer que cette envolée historique des prix fasse peser un risque permanent sur les populations".  Les prix du maïs ont augmenté de 13 % entre juin et juillet dans certains pays d’Afrique, comme le Mozambique. Une crise alimentaire mondiale est-elle sur le point d’éclater ?

Philippe Chalmin : Une crise alimentaire du modèle de celle de 2007 / 2008, avec des émeutes et des instabilités politiques, est fort peu probable. Les tensions sur les prix mondiaux sont avant tout des divergences qui concernent le maïs et le soja et, dans une moindre mesure, le blé.

Pour l’instant, le marché de la céréale la plus importante pour les populations des pays en voie de développement, c’est-à-dire le riz, n’est pas touché. Voilà pourquoi la crainte d’une crise alimentaire modèle de ce que nous avons connu au cours des années 2007 / 2008 me paraît excessive.

Face à la flambée des prix actuels, ce sont les éleveurs des pays développés qui sont les plus touchés, notamment ceux de volaille et de porc, dans la mesure où ils peuvent avoir du mal à transférer la hausse du prix sur le marché des viandes.

Il est certain que pour différentes populations pour lesquelles le maïs joue un rôle important, notamment les pays d’Amérique latine comme le Mexique, la situation est toute autre. Tout dépendra des approvisionnements locaux. S'ils sont mal faits, les pays risquent de connaître des situations pénibles comme des pénuries.

L’Afrique Sahélienne est une autre zone qui connaît une crise alimentaire profonde liée à la sécheresse de l’année dernière qui dure depuis plusieurs mois.

Les prix du maïs et du soja ont bondi respectivement de 25 % et 17 % sur le marché mondial, peut-on s’attendre sur le long terme à des répercussions sur la viande ?

Oui, mais pas de toutes les viandes ; sur le prix de la volaille et du porc, certainement. L’essentiel de la production de viande bovine n’utilise pas d’alimentation complémentaire ;  ce sont des exploitations situées dans des prairies, qui sont donc moins affectées. Par contre, on peut en trouver aux Etats-Unis dans les feed lots (parc d’engraissement), qui pourraient être touchées. En Europe, ce ne sera pas le cas.  

Contrairement aux Etats-Unis, à la Russie ou encore l’Ukraine, la France a réalisé une bonne récolte de blé,  Comment notre pays se prépare-t-il à l’augmentation des prix des aliments ?

La France n’est pas trop concernée pour le blé, la situation est bonne et le pays est un exportateur. La situation est plus difficile pour les exportateurs de porcs et de volailles. Nous avons actuellement des tensions autour de ce sujet-là...

Justement, le ministre de l’Agriculture Stéphane le Foll a déclaré dernièrement que des négociations sont en cours avec les céréaliers afin d’aider les éleveurs…

C’est vrai, mais je ne suis pas du tout sûr que les céréaliers soient prêts à vendre moins cher leurs céréales aux éleveurs, on est dans une logique de marchés mondiaux.

La Banque mondiale se dit prête à augmenter son programme d’assistance allant jusqu’à 9 milliards de dollars. Concrètement, comment cela peut-il prendre forme sur le terrain et cela sera-t-il suffisant  pour répondre à la demande ?

Nous raisonnons sur des échéances qui sont longues. La Banque mondiale a joué un rôle non négligeable dans la remise en cause des politiques agricoles ces vingt dernières années. Voilà quatre ans que la Banque mondiale fait de la question de l’agriculture une problématique importante, il faut développer des programmes pour établir une agriculture de premier rang. Le problème vient que les discours de la Banque mondiale n’ont pas été suivis de réalisations.  

L’assistance doit se faire dans les pays importateurs, il est essentiel de réhabiliter des programmes agricoles durables.

Les 20 principaux pays industrialisés et émergents attendent de connaître les prévisions agricoles des Etats-Unis, qui seront publiées le 12 septembre, avant de prendre des mesures. A quoi peut-on s’attendre comme prévision ?

Je ne m’attends pas à des prévisions catastrophiques, on a déjà dans les données des éléments négatifs. Selon moi, deux inquiétudes règnent : la première est de connaître l’impact que la sécheresse va avoir sur la récolte américaine, la seconde est de savoir si nous n’avons pas un accident climatique dans l’Hémisphère sud, un autre « el niño » qui pourrait mettre en péril d’autres récoltes en Australie et en Argentine.

Pour l’instant,  on ne sait que peu de chose, on n’a pas tous les détails, mais la flambée des prix est une anticipation. Sur le court terme, il y a presque rien à faire. En cas d’extrême détresse, il va falloir mettre en place des programmes d’aide alimentaire.  

Le vrai problème vient de notre manque d’investissement dans un programme agricole durable (avec des prix stables pour les agriculteurs), c’est la raison qui explique l’augmentation des prix tous les ans. Je ne vois pas une autre manière de relancer la dynamique agricole dans d’autres pays.

La Banque mondiale, l’Organisation Mondiale pour l’Alimentation (FAO) peuvent-ils engager une remise en cause de cultures destinées à la culture de biocarburants (maïs, sucre…) ?

Je pense que ce sont deux problèmes différents. La canne à sucre est une super machine pour capter la photosynthèse. L’éthanol aux Etats-Unis est différent, Je vois mal Barack Obama ou Mitt Romney à quelques mois des élections remettre en cause des programmes dont bénéficient des électeurs américains. Un jour, il va falloir finir avec les biocarburants de première génération qui pèsent un peu plus sur les cours mondiaux. Aujourd’hui, 1/3 de la production de maïs américaine est utilisée dans la production d’éthanol. Le Brésil étudie déjà la production de biocarburants de seconde génération à base de bagasse, qui n’entre pas dans l’alimentation.

Propos recueillis par Charles Rassaert

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