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Une nouvelle étude permet de reconsidérer nos perspectives sur le sommeil et sur l'activité cérébrale.
Une nouvelle étude permet de reconsidérer nos perspectives sur le sommeil et sur l'activité cérébrale.
©JOHN MOORE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

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Les animaux ne sont pas les seules créatures qui peuvent être littéralement à moitié endormies. La recherche montre que l'espèce humaine peut expérimenter cela aussi. Une équipe de chercheurs de l'Université Brown a entrepris d'étudier ce phénomène.

Bruno Comby

Bruno Comby

Bruno Comby est polytechnicien et directeur scientifique de l'Institut Bruno Comby.

Il est l'auteur de l'Eloge de la sieste (TNR, 2005)

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Atlantico : On sait que certains animaux n’ont pas le cerveau complètement au repos, même quand ils dorment. Certaines études s’interrogent sur l’existence de ce phénomène chez les humains. Que savons-nous actuellement à ce sujet ?

Bruno Comby : Le cerveau contrôle toutes les fonctions vitales : notamment la respiration et la fonction cardiaque. Effectivement, tant que nous sommes vivant, notre cerveau n’est jamais totalement au repos. Un électroencéphalogramme totalement plat ou ce qu’on appelle l’état de mort cérébrale est quasiment synonyme de décès !

Le cerveau qui n’est donc jamais inactif de notre vivant ralentit cependant son activité (la fréquence des ondes cérébrales électriques pour être plus précis) au repos et pendant le sommeil. On peut observer cela avec un électroencéphalographe (EEG), appareil qui enregistre les vibrations électriques du cerveau. Généralement, pour l’espèce humaine, ce ralentissement cérébral lors du repos ou du sommeil est bi-hémisphérique. C’est-à-dire que les deux hémisphères du cerveau ralentissent simultanément leur activité. Autrement dit l’hémisphère droit et gauche de notre cerveau se reposent en même temps. Il a été observé de longue date chez certains animaux, notamment les mammifères marins, tels les dauphins, que le repos (ralentissement du rythme cérébral) des deux hémisphères du cerveau n’est chez eux pas simultané mais alternatif : le repos ne concerne qu’un seul hémisphère cérébral. Puis l’autre, et inversement. Ce phénomène se retrouve aussi chez certains oiseaux et poissons.

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On appelle cela le repos ou sommeil uni-hémisphérique.

Cette fonction permet aux dauphins de continuer à nager et de rester conscients même pendant leur sommeil. Et aux oiseaux de rester en éveil pour échapper à un éventuel prédateur.

Bien qu’il était connu que les hémisphères gauche et droit du cerveau chez l’humain sont largement indépendants l’un de l’autre physiquement, il était généralement considéré par la plupart des scientifiques que les deux hémisphères cérébraux se reposent en même temps.

L’institut Bruno Comby (IBC) avait constaté empiriquement et a proposé , depuis une trentaine d’années, comme méthode d’entraînement à un meilleur contrôle du sommeil, de s’entraîner chez l’homme à pratiquer un sommeil de type « sommeil du dauphin » permettant en pratique de rester éveillé et en veille visuelle consciente, exactement comme les dauphins qui continuent à nager en dormant d’un seul œil à la fois (en gardant l’autre ouvert), en masquant un seul œil (chez l’homme) et gardant l’autre ouvert pour dormir « d’un seul œil », puis en alternant les deux côtés. Il est ainsi possible d’apprendre à mieux dormir et à reposer un seul hémisphère cérébral à la fois chez l’homme. Le nerf optique reliant l’œil à l’hémisphère cérébral opposé, l’hémisphère cérébral qui se repose est paradoxalement du même côté que l’œil ouvert. Et l’hémisphère le plus actif est du côté de l’œil fermé. C’est une technique de relaxation tout en restant éveillé d’un œil appelée « le sommeil du dauphin » qui peut s’avérer utile dans certains cas (pour se reposer tout en restant éveillé). Il est possible ainsi de reposer alternativement (au lieu de simultanément) les deux hémisphères cérébraux. Certains soldats, navigateurs solitaires ou veilleurs de nuit utilisent cette technique de veille / sommeil d’un seul œil (et hémisphère cérébral) à la fois, pour veiller plus efficacement plus longtemps.

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Récemment, cette méthode de repos « uni-hémisphérique » que la plupart des scientifiques croyaient réservée à certains animaux, a été confirmée scientifiquement chez les humains par des enregistrements EEG comme expliqué par cette publication récente du Scientific American. 

Qu’est-ce qui peut expliquer ce comportement chez les humains ?

Si le sommeil ordinaire le plus fréquent chez l’homme est bi-hémisphérique, car l’homme n’a aujourd’hui pas besoin de rester en veille active pendant son sommeil. Il n’en va pas de même pour le dauphin et les mammifères marins (phoques, baleines…) qui doivent continuer à nager et remonter périodiquement à la surface pour respirer. Idem pour les oiseaux qui doivent veiller au danger du renard ou d’un éventuel prédateur. Cette fonction est donc, par nécessité, plus développée chez certains animaux sauvages que chez l’homme moderne. Cependant la structure physique du cerveau scindé en deux hémisphères est très similaire chez l’homme et chez ces animaux. Il n’y a donc aucune raison que cette fonction du repos uni-hémisphérique existe chez eux et pas chez l’homme. C’est juste que, conséquence des lois de l’évolution, cette fonction étant plus utile pour eux, a été davantage développée par certains animaux. Mais elle existe aussi chez l’homme et il ne tient qu’à nous d’en faire usage et de la redécouvrir ! Cette fonction était sans doute très utile à nos ancêtres primates vivant dans la nature (pour échapper comme les oiseaux aux prédateurs) et s’est simplement atrophiée chez l’homme moderne faute d’être stimulée et utilisée. Nous pouvons redécouvrir cette fonction cérébrale ancestrale. Question : Quelles sont les conséquences que ce repos d’une partie seulement du cerveau peut avoir ? Cette fonction peu utilisée est toujours présente chez l’homme moderne et peut être stimulée, redécouverte et enseignée notamment pour développer nos facultés mentales, comme entraînement à la relaxation et au contrôle mental, pour améliorer la qualité et le contrôle de notre sommeil. Cela peut-être utile à chacun d’entre nous à differents niveaux : aux étudiants pour développer leur facilité d’apprentissage et pour mieux préparer leurs examens, aux soldats pour dormir moins et mieux (tout en restant en éveil partiel), aux sportifs pour apprendre à mieux se relaxer et avoir un meilleur contrôle de leur cerveau. Et à chacun de nous pour améliorer notre contrôle de nous-mêmes, mieux dormir et être plus efficaces das toutes nos activités. C’est un outil, parmi d’autres, de développement de nos facultés mentales.

Quels apports cette connaissance peut-elle nous octroyer ?

De même qu’un sportif apprendra à faire des exercices de musculation avec tantôt un seul biceps, puis l’autre ou les deux pour optimiser le contrôle physique de ses mouvements, il est utile d’utiliser (et de s’entraîner) à reposer notre cerveau en mode bi-hémisphérique ou uni-hémisphérique, ce qui permet de mieux dormir en toutes circonstances et de faire face, avec un meilleur contrôle, à toutes les situations pouvant se présenter dans la vie courante. C’est bien sûr particulièrement utile pour ceux en recherche de performances physiques ou mentales (sportifs, étudiants, compétiteurs en tous genres, joueurs d’échecs ou de go) et pour les métiers exigeants ou nocturnes nécessitant un bon contrôle veille/sommeil, avec peu de temps pour dormir ou nécessitant de rester en mode veille la nuit (navigateurs solitaires, contrôleurs aériens ou maritimes, chauffeurs ou gardiens de nuit, pilotes d’avion, de véhicules ou de trains).

La technique du « sommeil du dauphin » consistant à être capable de dormir d’un seul œil en reposant un hémisphère cérébral à la fois est ainsi un outil, une technique, pour s’entraîner à mieux se reposer, être plus en forme, plus efficace et améliorer ses performances physiques et mentales.

Mieux se reposer, mieux dormir (en toutes circonstances), mieux manger et mieux vivre, cela s’apprend !

Vous retrouverez ainsi au plus vite une santé optimale et un meilleur sommeil, pour vivre mieux, plus heureux, plus longtemps et en pleine forme !

Bruno Comby est polytechnicien et directeur scientifique de l'Institut Bruno Comby : http://www.comby.org qui œuvre pour la recherche scientifique dans le domaine de la santé préventive et la promotion de la santé publique.

Il est l'auteur de 10 livres sur la santé préventive dont « Mangez mieux vivez mieux », « Renforcez votre immunité » et « Eloge de la sieste » (aux éditions TNR). Une vingtaine d’autres articles de Bruno Comby sur le sommeil sur le site Atlantico : https://atlantico.fr/search?universe=all&contributor=bruno-comby-1504111

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