En Italie, les marchés financiers et le monde des affaires lâchent Giorgia Meloni<!-- --> | Atlantico.fr
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La Première ministre italienne Giorgia Meloni lors du sommet de la Communauté politique européenne à Grenade, dans le sud de l'Espagne, le 5 octobre 2023
La Première ministre italienne Giorgia Meloni lors du sommet de la Communauté politique européenne à Grenade, dans le sud de l'Espagne, le 5 octobre 2023
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

Ce n'était pas l'amour fou, mais les rapports avec Giorgia Meloni étaient bons jusqu'à maintenant, car désormais la relation montre des signes de fissures. Entre le budget qui dérape, la gestion compliquée des vagues migratoires et l'inflation, la cheffe du gouvernement a du mal à plaire à tout le monde.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Depuis quelques jours, les rapports entre la première ministre italienne Georgia Meloni et les marchés financiers se sont tendus. En quelques jours, l'indice de la peur a grimpé en flèche, et si la situation ne plaît pas aux milieux financiers, elle affecte l'Italie d'un risque qui fait monter les taux d'intérêt. Le taux d'emprunt de l'Italie a bondi à plus de 5% sur le dix ans, c'est près du double des taux appliqués en Allemagne, en France et dans les pays de l'Europe du Nord.( en moyenne 2,5% sur le 10 ans )

Les taux d'intérêt sont très harmonisés en Europe grâce à l'Euro, les pays membres achètent de l'argent à peu près au même prix, compte tenu des garanties offertes par les institutions européennes. Sauf que la BCE a accepté dans les années 2010, au moment de la crise financière, que les conditions de crédit puissent varier d'un pays à l'autre pour tenir compte des différences de risque et éviter des effets systémiques et encourager les pays à harmoniser les politiques budgétaires.

Depuis la création de l'Euro, l'Allemagne sert de maître-étalon, compte tenu d'une politique budgétaire généralement sérieuse. Et du coup, les marchés internationaux se positionnent par rapport à un taux pivot qui est le taux allemand et appliquent des différentiels aux autres emprunteurs pour tenir compte de leurs caractéristiques. Ainsi sont nés les « spreads », c'est-à-dire les différences entre le taux allemand et les autres.

Les marchés financiers n'ont pas trop souffert pendant la crise du Covid, d'autant que les membres de l'Union européenne se sont serrés les coudes en mutualisant officiellement certaines dettes. Après la fin du Covid, les marchés ont tenu l'équilibre, sauf qu'avec la crise ukrainienne, on a senti que les taux d'intérêt avaient tendance à se tendre plus que ce qu'indiquait la BCE...

Et c'est en Italie que le feu sur les taux s'est déclaré, avec un spread par rapport à l'Allemagne de plus de 200 points de base, avec des risques de contagion en Grèce, en Espagne et même en France...

C'est évidemment en Italie que les risques et les prémices de crise sur la dette sont apparus, au point de préoccuper la BCE qui réfléchit à des contrefeux.

Le plus important pour les économistes et les milieux d'affaires, c'est que les taux italiens, qui montent plus haut et plus vite que les autres en Europe, vont sérieusement affecter la conjoncture qui navigue à vue entre l'inflation importée et la croissance en berne.

Mais plus grave encore,  ce spread s'est creusé parce que les milieux d'affaires n'ont plus confiance en Giorgia Meloni, alors que depuis son arrivée, la relation était restée étonnamment affective.

Giorgia Meloni, avec son passé d'extrême droite, ses idées très identitaires et un programme électoral très démagogique, n'a pas été accueillie très chaleureusement par les milieux d'affaires et les milieux européens. Sauf que très vite, elle s'est appuyée sur Mario Draghi, l'ancien président de la BCE, très libéral, très européen et très mondialiste, et a mis de côté beaucoup de ses promesses, notamment en faisant acte d'allégeance à l'Union européenne, en s'engageant à respecter Maastricht, à redresser les finances publiques et à lancer des réformes structurelles. Son coup de force politique a été de faire accepter cette politique à son électorat. Le résultat de tout cela est qu'elle a pu s'endetter en espérant relancer sa machine économique italienne.

Le problème, c'est qu'en fin septembre, elle a été obligée de présenter un budget en déficit aggravé, ce qui n'a pas plu aux marchés, qui ont propulsé les taux d'emprunt à dix ans bien au-delà des écarts habituels. D'autant que l'endettement global de l'Italie est le plus lourd de l'Union européenne, avec 140 % du PIB. Les mesures fiscales prises sur les banques et les gouvernances d'entreprise ont provoqué la mauvaise humeur des milieux d'affaires.

La presse libérale et les observateurs ont beau jeu de reprocher à Giorgia Meloni d'abandonner la prudence et le sérieux auxquels elle s'était engagée au départ. Alors que sur sa droite, le cœur de son électorat s'interroge sur la finalité de sa politique, notamment dans le sociétal. Arrivée au pouvoir, elle a compris qu'elle ne pourrait pas appliquer les mesures de réforme de l'immigration. Quand les immigrés débarquent sur la côte italienne, elle ne les remet pas à la mer, ce dont la gauche la félicite...

Bref, Giorgia Meloni traverse une mauvaise passe, car si les investisseurs la sanctionnent avec des taux très élevés, son électorat rue dans les brancards pour non-respect d'une obligation de résultat, car elle n'a pas de résultats. L'inflation l'a prise au piège, comme la plupart des gouvernances européennes. La seule façon pour elle de redresser la barre et d'éviter une nouvelle crise politique est d'espérer que la BCE lui vienne en aide.

La BCE peut le faire, car elle dispose d'un instrument de protection contre la contagion d'un déséquilibre monétaire, qui consiste à racheter massivement la dette d'un pays en difficulté pour éviter que la crise se propage. Ce rachat massif de dette permet de faire retomber les taux et autorise les agences de notation à enregistrer un allègement de l'endettement. Juridiquement, la BCE peut procéder à des rachats de dette jusqu'en 2024. Mais cette pratique obligerait la première ministre à promettre de revenir à l'intérieur des critères de Maastricht, c'est-à-dire à procéder à des réformes structurelles que sa majorité politique aura du mal à digérer.

Christine Lagarde peut l'aider, le conseil des gouverneurs peut considérer que la situation en Italie est suffisamment dangereuse et risque d'entraîner d'autres pays dans la crise... Mais il restera à la première ministre italienne à gérer les effets politiques.

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