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Emmanuel Macron, les jeunes et Youtube : Expliquer… ou donner envie, pas tout à fait le même défi
©JOEL SAGET / AFP

Banalités sur canapé

Emmanuel Macron a décidé de répondre vendredi aux questions d'Hugo Travers, un youtuber d'une vingtaine d'années. Un choix de communication qui vise un électorat très abstentionniste.

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Benoît de Valicourt

Benoît de Valicourt s’inscrit dans la tradition du verbe et de l'image. Il travaille sur le sens des mots et y associe l'image réelle ou virtuelle qui les illustre. Il accompagne les acteurs du monde économique et politique en travaillant leur stratégie et leur story-telling et en les invitant à engager leur probité et leurs valeurs sur tous les territoires. 
 
Observateur de la vie politique, non aligné et esprit libre, parfois provocateur mais profondément respectueux, il décrypte la singularité de la classe politique pour atlantico.fr et est éditorialiste à lyonmag.fr
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Atlantico : Emmanuel Macron a décidé de répondre aux questions d'Hugo Travers, un youtuber d'une vingtaine d'années dont la chaine HugoDécrypte est spécialisée dans la vulgarisation politique et compte 350000 abonnés. Comment interpréter cette volonté d'Emmanuel Macron de sortir de la communication traditionnelle à deux jours des élections ?

Benoît de Valicourt : Le président de la République, en choisissant ce support, répond à un enjeu majeur de l’élection européenne : ¾ des moins de 25 ans disent qu’ils ne voteront pas dimanche et ce chiffre semble inversement proportionnel au vote des personnes âgées comme si ce qui ont connu la guerre et les années de privation et de reconstruction sont les plus sensibles à « l’harmonie » européenne.

La seconde guerre mondiale, la Shoah, la CECA, … tout cela est loin pour la très grande majorité des millennials et surtout des moins de 25 ans plus accros à Netflix, Instagram ou Snapchat qu’à l’Histoire. Ces 18- 25 ans représentent près de 5 millions d’électeurs potentiels et qui, pour une très grande majorité, voteront pour la 1ère fois de leur vie et qui plus est au scrutin le moins passionnant de la vie politique française. Emmanuel Macron avait leur âge à un moment clé de la construction européenne, c’est-à-dire au moment de l’entrée en vigueur du traité sur l’Union Européenne en 1993.

2019 est une nouvelle étape cruciale pour l’UE, d’abord parce que symboliquement c’est le 40èmeanniversaire de de la première élection des euro-députés et parce que c’est la première fois que l’UE vacille d’une part, avec le Brexit et d’autre part par le nombre de députés eurosceptiques ou farouchement opposés à l’Europe qui seront élus dimanche et dont l’objectif est de détricoter l’Europe voire de la désagréger.

Enfin, la presse traditionnelle a orienté la campagne électorale européenne comme le match retour de l’élection présidentielle et le scrutin proportionnelle est largement favorable au Rassemblement National.

Le Président a adapté sa réthorique aux jeunes, cibles de cet entretien. Au niveau de la communication, qu'est-ce que son discours nous dit de sa vision des jeunes ?

Le Président est jeune, ses vingt ans étaient hier et il s’en souvient. Il n’a pas d’effort à faire pour parler aux jeunes, moins que la tête de liste de son parti, Nathalie Loiseau. Il est pédagogue et a su trouver le ton pour rendre son discours compréhensible. Discours très égocentré, le « moi-je » a remplacé le nous collectif des décisions du gouvernement et du vote des parlementaires mais il répond au narcissisme de la jeunesse et à l’égoïsme de la société où chacun défend son pré-carré et que lorsque des efforts sont demandés, c’est à son voisin qu’ils doivent s’appliquer !

E. Macron a insisté sur le point qui sensibilise le plus la jeunesse, l’environnement. En invitant les jeunes a changer notre modèle contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité, il a forcément visé juste dénonçant les lobbys et le pouvoir des grandes entreprises ! Malheureusement, c’est sans doute là que la bât blesse car dans le même temps il rappelait qu’il y a 5 ans il ne faisait pas de politique et qu’il a décidé de s’engager pour changer ce qui ne lui convenait pas … sans parler du soutien des grandes entreprises à sa campagne électorale ! A moins que « plus c’est gros, plus ça passe » et que les jeunes se laissent berner.

Par ailleurs, il a voulu se montrer connecté s’adressant à une génération en ligne mais avec les défauts de sa formation d’intellectuel. Si lui va chercher les informations, la majorité des jeunes aujourd’hui sont passifs et attendent de la recevoir. Et je m’étonne que pendant cette campagne, le secrétariat d’Etat à l’Europe n’ait pas su se servir des réseaux sociaux pour expliquer l’Europe.

Enfin, face au RN dont la tête de liste est un jeune beau gosse de 23 ans, le Président de la République doit se montrer jeune, à l’écoute de la jeunesse et surtout ne pas être déconnecté.

Ce choix de choisir un youtubeur plutôt que des journalistes a été critiqué, notamment par Laurent Wauquiez. Cette stratégie peut-elle lui être bénéfique ?

La critique n’apporte rien sans proposition. Le choix est singulier, certes. Mais l’exercice est loin d’être raté et créé le buzz, la preuve nous en parlons. Il arrive cependant un peu tard car l’organisation d’une procuration n’est pas aussi simple qu’il le dit, je doute que ce samedi matin les jeunes se précipitent dans les commissariats et les mairies pour faire une procuration. Comment les millennials habitués à tout faire sur internet peuvent concevoir de se rendre dans une administration !

Si l’interview apporte un éclairage sur la vision européenne du Président, elle ne répond pas à la présentation de l’institution européenne. Si Emmanuel Macron explique en conclusion qu’il ne faut pas voter contre, sous-entendu contre la liste Renaissance donc lui, il ne donne pas les clefs pour voter en faveur d’une Europe proche de la jeunesse tant la machine supra-nationale semble éloignée du quotidien de la génération selfie.

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