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Ecomouv' : pourquoi le véritable scandale n’est pas dans les coûts du dispositif
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Jusqu'ici tout allait bien

Pour Marylise Lebranchu, "l'écotaxe est l'impôt le plus cher du monde". Sauf que le système n'est en réalité pas plus cher qu'à l'étranger. Mais si le coût ne semble pas le cœur du problème, cette taxe n'en est pas dénuée pour autant.

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme est professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politique de Paris. 

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Atlantico : La mise en place de l'écotaxe, censée rapporter 1,15 milliard d'euros par an, devait coûter 20 % de ce montant, soit 250 millions d'euros. Ce coût est-il délirant ?

Rémy Prud’homme : Il est très élevé mais ce n’est pas une surprise. On sait depuis très longtemps que le coût de perception de ce système est extrêmement élevé. L’exemple allemand l’a montré : ces technologies sont très sophistiquées et demandent  beaucoup d’investissements. Que ce coût atteigne autour de 25% est extravagant pour un impôt mais il l’est moins compte tenu des choix technologiques réalisés. 

En Allemagne ce taux se situe ainsi autour de 15 ou 20%, soit légèrement moins cher qu’en France, ce qui s’explique par le fait que le trafic sur les autoroutes allemandes est beaucoup plus important qu’en France, alors que par ailleurs les coûts engagés sont majoritairement fixes. En Slovaquie en revanche, le coût de perception atteint 80%, environ car la circulation y est beaucoup plus limitée. 

De même,  les coûts de perception des péages de Londres et de Stockholm s’avèrent très élevés car ils nécessitent des saisies de millions de paiements relativement modestes pour des investissements importants. A Londres notamment, ce coût est à peu près égal à son produit. Mais cela ne condamne pas l’intérêt de ce péage car son objet visait à réduire la circulation dans la ville. Ces chiffres n’ont donc rien d’extraordinaire. S’ils révèlent quelque chose c’est uniquement le principe du péage lui-même.

Les termes de ce contrat de partenariat public-privé sont vivement contestés, à tort ?

Remettre en cause ce partenariat public-privé me semble idiot car l’Etat fait toujours appel, à des degrés divers, au secteur privé. L’administration ne fabrique pas les voitures dans lesquelles se déplacent les fonctionnaires ni les ordinateurs qui équipent ses bureaux. Que l’on s’adresse à des entreprises pour sous-traiter des opérations compliquées comme un péage parait tout à fait normal. D’autant que le privé réalise souvent une même opération à un coût moindre que le public. L’autre avantage provient du fait que le partenaire privé apporte au départ sur la table l’argent nécessaire à l’investissement. Il est donc normal qu’il se fasse ensuite rembourser sur une dizaine d’années par un montant fixé à l’avance par contrat. 

Cependant, il ne faut pas totalement exclure que l’appel d’offre ait été truqué, mais cela paraît improbable. L’administration obéit à des règles et des procédures strictes. La probabilité qu’il y aient eu des malversations apparait donc faible. 

Que penser du montant de la clause de résiliation ou du fait que l’organisme chargé de récolter cette taxe, Ecomouv', appartienne à 70 % au groupe italien Autostrade per l'Italia ?

Faire appel à une société étrangère est une pratique courante dans le cadre d’un appel d’offre. Cette procédure est même rendue obligatoire par l’UE. Et c’est une bonne chose que des groupes étrangers soient candidats à ce type de marché car cela permet de faire baisser les coûts. Quand l’administration achète des ordinateurs IBM plutôt que Bull, elle ne fait que choisir le prestataire le moins cher.

Concernant la clause de résiliation, rappelons que l’essentiel de la dépense a déjà été effectué par Ecomouv’, qui a procédé à des essais, fabriqué des logiciels, et mis en place des installations onéreuses, sans compter le paiement de centaines d’ingénieurs qui travaillent à ce projet depuis plusieurs années. Les 15 millions par mois de la clause doivent servir à rembourser ces investissements. 

Le produit de cet impôt était-il à la hauteur de ces coûts ?

Cette taxe était dès le départ une mauvaise taxe, installée par pure opportunisme pour faire plaisir aux Verts. Le gouvernement actuel se trouve maintenant embarqué dans une situation difficile. Il cherche donc à faire une récupération politique de cette affaire en s’attaquant aux modalités de ce partenariat public-privé. Compte tenu du taux exorbitant dévoilé et de la mauvaise réputation actuelle du privé, cela pourrait même fonctionner !

Compte tenu du mode de collection élevé reflété par ce taux de 25%, le concept d’impôt rentable est un peu discutable. Mais il ne peut en être autrement pour tous les péages urbains et non urbains. Le produit de 1,2 milliard d’euros par an représente  beaucoup… pour les transporteurs ! En effet le chiffre d’affaires du secteur du transport routier s’élève à 50 milliard, et cette taxe représente  2% de l’activité totale du secteur. 

Propos recueillis par Pierre Havez

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