Entre flambée du cours et interdiction : quel avenir pour le bitcoin ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le symbole de la monnaire virtuelle "Bitcoin".
Le symbole de la monnaire virtuelle "Bitcoin".
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Ni sonnant ni trébuchant

En seulement deux mois, le cours de la monnaie virtuelle le "bitcoin" est passé de 50 à 100 euros.

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

Voir la bio »

Atlantico : Au plus bas au début du mois de juillet (51 euros) le cours du bitcoin a enregistré une hausse fulgurante, pour se fixer aujourd’hui à 100 euros. Concrètement, en quoi cette monnaie virtuelle consiste-t-elle et comment expliquer une telle volatilité ?

Philippe Herlin : Rappelons que le bitcoin est une monnaie électronique qui a pour caractéristique de fonctionner sur un réseau complètement décentralisé, autrement dit personne ne la possède ni ne peut mettre la main dessus, ni une société ni un État. Les transactions sont validées par le réseau, et ceux qui consacrent une partie de la puissance de leur ordinateur à faire ce travail sont récompensés par des bitcoins, le système est donc auto-régulé. La sécurité du réseau ainsi que l'anonymat des intervenants sont garantis par des procédés cryptographiques et un système de clé publique/clé privée. Autre élément fondamental, la quantité de bitcoins en circulation tend vers une limite, il n'y aura jamais plus de 21 millions de bitcoins, il s'agit d'une monnaie-matière première, comme l'or, il n'y a pas de possibilité de "planche à billets" et donc d'inflation (note : les bitcoins sont divisibles jusqu'à la 8e décimale, et ce chiffre peut être augmenté, donc cette limitation à 21 millions d'unités ne limitera jamais les transactions).

Pour comprendre ces mouvements il faut prendre du recul. Le bitcoin a valu quelques centimes entre sa création en janvier 2009 et une première bulle suivie d'un krach en juin 2011 où il monte à 30 dollars puis retombe ensuite à 3 dollars. Il progresse ensuite régulièrement pour atteindre 10 dollars en décembre 2012. Puis il connait une deuxième bulle suivie d'un krach en mars-avril de cette année où il atteint 260 dollars pour retomber sous les 80 dollars en juillet avant de remonter depuis au-dessus des 120 dollars. La raison de ces bulles est simple : le nombre d'utilisateurs dans le monde ne cesse d'augmenter, et parfois il y a un afflux brutal qui produit un goulot d'étranglement.

La récente remontée depuis le mois de juillet traduit les oscillations d'un marché qui retrouve son équilibre après une bulle qui a éclaté. La volatilité du bitcoin est importante et elle ne va pas cesser. Aujourd'hui, à un cours de 100 euros, la totalité des bitcoins en circulation (11 millions actuellement) "pèse" environ un milliard d'euros. C'est peu par rapport au futur que l'on peut imaginer pour cette monnaie. Le bitcoin permet en effet des transactions et des virements transfrontaliers à un tarif imbattable, largement inférieur aux cartes bleues, Paypal ou autre Western Union. Les perspectives sont gigantesques et on peut prévoir d'autres bulles suivies d'un krach, mais avec un bitcoin qui vaudra plus cher après qu'avant, dessinant ainsi une croissance en escalier.

Une telle instabilité risque-t-elle d’entraîner une défiance de la part du public, qui pourrait s’en détourner ?

Non, parce dans le processus de paiement et de virement, le bitcoin ne sert que d'intermédiaire. Vous achetez un produit sur un site, votre compte est débité en euros, vos euros transformés en bitcoins, qui sont transmis au commerçant, puis changés en euros, le tout en quelques secondes. Peu importe alors le cours du bitcoin. Idem pour un virement d'un pays à l'autre. Les startups qui se développent dans "l'écosystème bitcoin" proposent ce genre de service, à la limite vous n'avez même pas besoin de savoir ce qu'est le bitcoin, c'est juste moins cher !

Maintenant il y a aussi des gens qui achètent des bitcoins pour placer une partie de leur épargne. Comme on achète de l'or, de l'immobilier, des œuvres d'art, et les cours sont volatiles, bien sûr. C'est un choix d'investissement. Quand on achète de l'assurance-vie il n'y a pas de "volatilité"... jusqu'à un certain point. Ces produits sont investis en emprunts d’État... qui peuvent faire défaut. Ils sont gérés par des banques, qui peuvent faire faillite et être restructurées comme à Chypre, c'est à dire en ponctionnant directement les comptes des particuliers. Pas de risque avec un compte bitcoin, personne ne peut venir vous prendre ce qu'il y a dessus.

Alors que l’Allemagne lui a donné le statut de monnaie officielle au mois d’août, le bitcoin rencontre des difficultés ailleurs : failles dans sa sécurité, fermetures de places d’échanges, interdiction en Thaïlande… Que lui manque-t-il pour devenir une monnaie pérenne et acceptée par tous les acteurs économiques et financiers ?

Il n'y a pas de faille de sécurité dans le bitcoin (sinon il aurait disparu depuis longtemps) mais parfois dans des sociétés de l'écosystème bitcoin, c'est vrai, eh bien elles disparaîtront, c'est la loi de la concurrence. La Thaïlande a effectivement interdit le bitcoin, aucune entreprise locale ne pourra officiellement l'utiliser, mais avec l'anonymat de cette monnaie il est impossible de l'interdire réellement. Cette décision traduit surtout une panique du pouvoir face à la baisse du cours de la monnaie nationale, le baht, et une volonté de contrôler les mouvements de capitaux.

Plus fondamentalement, les États et les banques centrales n'aiment pas le bitcoin parce que cette monnaie leur échappe complètement. Mais nous, citoyens, au nom de quoi devrions-nous être totalement dépendants de l'euro, ou ailleurs du dollar ou du yen, qui sont des "monnaies-papiers" largement manipulées (taux d'intérêt fixé à zéro, planche à billets ou Quantitative easing), des monnaies qui de ce fait perdent de leur valeur ? Au nom de quoi rester prisonnier d'un système bancaire qui continue de jouer avec le feu ? Le bitcoin (ou l'or si on lui permettait de redevenir une monnaie) permet d'acquérir de nouvelles libertés et une nouvelle indépendance. L'Allemagne, historiquement attachée aux monnaies "saines" l'a compris en légalisant l'usage du bitcoin, espérons que l'Europe suive.

Propos recueillis par Gilles Boutin

A Lire : La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ?, Philippe Herlin (Atlantico Editions). Pour acheter ce livre sur Atlantico éditions, cliquez ici.


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