Emmanuel Macron veut mettre en lumière son bilan économique : que disent vraiment les chiffres ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron a présenté de nouvelles mesures, le jeudi 11 mai, pour accélérer la réindustrialisation du pays.
Emmanuel Macron a présenté de nouvelles mesures, le jeudi 11 mai, pour accélérer la réindustrialisation du pays.
©YOAN VALAT /POOL / AFP

Réindustrialisation

Afin de tenter de s’extraire de l’ornière politique de la réforme des retraites, le Président souhaite défendre l’efficacité de sa politique avec des annonces cette semaine sur la réindustrialisation du pays.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : Emmanuel Macron veut mettre en lumière son bilan économique pour tenter de sortir de l'impasse de la réforme des retraites, en défendant particulièrement l'efficacité de sa politique économique. Cette stratégie est-elle soutenue par les chiffres ?

Don Diego de la Vega : Pour évaluer une stratégie, il faut déjà qu'une stratégie soit présente. Pour ma part, je ne vois pas de réelle stratégie. Sur le plan économique, on observe une certaine cohérence, bien que limitée, contrairement à d'autres domaines comme l'éducation où la confiance a été accordée à Blanquer pendant plusieurs années, puis retirée. On constate un problème de cohérence similaire dans la justice, la gestion des migrations, etc. En revanche, sur le plan économique, il y a une petite dose de cohérence. Je reconnais que c'est en partie dû au fait qu'Emmanuel Macron a été le véritable ministre de l’Économie depuis 9 ou 10 ans, même avant d'occuper officiellement ce poste. Il s'est investi sur ces questions et cela se reflète dans sa politique. Il est donc un peu plus cohérent dans ce domaine, car il possède une expérience à Bercy et une certaine stratégie, même si elle peut sembler caricaturale. La politique menée à Bercy s'inscrit dans la continuité de ce qui a été fait précédemment. Elle se caractérise par une tentative de réduction des coûts du travail peu qualifié et une politique de réduction des charges sur les bas salaires, stratégie qui a débuté en 1992. Cependant, l'efficacité de cette politique est discutable, car malgré ces mesures, nous observons encore une augmentation du SMIC et d'autres mesures qui vont à l'encontre de cet objectif, ce qui limite l'impact positif sur l'emploi et la croissance.

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Attractivité 

Il y a eu beaucoup de discours sur l'attractivité du territoire, largement mis en avant. Il reste à voir si cela est réellement lié à la politique du gouvernement. Disons qu'ils essaient de s'approprier les investissements directs étrangers. La véritable cohérence d'ensemble réside dans la poursuite de la stratégie pro-BC et pro-européenne. C'est le véritable point de cohérence de Macron, puisqu'il n'a jamais rien dit ni rien fait contre les décisions, même les plus absurdes, venant de Bruxelles. Par exemple, en ce moment, il y a beaucoup de communication sur la réindustrialisation du pays, mais en même temps, ils espèrent une augmentation des taux d'intérêt de 350 points de base. Quand les taux d'intérêt augmentent de manière significative, il ne faut pas rêver, il n'y aura pas de réindustrialisation dans les deux prochaines années. Ce genre d'incohérence n'est pas relevé ni dénoncé. Donc, c'est toujours la même chose, on essaie de faire des efforts nationaux pour avoir un bon dossier, peut-être pour éventuellement, un jour, avoir une meilleure position de force avec les Allemands. Mais comme on ne veut pas entrer en conflit avec les Allemands, même sur des sujets où nous avons de nombreux arguments, comme par exemple le nucléaire, je doute de cette stratégie. En réalité, on essaie de reproduire plus ou moins le modèle allemand, mais sans en avoir les avantages. On espère que cela passera, mais sans jamais avoir à entrer en conflit avec eux, en acceptant en fait la période monétaire globale. 

Croissance

C'est depuis février-mars 2022 qu'il n'y a plus de croissance en Occident. Nous sortions d'une période où il y avait une croissance de 7% partout. Mais il y a un effet de latence, le temps que cela atteigne réellement zéro et que nous nous en rendions compte. Cela fait un petit moment maintenant. Cet hiver, nous avons évité de basculer en territoire négatif grâce à certaines circonstances favorables. Du point de vue de notre dépendance et de notre société, la météo et le recours massif au gaz de schiste nous ont sauvés. Ce n'est pas glorieux, mais cela a permis de passer l'hiver. Cependant, nous sommes pratiquement à zéro, voire même en réalité, depuis février 2020, nous n'avons pas de croissance en raison de la compensation de l'année précédente où nous avons enregistré une baisse de 8,4% due à la COVID. Et nous n'en aurons pas non plus au cours des deux prochaines années, car nous devrons bientôt faire face aux hausses des impôts et tout le secteur du crédit sera en difficulté. Le secteur immobilier a déjà commencé à connaître des problèmes. Donc, nous n'avons pas de croissance à venir dans les deux prochaines années, et Macron devra faire face à son bilan. Au milieu de l'année 2025, il n'y aura pas eu de croissance depuis cinq ans. Heureusement, ils ont enrichi le contenu en emploi de la croissance, ce qui permettra d'avoir un taux de chômage qui restera en dessous de 10%, ce qui leur permettra peut-être de sauver la face. Mais l'idée que le pays se réindustrialise, reprenne de la vigueur ou stabilise ses finances publiques, je n'y crois pas. Donc, en ce qui concerne la croissance, c'est mauvais, et pour les autres indicateurs, c'est également préoccupant. Il faut vraiment examiner ce qui dépend d'eux et ce qui ne dépend pas d'eux. Les domaines où leur responsabilité est véritablement engagée sont les monopoles sanitaires domestiques, c'est-à-dire essentiellement la réforme de l'État qui n'a pas été entamée, l'éducation qui est en chute libre et la santé qui, selon la notoriété publique, ne va pas bien. Ce qui dépend véritablement d'eux, ce sont les domaines où la dépense publique est prédominante, où les organismes publics sont extrêmement dominants et où ils fixent les normes et les règles. Et dans ces domaines, où leur responsabilité est réellement engagée, les résultats ne sont pas bons. Les seuls domaines qui réussissent en France sont ceux où l'État n'a aucun rôle, aucune responsabilité et quasiment aucun impact, comme les sacs à main vendus à la ménagère chinoise de 50 ans. Donc, des marques comme Lvmh, Hermès, Chanel, L'Oréal, en gros les principales entreprises du CAC 40, vont bien. Et là, l'État français n'a aucune responsabilité, simplement parce qu'il s’agit de boîtes internationalisées qui vendent partout, qui produisent partout et qui sont influencées par l'État. Bon, localement, très localement, le côté débrouillard des Français est mis en avant, loin de l'ingérence de l'État autant que possible. Et là, nous avons des exemples très positifs, comme BlaBlaCar, qui illustrent cette mentalité débrouillarde. C'est une démarche française pour trouver un rendez-vous médical ou pour organiser des personnes souhaitant éviter les tracas. La SNCF devient BlaBlaCar, voilà donc. Dans l'ensemble, cette initiative se porte bien, du moins elle essaie de se porter bien, car elle est encore assez débrouillarde. Nous avons également quelques entreprises internationales qui connaissent un grand succès. C'est le genre de réussite remarquable. Mais au milieu, il y a tout ce qui dépend étroitement de l'État, tout ce qui est assez domestique, et là, c'est une catastrophe. Que ce soit Orpea, Atos ou toutes les entreprises touchées par la Caisse des Dépôts et Consignations, tout ce que fait l'État se révèle à chaque fois être très mauvais. Je pense particulièrement le nucléaire ? C'était vraiment la grande fierté nationale, ce qui nous permettait d'être en partie, je dis bien en partie, autonome ou indépendant. Il y a eu de grandes réussites françaises, de grandes particularités françaises, et en l'espace de 20 ans, elles ont été fragilisées, c'est vraiment dommage. Autre grande réussite française, l'aéronautique sociale, c'était brillant. On avait une super fusée Ariane 5, tout se passait bien, tout allait bien, et maintenant nous  n’arrivons plus à réaliser avec des entreprises qui n'étaient que des start-ups il y a seulement 10 ans. C'est impressionnant de constater à quel point nous sommes mauvais dans ces domaines.

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Emploi et chômage

Nous constatons une augmentation de l'emploi, mais il est important de noter que ces chiffres cachent des pertes de productivité depuis plusieurs années. Bien que le taux de chômage officiel soit de 7%, il est en réalité plutôt de 10 à 12%. Nous avons atteint un stade où la France n'a plus besoin de croissance pour éviter une flambée du chômage. Auparavant, dès que la croissance passait en dessous de 1,5 à 2%, le chômage augmentait. Nous avons adopté un système qui ressemble au modèle japonais, où nous maintenons un taux de chômage relativement bas, mais cela se fait au détriment de la productivité. Ce système présente des avantages et des inconvénients. En ce qui concerne le reste de la politique économique, il y a peu de cohérence.

Nous avons une gestion administrative du taux de chômage, ainsi qu'une gestion politico-médiatique du taux de chômage avec beaucoup de radiation. En plus de cela, vous ajoutez une politique de réduction des charges salariales, mais cela ne signifie pas que le marché du travail se porte bien. Le marché du travail est un mélange de ces éléments, de la participation, mais aussi d'un troisième élément que tout le monde oublie, à savoir la productivité. Et c'est là que ça coince, car la productivité ne va pas bien du tout. Cela prouve que nous n'avons pas réellement une véritable augmentation de l'emploi. Si nous avions réellement une augmentation de l'emploi, la productivité se porterait très bien, ce qui n'est pas le cas. Cela démontre que nous sommes très loin d'avoir le plein emploi. Statistiquement, oui, nous avons un taux de chômage assez faible, mais nous avons réussi à le rendre imperméable aux cycles économiques. C'est très fort, mais ça ne veut pas dire qu'on a un bon taux d’emploi.

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Réindustrialisation 

Les annonces d'Emmanuel Macron sur la réindustrialisation sont lamentables. Et après ce que je viens de vous dire, cela n'est pas en accord avec la politique monétaire actuellement mise en œuvre, sur laquelle il ne s'exprime pas. Pour relever un peu le niveau, cela ne suffit pas. On ne peut pas réindustrialiser un pays qui ne forme que 40 000 ingénieurs par an. En formant seulement 40 000 ingénieurs par an, on peut peut-être maintenir le capital existant, mais on ne peut certainement pas se lancer dans quelque chose de véritablement ambitieux. De plus, une partie de l'industrie en France se porte bien, mais il faut voir qui la contrôle. Et de plus en plus, ce sont des personnes qui ne sont pas françaises. Malheureusement, ce genre de problème capitalistique engendre une destruction, car nous n'avons pas beaucoup de bonnes entreprises capitalisées, et ainsi, tous les fonds américains se précipitent sur les morceaux intéressants. Cela s'explique par le fait que nous n'avons pas de fonds de pension et que nous n'avons pas réalisé une véritable réforme des retraites. Nous avons simplement effectué des ajustements paramétriques, alors que depuis 30 ans, 40 ans, nous savons qu'il est nécessaire d'avoir un capital français avec de vrais épargnants français. Mais malheureusement, cela n'est pas possible.

Par ailleurs, il existe d'autres obstacles à la réindustrialisation qui sont liés au fait que, en même temps qu'il prétend encourager l'industrialisation, Emmanuel Macron continue de mettre en place des politiques inflationnistes. Concrètement, dans le secteur industriel, il peut y avoir des impulsions gouvernementales, des injonctions, des aides locales ou nationales, des initiatives de la BPI ou de la Caisse des Dépôts, et bien d'autres choses encore. Cependant, le problème réside dans le fait que tout cela est déséquilibré. Par exemple, on rend presque impossible la construction en favorisant la diminution de l'artificialisation des sols tout en encourageant le développement du secteur immobilier. Il y a des obstacles considérables à l'industrie, et cela se fait constamment sous différents prétextes. Ces dernières années, le prétexte écologique ou environnemental est à l'honneur, mais cela peut changer dans 10 ans, et ce sera autre chose. Il y a 20 ans, on cherchait à entraver l'industrie autant que possible. D'un côté, on tient un discours très favorable à l'industrialisation, mais cela ne veut pas dire grand-chose. Les subventions ou les aides accordées sont souvent limitées. Regardons de plus près la réindustrialisation dont il est question, par exemple dans le secteur des batteries. Cela semble très intéressant, mais qui possède les bases et les brevets technologiques ? Ce sont les Chinois. Ainsi, nous avons des usines en France, à Douai et ailleurs, mais en réalité, quand on creuse un peu, on se rend compte que nous sommes en position minoritaire avec les Chinois. C’est mieux que de ne rien faire comme nous l'avons fait pendant 15 ans, en ignorant complètement la révolution des batteries qui se moquait de nous. Maintenant, nous sommes obligés de les suivre, mais attention, nous les suivons avec des brevets chinois, ce qui est une première étape. Je ne suis pas convaincu que nous disposions à la fois des dirigeants d'entreprises compétents et des ingénieurs nécessaires, et que tout se mette en place harmonieusement. En fait, ces dernières années, nous n'avons pas connu beaucoup de succès en matière d'entreprises à fort potentiel en France. Les grands succès français se trouvent principalement dans des domaines non industriels, comme le luxe, même s'il peut y avoir une certaine logique industrielle en leur sein. Mais dans l'ensemble, ce n'est pas de l'industrie. Et lorsque nous réussissons, c'est souvent en produisant à l'étranger, ce qui ne constitue pas une véritable industrie française dirigée par des Français. Il y a très peu d'exemples probants au cours des 15 à 20 dernières années. Et lorsque cela se produit, c'est généralement à une échelle microscopique, ou bien ce sont des exceptions. Je n'ai rien contre le fait de voir des entreprises dans le secteur technologique, mais aucune d'entre elles ne figure parmi les cent plus grandes entreprises technologiques mondiales. Cela crée une sorte de cercle vicieux en termes de valorisation et de financement. Mis à part quelques exemples qui doivent peu à l'État, je ne vois pas vraiment ce que la politique des "licornes" a pu apporter au pays.

Investissements

On constate plusieurs facteurs de rente en France, notamment une rente géographique et une rente historique ainsi qu’une rente touristique. Mais qu'est-ce qui est réellement lié à l'attractivité des politiques publiques en France ? D'un autre côté, je pense que cette attractivité relève davantage de la géographie, de l'histoire et de cette fameuse débrouillardise dont j'ai parlé précédemment, plutôt que d'un choix politique conscient. En effet, la France est plutôt un pays où le facteur travail est rigide et réglementé, et où l'on tend à freiner les gens plutôt qu'à les encourager. Je ne pense pas que cela soit lié à nos choix conscients. De plus, il est important de nuancer la notion d'attractivité, car elle ne peut pas être résumée uniquement aux investissements directs étrangers. Notre activité économique est bien plus vaste que cela. Si nous étions si attractifs, par exemple, nos classes d'actifs seraient davantage plébiscitées, ce qui n'est pas le cas. Le fait que le CAC 40 soit à son plus haut historique ne signifie pas grand-chose en soi, car il n'est pas significativement plus élevé qu'il y a 22 ans. En réalité, depuis 15 ans, l'attractivité est plutôt une question pour les Chinois et les Américains, pour des raisons différentes. Pour ce qui est de la France, en tout cas, elle n'est pas suffisante pour compenser tous les autres éléments. De plus, il faudra faire un bilan dans 2 ou trois ans, lorsque nous aurons subi une correction immobilière et passé deux ans avec des contraintes énergétiques qui deviennent presque systématiques chaque hiver. Je ne suis pas convaincu de la viabilité d'une vulnérabilité énergétique que nous ne contrôlons pas. Je pense que la question de la décadence de l'économie française sera un sujet important, car nous risquons de subir des revers. Les fameuses notations des agences de notation font déjà couler beaucoup d'encre, et je pense que nous n'en avons pas fini. Il est possible que nous soyons dévalorisés dans ce domaine. De plus, le secteur immobilier va connaître une baisse, et nous savons que la France est fortement exposée à ce secteur, ce qui rendra difficile l'obtention de bons chiffres pendant les 2 ou 3 prochaines années. En outre, chaque hiver va devenir un peu compliqué, car nous dépendrons grandement de notre capacité à attirer des touristes ou de notre chance d'avoir une météo favorable, ce qui n'est pas digne d'un pays qui se classe parmi les 4e ou 5e puissances économiques mondiales.

Inflation

Il est important de reconnaître que ce n'est pas le domaine de Macron mais celui de la BCE, puisque dès lors qu'il s'agit d'une politique monétaire fédéralisée - d'ailleurs, l'une des rares choses que nous avons véritablement fédéralisées, ce n'est pas un hasard – donc c'est la responsabilité de Francfort. Personnellement, cela me contrarie lorsque l'on me présente des taux d'inflation nationaux différents. Je pense que cela relève principalement de questions de mesures. Il n'y a pas de raison d'avoir de grandes disparités en matière de taux d'inflation. Je ne pense pas que l'inflation diffère autant d'un pays européen à un autre, sauf peut-être dans les cas extrêmes. Parmi les grands pays, je ne pense pas qu'il y ait de grandes différences. Donc, pas de réelle carte à jouer pour attribuer ces écarts à des politiques budgétaires différentes, par exemple, car je ne pense pas que la politique budgétaire ait un impact aussi important sur l'inflation. De plus, dans l'ensemble, nous avons à peu près la même politique budgétaire dès lors que nous sommes dans le même cadre de pensée entre Italiens, Allemands et Français. Donc, il faut reconnaître que ce n'est pas vraiment la responsabilité de Macron. Cependant, il a été beaucoup communiqué par son administration, notamment par Bruno Le Maire, que nous étions les meilleurs dans la maîtrise de l'inflation. En réalité, c'est faux, car cette maîtrise coûte extrêmement cher. De plus, cela rendra également plus difficile la diminution de l'inflation par rapport aux autres pays. Par conséquent, nous serons plus touchés que les autres et si l'on évalue l'ensemble de la séquence dans quelques années, nous constaterons que sur la période 2021-2024, du pic d'inflation à sa diminution, nous aurons globalement les mêmes performances que la médiane européenne dans presque tous les domaines.

Je dois souligner qu'on n'a pas été très compétents lorsqu'on a tenté de bloquer les prix à un certain moment. Cela rappelle de mauvais souvenirs des années 70. Il y a eu beaucoup de communication à ce sujet, mais heureusement, cela ne s'est pas concrétisé dans les faits. Cependant, nous avons fortement insisté auprès des distributeurs pour qu'ils fassent des efforts, convoqués à Bercy, afin de bloquer environ 200 produits dans les magasins. Nous avons réellement essayé d'organiser des pénuries, même si nous n'avons pas réussi. Notre gestion n'a pas été bonne, et nous avons échoué, au minimum, dans la communication pédagogique sur le sujet. Cela dit, cela ne fait pas une énorme différence, car tout cela relève principalement de la BCE. De plus, l'inflation était principalement statistique et provenait de facteurs externes, comme les prix du gaz, plutôt que d'un problème interne. Je n'ai pas l'intention de dédouaner le gouvernement, mais il n'était pas en première ligne à ce sujet. Leur combat contre l'inflation a été assez lamentable, mais j'ai l'impression qu'ils agissaient davantage sur ordre. En gros, c'était de la mise en scène médiatique. Ils ont fait quelques tentatives de diversion, mais on ne peut pas dire qu'ils soient allés très loin dans le blocage des prix ou dans des mesures substantielles.

Cependant, j'aimerais voir un gouvernement honnête, compétent et capable de communiquer efficacement avec les Français. Ils devraient dire clairement que les prix du gaz ont été multipliés par huit à cause de problèmes administratifs en Chine liés à la COVID-19, ainsi que d'autres problèmes tels que les chauffeurs et d'autres facteurs. Il devrait y avoir une certaine reconnaissance d'une sorte de tempête parfaite. Les gens vont dire que ce n'est pas de l'inflation, mais plutôt une hausse relative des prix. Il ne faudrait pas parler réellement d'inflation, les salaires sont ajustés à 2 %, les anticipations d'inflation sont à 2 %, il n'y a pas lieu de s'affoler. Nous allons subir un petit choc qui durera quelques trimestres. Nous devrions essayer de ne pas paniquer et demander à la BCE de ne pas augmenter les taux trop rapidement, car cela ne guérira pas l'inflation et ne ferait que nous tirer une balle dans le pied. J'aurais aimé voir un gouvernement qui dise cela, mais cela n'a pas été possible car ils ne veulent pas critiquer d'un côté ce qu'ils ne connaissent même pas de l'autre côté. Nous avons donc eu droit à ce que nous avons eu droit, des histoires alimentaires, des problèmes de stations-service, bref, même pas une microéconomie de bazar, mais plutôt la vision de l'inflation de Madame Michu. Heureusement, nous n'avons pas vu cela se matérialiser sous forme de pénuries.

Pouvoir d'achat

Sur ce plan, nous nous en sortons pas trop mal, car les Français continuent d'obtenir des augmentations salariales de 2% à 2,5%, même si leur productivité est négative depuis plus de 4 ans. Donc, on peut dire que cela se passe bien, mais pas très bien, n'est-ce pas ? Surtout après le choc des prix. Ce n'est pas non plus l'extase, mais dans l'ensemble, ça va. Le pouvoir d'achat en France ne pose pas de problème, du moins pour la médiane. Bien sûr, je parle du point de vue macroéconomique. Il y a beaucoup de gens qui souffrent, mais en termes de demande agrégée, ce n'est pas la consommation qui pose problème. L'investissement est un peu plus problématique. Il y a eu peu d'investissements productifs réellement judicieux en dehors de l'immobilier. La France a investi peu ces dernières années, mais en ce qui concerne la consommation et le pouvoir d'achat, je pense que c'est plutôt stable et suffisant.

Heureusement que nous ne sommes pas dans un régime politico-économique où le pouvoir d'achat est décidé à l'Élysée ou à Bercy. En fait, ils l'ont un peu dégradé par leur politique de non-choix économique au fil des années, mais cela reste relativement limité. Cependant, lors de la crise du COVID, il y a eu une défense du pouvoir d'achat qui m'a un peu surpris. Ils ont dépensé beaucoup pour indemniser les tenanciers de boîtes de nuit et tous ceux qui ont été touchés par la COVID. Je trouvais cela un peu étonnant car cela a été un peu trop systématique et trop long. Le problème, c'est qu'ils ont littéralement dépensé 200 milliards dans le vide. Enfin, pas pour tout le monde, mais disons que cela n'a pas été très ciblé. Ensuite, cela a entraîné un glissement des finances publiques, ce qui les a obligés à donner des gages dans l'autre sens, d'où la réforme des retraites et autres joyeusetés, qui ne sont pas vraiment bien calibrées. En fin de compte, avec une approche forfaitaire, on n'a pas spécialement aidé ceux qui méritaient le plus. Je pense qu'on aurait pu être plus sélectifs, mais cela n'a pas été possible. On a arrosé large. Ça a permis la réélection d’Emmanuel Macron. Était-ce vraiment la meilleure des choses à faire ? On ne le saura jamais.

Dette et les déficits budgétaires

La dette est aux alentours de 3000 milliards. En réalité, ils n'ont jamais fait d’efforts. Si l'on regarde la trajectoire des finances publiques, cela a été ligne droite. Il y a eu un moment où la droite a cessé d'être complètement négligente. Pendant les années Juppé, il était nécessaire de se qualifier pour l'Union économique et monétaire, mais cela n'a même pas été réalisé pour de bonnes raisons. Cela n'a pas duré longtemps et cela a coûté la victoire en 1997. Donc les dépenses ont repris, évidemment, et cela a été assez barbare. On ne le voyait pas vraiment à la fin des années 90 en raison de la croissance, mais en dehors de l'effet cyclique, les dépenses étaient bien orientées. Puis, cela n'a jamais cessé. À chaque fois, on voit que cela augmente, à chaque phase de croissance mondiale. C'est un effet cliquet, une progression par paliers où les finances publiques ne sont jamais véritablement bien gérées, que ce soit en termes quantitatifs, avec des indicateurs simples et clairs, ou en termes qualitatifs, car il y a aussi le problème de la qualité des dépenses publiques. C'est là que le bât blesse. Si la réponse était axée sur les investissements ou sur les domaines régaliens, cela ne me dérangerait pas, mais ce n'est pas du tout le cas. Il s'agit vraiment des dépenses de fonctionnement, d'une mauvaise gestion des ressources, d'un déficit préoccupant et d'un manque de bonne volonté. Ne pas réussir à rectifier la situation malgré des années de taux bas ça donne une image de la situation. Et cela confirme qu’il faudrait baisser les taux. On a mis l'élite de la nation française et ils n’ont même pas utilisé la période de taux d'intérêt bas pour augmenter considérablement la maturité de la dette française. Ils ont peur de Le Pen et Mélenchon, donc ils arrosent les entreprises, les ménages, les retraités. Mais on aurait pu se douter rapidement qu’ils n’amélioreraient pas la trajectoire des finances publiques. Ils avaient prévu 2,5% de croissance par an 5 années de suite. Ce n’était pas sérieux. Et ils recommencent. C'est 0,4% de croissance à chaque trimestre de 2024 et 2025, c'est-à-dire quasiment 2% de croissance en 2024 et en 2025. Ça n'a aucun sens.  Si véritablement ils étaient des gens soucieux des finances, ils feraient preuve de la sincérité budgétaire. La sincérité budgétaire, ce serait de dire qu'on se prépare à une absence quasi totale de croissance dans les années qui viennent. Et faire nos prévisions à partir de là.

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