Élections cantonales : message ? Vous avez dit message ?

Les soirées électorales sont toujours l’occasion, pour les gagnants comme pour les perdants, d’expliquer en boucle à la télé qu’ils ont « reçu le message des Français ».

Cinq sur cinq, même.

Hum, faut-il qu’ils soient doués pour les langues, les apparatchiks… Parce que pour élaborer une théorie générale sur la base des résultats d’hier, il faut au minimum un diplôme en traduction-interprétariat.

De fait, les Français n’envoient jamais le moindre message collectif lorsqu’ils votent et n’ont pas l’habitude de se concerter discrètement le samedi pour mieux parler d’une seule voix le dimanche. Disons qu’il y a des scrutins un chouïa plus lisibles que d'autres, voilà tout.

Car que confirment vraiment et uniquement  ces cantonales 2011? Qu'avec 53,5% d'abstention, les gens se désintéressent totalement de leurs Conseils généraux. Ni plus ni moins. Et d'ailleurs, si vous avez entendu quelqu’un évoquer le moindre sujet vaguement lié aux compétences des départements pendant la campagne ― de l’aide sociale à l’entretien de la voirie ―, vous devez avoir l’oreille fine…

Informations contradictoires

Mais pour le reste, on se demande ce que l’on peut sérieusement déduire de cette tripotée d’informations contradictoires. Voyons voir : la gauche « de gouvernement » (pro-Europe, pro-marché, etc.) empoche 36,44% des suffrages, ce qui la place loin devant n’importe quelle autre formation ou combinaison de formations. Des sondages de sortie de bureaux de vote assurent même que DSK (34%) exploserait littéralement Sarkozy (17%) à la présidentielle ! Martine Aubry a donc « compris le message des Français », lesquels ouvrent clairement « la porte au changement » social-démocrate afin que le PS « s'y engouffre ».

Ah mais une seconde : le Front national (anti-euro, xénophobe, protectionniste, etc.), s'il ne récolte que deux sièges avec ses 11,34% en phase finale, s'était tout de même maintenu dans quelque 400 cantons grâce à ses 15% du premier tour... Marine Le Pen en conclut qu’elle a également « compris le message des Français », qui souhaitent faire du FN « une force absolument incontournable, notamment pour les futures élections présidentielle et législatives ».

Et ce n’est pas tout : si Jean-François Copé admet que 18,9% pour l’UMP, c'est plutôt médiocre (« La majorité est un petit peu déçue »), on l’aperçoit hilare sur TF1 expliquer que la gauche « est loin de ses objectifs » et « qu’avec des divers droite à 10,38%, la majorité présidentielle est quasiment à 30% ». Une majorité présidentielle de plus en plus déchirée entre sa fraction gaullo-centriste et ses lepéno-compatibles, mais qu’importe : « à nous de continuer sur ce chemin tout en entendant le message d'inquiétude des Français »

Un candidat de synthèse pour 2012 ?

Bon, c’est vrai, des gagnants qui en rajoutent et des losers qui expliquent qu’ils n’ont pas vraiment perdu, c’est classique. Mais c’est généralement qu’il y a bien un perdant et un gagnant, au sens d’une direction qui se dégage et d'une stratégie qui s’impose.

Pour le coup, en 2012, le candidat idéal sera donc celui qui, mieux que quiconque, fera la synthèse entre insertion dans la mondialisation et protectionnisme frileux, pragmatisme monétaire et méfiance à l'égard de l'euro, libéralisme économique et interventionnisme permanent, ouverture à l’autre et promotion d’une identité nationale étriquée... Tout et son contraire et vice-versa, quoi... Oh pétard, le meilleur candidat, c’est Sarkozy !

Enfin, à moins que je n’aie pas tout compris non plus du message de dimanche…