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En encourageant le droit de retrait, les syndicats prouvent leur allergie au compromis et menacent le déconfinement
©ALAIN JOCARD / AFP

Atlantico Business

Le droit de retrait autorise un salarié à ne pas reprendre son travail s’il estime que les conditions de sécurité ne sont pas garanties. Droit légitime qui peut être utilisé par certains syndicats pour bloquer le redémarrage de l’économie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Vous aviez aimé les 35 heures, vous adorerez « le droit de retrait ».

Des syndicats qui réclament lapplication du droit de retrait, ça court les rues mais des syndicats qui imposent à leurs adhérents de porter un masque, de se laver les mains dix fois par jour au moins et qui rappellerait la nécessité de respecter les règles de sécurité, cest beaucoup plus rare.

Certains jours on a vraiment l’impression que les syndicats français marchent sur la tête et cherchent à désorganiser complètement ce pays. Les voilà qui, d’une façon assez pernicieuse, retrouvent de la voix aujourd’hui pour demander à leurs adhérents, fonctionnaires pour la plupart, de faire jouer « leur droit de retrait » pour ne pas reprendre le travail le 11 mai.

Curieuse époque. Depuis trois mois, au plus fort de la crise du coronavirus, les infirmiers et les infirmières, les aides soignants, les médecins, les réanimateurs, les urgentistes, les ambulanciers, les pompiers, les pharmaciens, les gendarmes, les caissières de supermarché et tout le personnel des commerces alimentaires n’ont pas exercé leur droit de retrait. Ils n’ont pas compté leurs heures et renoncer à leurs responsabilité un seul jour. Ils ont été applaudis pour cela tous les soirs à 20 heures. On n’a pas beaucoup entendu des syndicats en ces moments-là.

Donc, ils avaient critiqué les décisions du confinement, mais voilà que certains syndicats n’ont rien trouvé d’autre maintenant que de freiner et même de bloquer les procédures de déconfinement en encourageant l’exercice du droit de retrait.

Alors que le 11 mai, date fixée par l’exécutif pour démarrer les conditions d’un de confinement progressif de la société et permettre de faire repartir les entreprises, certains syndicats approuvent ces comportements de leurs adhérents qui hésitent à revenir au travail et les encourager en expliquant que ni le gouvernement, ni les entreprises ne se sont préparés à une telle opération invoquant les risques et les dangers que cela représentait.

Dans la banque, beaucoup de personnels en contact avec le public sont invités à retarder leur retour en agence. Dans les entreprises privées, une énorme majorité (80%) des personnels qui s’étaient mis au télétravail, veulent y rester.

Dans l’Éducation nationale, les personnels enseignants traînent des pieds à reprendre le chemin de l’école sous de multiples prétextes. Procédures trop compliquées, ils avancent le refus de parents alors que les parents eux s’inquiètent des réserves du corps enseignant.

Dans les transport publics (RATP, SNCF, autocaristes) où on sera confronté à la densité, les personnels ne veulent pas affronter le risque des files d’attente et redoutent les désordres ou les violences. Quant aux passagers, ils craignent eux de ne pas être suffisamment informés et assistés.

On pourrait faire ainsi, le tour de toutes les professions puis constater le blocage et se réinstaller tout bêtement dans le confinement et regarder le système économique s’effondrer comme d’autres regardent les trains passer.

Le droit au retrait est inscrit dans le droit du travail. Parfait ! Selon les textes (source  CGT), le salarié est en droit de suspendre son activité en cas de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé après avoir avisé l’employeur de ce danger. Il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de craindre pour sa vie ou sa santé pour qu’il déclenche la procédure de retrait. Lappréciation se fait au cas par cas. Mais l’employeur ne peut pas sanctionner le salarié qui exerce ce droit et ne peut pas cesser de lui verser sa rémunération. Dans un climat particulièrement anxiogène avec une situation particulièrement floue, les dirigeants d’entreprise hésiteront à suspecter un abus dans l’exercice du droit de retrait, d’autant que les litiges sont tranchés a posteriori par un conseil de prud’hommes. Et que les prud’hommes ne sont pas des modèles de rapidité.

Dans de nombreux cas, il existe évidemment de vraies raisons pour exercer le droit au retrait, mais il y en a aussi de bien mauvaises. Les dirigeants politiques, les chefs d’entreprise ont d’énormes responsabilités. Mais les syndicats ont eux aussi un rôle considérable à jouer dans la pédagogie de la situation et la mise en place des conditions optimum et ladhésion des personnels.

Dans les sociétés démocratiques, on n’obtiendra jamais le respect des contraintes par l’obligation, la menace ou la peur, on obtient ce respect par l’adhésion, fruit de la prise en compte de l’intérêt collectif, de la pédagogie et de la responsabilité.

Les syndicats auraient normalement un rôle considérable dans la co-construction de cette adhésion. Ils ne le jouent pas contrairement à leurs ancêtres de la Libération qui ont co-construit le modèle social. Une époque qu’ils évoquent avec nostalgie mais dont ils ne tirent aucun enseignement quant à leur offre syndicale.

La situation crée par la pandémie du Covid-19 a commandé aux sociétés modernes de tout faire pour sauver les vies humaines. En l’absence de traitement ou de vaccin, la procédure de confinement s’est donc imposée à tous les gouvernements ou presque. Contrairement à ce qu’on pouvait craindre, les Français dans l’ensemble ont accepté de respecter les contraintes du confinement. Il faut dire aussi que l’Etat a - contre tous les principes budgétaires- amorti le choc en maintenant les revenus et en essayant de préserver les appareils de production. 

Une fois que le confinement a commencé à produire ses effets et que la contagion du Covid-19 est devenue moins violente, tous les gouvernements du monde ont démarré un processus de déconfinement pour une seule raison : faire redémarrer l’économie avant que les systèmes de production et de consommation soient sinistrés. Ce redémarrage doit être évidemment très prudent et progressif mais il nécessite la participation de tous les acteurs du système. Le déconfinement est dans l’intérêt de tout le monde, mais l’adhésion implique que les conditions de sécurité soient réunies.

Il y a en France, comme ailleurs en Italie ou en Espagne, beaucoup d’inquiétudes auxquelles il faut nécessairement répondre.

Les responsables politiques, au niveau de l’État comme au niveau local, ont évidemment fait beaucoup d’erreurs. Leur communication a été confuse, incertaine, parfois contradictoire. Les matériels de protection, masqués, blouses, ont été notoirement insuffisants. Les chefs d’entreprises ont été plus rapides et plus efficaces.

C’est vrai que dans l’éducation nationale, au niveau des écoles, on aurait pu penser dès le confinement comment on allait gérer la sortie. Mais on peut penser aujourd’hui que le retour à l’école de beaucoup d’enfants en situation défavorisée est aussi une urgence.

 Dans les transports publics aussi. Les restaurateurs, par exemple, travaillent depuis plus d’un mois à leur future réorganisation, les entrepreneurs de spectacles ou les gérants de cinéma aussi. Ils seront sans doute prêts à offrir des solutions pour la fin juin.

Le service public est en retard, mais on ne peut pas dire que les syndicats ont été particulièrement réactifs et imaginatifs. Leur principale revendication a porté sur les moyens en effectif, en rémunération et en matériel. C’était vrai aussi au départ dans le système de santé. On sait aujourd’hui que le système de santé français, qui dispose de moyens équivalents ou même supérieurs au système allemand, a surtout souffert d’un déficit d’organisation et de management. Les syndicats de soignants n’ont pas fait taire leurs revendications, mais leurs adhérents ne les ont pas suivis et ont assuré leur responsabilité.  Le combat du jour n’est pas un combat syndical pour protéger des situations acquises, mais un combat pour la survie . Pour la santé, pour une meilleure médecine mais aussi pour l’économie. Il faut sauver les vies et sauver le système économique. Les deux sont liés.

Face aux contraintes du confinement, si les syndicats français nont pas dautre réponse que de répéter que la France nest pas prête à reprendre le travail, et qu’il faut mieux rester chez soi jusqu'à la fin juin, date à laquelle on pourra partir en vacances, on peut être sûr qu’en septembre on ne sera pas plus responsable. Mais à ce moment-là, le système se sera effondré.

La refondation du système de santé s’impose, l’évolution de la politique industrielle aussi pour s’affranchir d’une dépendance chinoise, la reconstruction du modèle social est évidemment urgente. Mais avec des syndicats qui sont sous représentatifs, donc acculés à la surenchère démagogique donc au conflit. On voit mal comment construire un système cohérent sans accepter une culture du compromis.

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