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Edouard Philippe : le maillon faible du quinquennat (et ce que ça nous dit d’Emmanuel Macron…)
©LUDOVIC MARIN / AFP

Premier ministre irremplaçable ?

Le premier ministre Edouard Philippe est souvent complimenté pour son sang-froid, son expertise ou son expérience politique. Sur les retraites, c’est néanmoins lui qui a voulu ajouter la question du financement à la réforme systémique ou lui encore qui a souhaité avoir recours au 49.3…

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize est universitaire, juriste et historien. 

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Atlantico.fr : Le recours au 49.3 pour la réforme des retraites, la loi sur 80km/h, la taxe carbone.... Edouard Philippe a multiplié les prises de décisions contestables depuis son arrivée à Matignon. Peut-on parler du Premier ministre comme du maillon faible du gouvernement ? 

Arnaud Lachaize : A l’évidence, M. Philippe manque de sens politique, ne sent pas bien le pays et se montre particulièrement déconnecté de la réalité. Il est difficile de dire qu’il est le maillon faible du gouvernement car aucun ministre ne s’impose vraiment comme un poids lourd. Castaner est inexistant, le Maire incarne tout ce que les Français ne supportent plus, un mélange de morgue et de suffisance. Peut-être M. le Drian ou M. Blanquer encore que la cote de ce dernier ait fortement chuté avec la réforme bâclée du bac… Les autres sont des inconnus plus ou moins insipides qui ne se font connaître qu’à l’occasion de scandales (M. Rugy) ou de leurs gaffes à répétition (la porte-parole). M. Edouard Philippe joue un rôle spécifique sur la scène macronienne, celui de la fermeté et de l’autorité. Mais l’opinion publique, en dehors d’une poignée d’inconditionnels, n’est pas dupe. Un peu comme l’était M. Valls lors du précédent quinquennat, il est l’homme des coups de menton et des moulinets pour couvrir les reculades successives (Notre-Dame-des-Landes, taxe carbone, 80 km/heures, âge pivot dans la réforme des retraites). Il est ce qu’il faut bien appeler « un faux dur ». Et c’est en cela que son échec est caractérisé. 

Pour autant, Edouard Philippe est maintenu à la tête de l'exécutif et semble avoir l'oreille du président. Qu'est-ce que cela révèle du sens politique d'Emmanuel Macron ?

Il est certain, dans la configuration actuelle, qu’Edouard Philippe ne prend jamais une décision sans avoir l’accord du président de la République. Sur tous ces dossiers, c’est la responsabilité du tandem qui est engagée et les Français le savent pertinemment. Le partage des rôles entre eux n’est d’ailleurs pas clair. Il n’a aucun rapport avec les fondements de la Ve République : le long terme au chef de l’Etat et le gouvernement quotidien au Premier ministre. Il relève au contraire d’un jeu de communication, défini au jour le jour, le président prenant à son compte les annonces valorisantes (exemple la « réquisition » des masques) et le Premier ministre les coups à connotation musclée (49-3). La forte exposition actuelle de M. Philippe révèle le désarroi et l’affaiblissement de M. Macron. Ce dernier qui annonçait plein d’orgueil, au lendemain de son élection, une présidence jupitérienne et un « nouveau monde », n’était pas prêt à l’échec et à la chute dans une impopularité qui rejoint au fond de l’abîme celle de M. Hollande. Pour M. Macron, qui n’a jamais dissimulé son mépris envers M. Hollande, son mentor auquel il devait absolument tout avant de le trahir, l’humiliation est totale. Profondément déstabilisé, politiquement et sans doute psychologiquement, peut-être même en perdition, il semblede plus en plus enclin s’en remettre aux choix de son Premier ministre. Au risque d’une surenchère de catastrophes…

Alors qu'il ne semble y avoir aucun remplaçant possible au Premier ministre, que pourrait faire Emmanuel Macron pour insuffler un nouveau souffle à son quinquennat et redynamiser son gouvernement ? 

Nous vivons une crise politique extrêmement grave dominée par un divorce total entre l’opinion et la classe dirigeante. Il va de soi qu’à ce stade de son mandat, le président Macron aurait tout intérêt à provoquer un électrochoc. Quoi qu’il arrive, en suivant la pente actuelle, son quinquennat sera un grave échec peut-êtrepire que celui de M. Hollande. Ses chances de réélection, dans un climat d’aveuglement général, s’amenuisent de jour en jour. Alors, qu’a-t-il à perdre ? Dans la logique gaullienne, il pourrait provoquer un referendum et poser ainsi la question de confiance au peuple. Nul ne l’imagine manifestant l’audace ou le sens de l’Etat suffisants pour entreprendre une telle initiative. Il peut dissoudre l’Assemblée nationale, dans la foulée des municipales perdues et finir son mandat sur deux années de cohabitation avec probablement une majorité de droite. Cette solution serait évidemment la plus intelligente dans la perspective d’une éventuelle réélection. Il peut enfin changer de Premier ministre et de Gouvernement. Bien sûr qu’il y aurait des volontaires pour prendre la place de M. Philippe, en particulier M. le Maire qui piétine d’impatience… Cependant, rien ne permet de penser que le président Macron ait réalisé la gravité de la situation et soit en l’état psychologique de prendre une telle décision aujourd’hui. 

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