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Donald Trump recrute David Bossie, un des plus vieux "ennemis" d'Hillary Clinton
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THE DAILY BEAST

David Bossie s’est fait un nom en vouant toute sa carrière à enquêter sur des scandales touchant Hillary Clinton. Et désormais, il va le faire pour le compte de Donald Trump.

Copyright The Daily Beast - Share Harris (traduction par Julie Mangematin)

Nous sommes peut-être en 2016, mais, pour reprendre les termes d’Hillary Clinton, le "vaste complot de la droite" [1] n’est pas mort : il est bien vivant et représente une part croissante de la campagne présidentielle de Donald Trump.

Trump a dévoilé la toute dernière nouveauté jeudi, en recrutant comme directeur de campagne adjoint David Bossie, un enquêteur militant, vétéran de l’opposition conservatrice et adversaire de longue date de Bill et Hillary Clinton.

Dans une interview accordée au Washington Post, qui a révélé jeudi le recrutement de David Bossie, Trump a qualifié ce dernier ’"d’ami de longue date. Solide. Brillant. Amoureux de la politique, qui sait comment gagner."

En tout cas, David Bossie sait parfaitement comment exhumer des casseroles et remuer la boue. Son recrutement indique que Trump a choisi comme livre de chevet pour sa campagne le "manuel anti-Clinton", à la rédaction duquel Bossie a participé dans les années 1990.

David Bossie connait mieux que personne la litanie des scandales Clinton ; il suit le couple à la trace depuis des années, bien avant que Bill Clinton ne devienne président, et a aidé à construire la machine de guerre anti-Clinton à Washington.

Au sein de l’équipe de campagne de Trump, Bossie va à nouveau tremper dans les théories du complot les plus troubles entourant la candidate démocrate, et en particulier celle selon laquelle Hillary Clinton serait impliquée, voire même responsable, de la mort de Vince Foster [2], ce conseiller à la Maison-Blanche dont le corps a été retrouvé en juillet 1993 dans un parc près de Washington avec une blessure par balle qu’il se serait lui-même infligé, selon les autorités.

En juillet dernier, un conseiller de Trump, Roger Stone a avancé (et ce n’était pas la première fois) que Hillary Clinton était impliquée dans la mort de Foster ; il a qualifié la candidate de "criminelle mentalement instable". Trump lui-même avait déjà affirmé que les théories qui voient dans la mort de Foster un assassinat politique sont "très sérieuses"et que les informations sur les causes de sa mort sont "très vaseuses". Hillary Clinton et Vince Foster étaient des amis proches du temps où ils étaient associés dans le cabinet juridique Rose Law à Little Rock, dans l'Arkansas.

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[1] Formule employée par Hillary Clinton pour défendre son mari Bill, alors président des Etats-Unis, qui subissait des attaques répétées autour de plusieurs scandales, parmi lesquels l’affaire Monica Lewinsky, ndlr.

[2] Vince Foster était un conseiller de la Maison-Blanche pendant le premier mandat de Bill Clinton et aussi un associé et ami de Hillary Clinton. Classée comme suicide par plusieurs enquêtes officielles, sa mort reste un sujet d'intérêt en tant que théorie du complot, ndlr.

David Bossie va donc quitter pour l’instant la tête de Citizens United, le groupe militant fondé par Floyd Brown. Bossie a travaillé pour lui comme enquêteur au début de la carrière de Bill Clinton. Floyd Brown a encensé l'enquête de "fin limirer" conduite par Bossie dans son livre de 1992 : “Slick Willie”: Why America Cannot Trust Bill Clinton("Slick Willie : Pourquoi l’Amérique ne peut pas faire confiance à Bill Clinton"). Le livre était paru quelques mois avant l’élection. Floyd Brown, cerveau de la célèbre campagne de communication sur Willie Horton lors de la course présidentielle de 1988, a fait du Clinton-bashing une petite industrie, à la fois en tant que directeur de Citizens United et comme chroniqueur de radio  engagé, dont les chroniques étaient rediffusées par de nombreux médias américains.

Après la prise de fonctions de Bill Clinton, Bossie est devenu l’enquêteur en chef anti-Clinton pour Citizens United. Il a passé les premiers mois de ce mandat à tenter de dénicher des scandales en fouillant dans le parcours de la ministre de la Santé Joycelyn Elders, et du procureur général Webster Hubbell, ami de longue date de Clinton et devenu son collaborateur.

Comme le relate le journaliste James B. Stewart dans son anthologie des scandales de la première ère Clinton, Blood Sport: The President and His Adversaries, quelques semaines après la mort de Vince Foster, Bossie a reçu le coup de fil d’un dénommé Jim Johnson, juge de la Cour suprême d’Arkansas à la retraite. "Le juge", tel qu’on l’appelait, était devenu un bruyant opposant de Clinton et a aiguillé Bossie vers un banquier de l’Arkansas nommé David Hale. Celui-ci faisait l’objet d’une enquête et espérait sauver sa peau en marchandant des dossiers compromettants sur le nouveau président.

Mais les procureurs fédéraux refusaient ce troc. David Hale s’est donc mis en quête d’autres débouchés et a fini par discuter des heures au téléphone avec Bossie, avide de tuyaux sur l’époque où Clinton occupait la scène politique en Arkansas.

Hale a affirmé que Clinton, alors gouverneur, avait fait pression sur lui pour le pousser à accorder un prêt illégal de 130 000 dollars à Sunsan McDougal. Cette amie des Clinton et son époux Jim avaient acquis avec les Clinton une propriété pittoresque en rase campagne, Whitewater, dont ils espéraient faire une destination de vacances.

Les allégations de Hale étaient d’un genre différent des spéculations fantaisistes autour de la mort de Vince Foster. Son témoignage est à l'origine du scandale Whitewater, une histoire byzantine de contrats immobiliers louches et de manigances financières dans laquelle s’est enlisée la Maison-Blanche sous Bill Clinton. Whitewater est devenu le symbole des pêchés des Clinton – réels et imaginaires – et la pierre d’achoppement des théoriciens du complot qui les poursuivent encore à ce jour.

Bossie est devenu une source de référence pour les reporters qui couvraient le scandale Whitewater et pour les agents du Congrès américain qui enquêtaient sur l’affaire. Il a été embauché en 1997 par un puissant comité de la Chambre qui lui a donné carte blanche pour enquêter sur les soupçons de fraudes financières de la campagne Clinton. Mais il a été licencié l’année suivante à cause de son implication dans la fuite d’enregistrements de conversations de Hubbell, qui purgeait alors une peine de prison pour des délits exhumés par le procureur indépendant Kenneth Starr dans l’enquête Whitewater.

Bossie n’est que le dernier fantôme du passé de Clinton à refaire surface dans l’arène politique. Auparavant, plusieurs des procès concernant l’usage de la boite mail privée de Hillary Clinton ont été lancés à l’initiative de Judicial Watch, un groupe conservateur fondé en 1994, en grande mesure pour débusquer des dossiers sur l’administration de Bill Clinton.

Judicial Watch, alors sous la direction du militant républicain controversé Larry Klayman, a saisi la justice sur le dossier Whitewater, ainsi qu’au sujet de la polémique autour du licenciement du personnel chargé des voyages de la Maison-Blanche – un des premiers scandales du mandat de la First Lady - et, bien sûr, au sujet de la mort de Vince Foster.

Aujourd’hui sous une nouvelle direction, Judicial Watch est reconnu par les journalistes et les groupes de vigilance citoyenne pour avoir mis Hillary Clinton face à ses responsabilités, à la fois concernant la sécurité de ses courriers électroniques et de potentiels conflits d’intérêt lorsqu’elle occupait le poste de secrétaire d’Etat.

Mais l’équipe de campagne de Hillary Clinton a la mémoire longue et a réagi en rangeant directement Judicial Watch dans le camp autrefois occupé par David Bossie et sa troupe d'inquisiteurs.

"Judicial Watch représente tout ce qui ne tourne pas rond dans notre système politique",expliquait en juin le porte-parole de Clinton, Nick Merrill, au Daily Beast."La fabrication de preuves de corruption est au centre de leur agenda politique singulier depuis leur lancement… Ils ne s’intéressent qu’aux gros titres, et ont fait de notre système politique une farce ridicule".

Et David Bossie ?

"Il a voué toute sa carrière à tenter de démolir Hillary Clinton" a commenté John Podesta, le directeur de campagne de Clinton, dans un communiqué : "Depuis maintenant des mois, Citizens United fait office de bras armé de la campagne de Trump, et le recrutement de Bossie ne fait qu’officialiser la situation. C’est simplement le dernier signe en date que Trump a placé aux commandes de sa campagne les éléments de la frange la plus extrême de la droite".

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