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Endométriose : Quand l'errance médicale se conjugue au calvaire de l'endométriose
©ALAIN JOCARD / AFP

Bonnes feuilles

Dans "Des barbelés dans mon corps", publié aux éditions du Rocher, Virginie Durant raconte son combat contre l'endométriose au grès des médecin, qui sans jamais l'écouter, la prenaient soit pour une folle soit pour une malade imaginaire. Extrait 1/2.

Virginie Durant

Virginie Durant

Virginie Durant a 38 ans. Elle vit en Corrèze où elle anime des ateliers d'écriture. Elle se bat pour une reconnaissance des douleurs féminines, en offrant un espace d'écoute aux femmes qui souffrent de maladies gynécologiques.

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Une fois arrivée à la clinique Saint-Martin, à Caen, je suis immédiatement prise en charge. Autour de moi, médecins et infirmières s’activent.

« Je pense que vous faites un AVC, annonce un méde- cin, votre tension est faible ainsi que votre pouls. »

Je réponds :

« Je dois avoir mes règles. »

Et à nouveau, je perds connaissance. L’infirmière me tapote, me parle d’une voix vive. Je parviens à ouvrir les yeux, mais je ne peux pas articuler des mots. Une fois mon front recousu de six points, qui forment une étoile, un brancardier me conduit au service de radio- logie. Alors que je suis perfusée de glucose et d’antidouleurs, au service radiologie je fais à nouveau un malaise.

Et une fois revenue au box, le docteur me dit :

« Mon collègue de l’équipe de nuit s’est affolé, je pense que vous avez fait un simple malaise. »

Peu habituée à m’évanouir aussi souvent, j’insiste, de ma voix fluette, sur toutes les douleurs ressenties à mon réveil brutal du petit matin. Mais elle me répond :

« Je pense que vous souffrez d’une gastro, ne vous inquiétez pas. »

Je n’ai pas le temps de répliquer, une aide-soignante mène mon lit jusque dans un recoin des urgences où je vais passer toute la journée, perfusée jusqu’à ce qu’une amie vienne me chercher. Je m’interroge quant à ce diagnostic, d’autant plus que j’ai faim... ce qui est rare pour une gastro.

Jour après jour, j’observe avec une constance sans faille les rituels proposés par Mme Boussole, la naturopathe : des bains dérivatifs à une alimentation bio sans oublier les jus de légumes, les cures de détox et la pratique du yoga, en plus de la randonnée, je ne relâche rien. Et désormais, je m’investis pleinement dans une vie professionnelle.

Pourtant je suis épuisée. Et en plus de mes douleurs habi- tuelles, mes membres sont rigides comme ceux d’un robot. Je consulte une bio-énergéticienne qui m’a été recom- mandée. Après avoir expliqué mon terrible « parcours » à Mme Lebon, cette dernière lâche :

«Virginie, tu es dans l’auto-sabotage, tu détruis toi-même ta vie !

Mais je suis réellement épuisée !
Cet épuisement physique provient de blocages émo- tionnels, insiste la bio-énergéticienne.
Mais j’ai envie de vivre et je n’y arrive pas », dis-je avec force. Et afin de prouver que je souffre de problèmes bien réels, j’ajoute : « J’ai une anémie, et aucun traitement ne parvient à supplémenter le fer.
Le manque de fer est lié à un manque de faire », poursuit-elle en épelant sèchement le verbe faire.

J’en ai assez de ces discours : je viens chercher des ré- ponses concrètes, et l’on me renvoie toujours et encore à mon émotionnel ! Mme Lebon me demande de m’allonger sur la table mé- dicale et de fermer les yeux. Au creux de mes poignets, elle dépose quelques gouttes d’huile essentielle de lavande. Puis elle procède à un massage et je m’abandonne à cet instant de douceur où les lourdeurs de mon corps s’allègent. Je lui signale cependant que, depuis que j’ai chuté dans les esca- liers, j’ai très mal dans les bras, au point que je ne peux plus éplucher les légumes ou me laver moi-même les cheveux.

« Je pense que cette douleur est liée au besoin de bercer un enfant dans tes bras. Ton corps éprouve le vide de la maternité, lâche brutalement la bio-énergéticienne.

Mais je ne veux pas d’enfant, j’enchaîne les problèmes de santé, je suis épuisée. J’aimerais juste vivre ! dis-je d’une voix tremblante, tant je réprime la colère.
Eh bien ma cocotte, c’est à toi de décider de vivre. »

Depuis trois semaines, j’écris dans les pages du journal Ouest-France. J’écris avec passion. Jusqu’alors la vie m’a « tordue », désormais l’écriture me redresse. Je réalise des interviews, enthousiasmée d’aller à la rencontre de « l’autre». Chaque jour, je suis sur le terrain et noircis mon agenda d’entretiens. Mon rédacteur en chef, très satisfait de mon travail, me félicite. Il a même des projets pour moi. Mais en parallèle de cette réussite personnelle et professionnelle, la sournoise maladie ne me lâche pas.

Je suis épuisée et percluse de douleurs : mon ventre, mes jambes, mes bras, mon dos s’ankylosent dans des lourdeurs indéracinables – de plus, ma chute dans les escaliers m’a laissé de nombreuses séquelles : lésions musculaires dans les bras, problèmes de côtes et tendinites. Depuis un mois, chaque soir, je lutte contre des malaises, comme des vides qui cherchent à m’aspirer. Inquiète de ces étourdissements récurrents, et de la résurgence de douleurs urinaires, j’ai consulté un médecin, qui s’est montré assez vulgaire :

« Je pense que vous avez besoin de vous trouver un mec, et tout ira mieux. Je vais vous prescrire des antidépresseurs, leurs effets supprimeront vos symptômes abdominaux. »

Je suffoque de rage contre ce mépris du corps médical !

Une récente échographie a mis en évidence plusieurs kystes ovariens, de petite taille. Néanmoins, uriner me fait très mal. Et je suis de plus en plus invalide, me traînant comme un vieillard à bout de souffle. Conduire m’étour- dit. De peur de perdre connaissance, et de provoquer un accident, à chacun de mes trajets pour des reportages je fais des pauses sur le bas-côté de la route.

La bio-énergéticienne maintient que j’ai des blocages émotionnels, la naturopathe que je suis anorexique... Je suis complètement perdue, au milieu de tous ces jugements. Car moi, je suis persuadée d’avoir une maladie. Je le sens. Je me tourne alors vers une pharmacienne « guéris- seuse », qui m’assure pratiquer la médecine quantique, tout en me poussant à acheter des compléments alimentaires.

« Je vais vous faire une perfusion de fer et magnésium à distance, pendant trois heures, en me reliant à votre corps astral. Surtout, faites-moi confiance ! »

Mme Zondes m’envoie des listes de prières à répéter matin et soir, afin de libérer mon corps des douleurs. Pour elle, je souffre car j’ai un mauvais karma ! Une nuit elle me téléphone alors que je suis en plein sommeil, pour me dire qu’elle a eu une révélation : j’ai des vers, le Tenia plus exac- tement ! D’après elle, jamais je n’ai eu de problèmes gyné- cologiques, c’était tout simplement la faute des vers !

Trois jours après le traitement contre le tenia, mes intes- tins se vident avec force et sans relâche. Et à chaque passage aux toilettes, je manque de m’évanouir... Un autre médecin me diagnostique alors un cancer des intestins...

Je suis si faible que je ne peux plus travailler. Je rentre chez mes parents en novembre 2011, et ne regagnerai mon chez moi qu’en mars 2013. Seize mois à vivre au rythme des ampoules homéopathiques prescrites par Mme Zondes, seize mois à lutter contre la fatigue et les douleurs, mais à m’accrocher aux illusions psalmodiées par la pharmacienne, à vivre sous sa dépendance, à m’emporter contre mes pa- rents qui cherchent à m’extirper de ses griffes. Seize mois à espérer, et qui m’ont entraînée vers une perdition.

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Un autre extrait du livre : Endométriose : la délivrance du bon diagnostic qui tombe enfin
L'interview de l'autrice : Virginie Durant : "Une vraie économie parallèle est en train de se développer autour des maladies chroniques comme l'endométriose"

Extrait de "Des barbelés dans mon corps" de Virginie Durant, aux éditions du Rocher

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