Diviser pour mieux régner : au G20, la Chine a su se jouer des Européens<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et Xi Jinping lors du sommet du G20.
Emmanuel Macron et Xi Jinping lors du sommet du G20.
©LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

Influence de Xi Jinping

Dans le cadre du G20 en Indonésie, le président chinois Xi Jinping a rencontré des dirigeants européens pour défendre son programme économique tout en tirant profit des divisions entre les pays de la zone euro.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : Dans le cadre du G20 qui s’est tenu cette semaine à Bali, le président chinois Xi Jinping a rencontré des dirigeants européens pour promouvoir son programme économique. Dans quelle mesure la Chine met-elle en place une tactique visant à diviser les Européens ? Quel est le but de Pékin ? De quels moyens de pression dispose Pékin vis-à-vis des pays européens ?

Emmanuel Lincot : Si division des Européens il y a, elle émane d'abord d'eux-mêmes et non de la Chine. Mais il est clair que Xi Jinping a désormais le premier rôle. On attend beaucoup de la médiation chinoise dans le conflit ukrainien. Étant désormais confortablement réélu à la tête du Parti, Xi Jinping peut prendre de la distance vis-à-vis du partenaire russe. Il est par ailleurs urgent pour le président chinois de tout mettre en œuvre pour que ce conflit ne s’éternise pas. Il faut rappeler en effet que l’Union Européenne est le premier partenaire commercial de la Chine et que ce conflit obère sérieusement le déploiement du projet des nouvelles routes de la soie sur lequel repose toute une partie de la légitimité du dirigeant chinois en matière de politique étrangère. Pékin a par ailleurs tout intérêt à essayer de désolidariser les Européens de Washington. Pour les Allemands, par exemple,  il est très clair que le découplage économique qu’appellent de leurs vœux les Américains n’est pas tout à fait à l’ordre du jour. Les Français sont de leur côté échaudés par la trahison des pays de l’Aukus et plus particulièrement de l’Australie qui a dénoncé comme vous le savez le contrat de ventes de nos sous-marins. Ils ne veulent plus se laisser embarquer dans une logique confrontationnelle contre la Chine qui est celle mise en œuvre par les Américains. Les Chinois le savent et agitent ces leviers. 

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A Bali, Pékin a habilement rencontré plusieurs dirigeants européens tout en prenant soin d’éviter la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen, Charles Michel. Peut-on y voir une volonté de déstabiliser Bruxelles ? A-t-on des exemples de cette stratégie ?

Emmanuel Lincot : Oui, il s’agit de privilégier le bilatéral sur le multilatéral. C’est diviser pour mieux régner sachant qu’il existe un passif entre Bruxelles et Pékin depuis que les Européens ont qualifié la Chine de « rival systémique », et qu’ils l’ont de surcroît condamné pour le « génocide » infligé aux Ouighours. La période n’est de toute façon pas favorable au multilatéral. Dans les moments de crise seuls les Etats forts finissent par s’imposer. Bruxelles peut au mieux être associé aujourd’hui par Pékin dans une logique de contrepoids à l’hégémonie américaine. C’est aussi par Bruxelles que Pékin pourra faire passer un certain nombre de messages concernant l’état de la Russie. Bref, pour Pékin, Bruxelles est considéré pour ses opportunités business et en tant que boîte aux lettres mais certainement pas comme puissance.

Emmanuel Macron a salué Xi Jinping, vantant une personnalité « sincère », avant de déclarer aux journalistes qu'il prévoyait de se rendre en Chine au début de l'année prochaine. Comment expliquer ces propos ?

Emmanuel Lincot : C’est la voix de la raison. Nous n’avons pas les moyens de nous aliéner la Chine. Et en cela, Macron est gaullien. La France est par ailleurs isolée diplomatiquement. En Europe, c’est l’Allemagne et la Pologne qui dominent au centre comme à l’est de l’Union. La France cherche un nouveau souffle sur le plan diplomatique. Elle soutient les dissidentes iraniennes, accueille des migrants rejetés par l’Italie… Bref, elle se cherche. Entre humanisme et humanitaire, y a-t-il une troisième voie, plus pragmatique ? Courtiser une dictature comme la Chine en est une. On peut le regretter mais les temps sont tellement incertains que nous ne pouvons que naviguer à vue et nous devons nous adapter aux circonstances. 

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Alors que le couple franco/allemand bat de l’aile, peut-on parler d’unité européenne face à la Chine ? Xi Jinping arrive-t-il à tirer profit de cette situation ?

Emmanuel Lincot : Le chancelier allemand devait initialement rencontrer Xi Jinping aux côtés du président français. Cela ne s’est pas fait et Scholz s’est rendu seul à Pékin. Son voyage a été controversé par une partie de ses concitoyens et industriels. Il aura au moins obtenu le soutien verbal de la Chine au fait de dissuader l’utilisation par la Russie de l’arme nucléaire. Quant à Macron, il aura obtenu la promesse d’une visite d’Etat en Chine au début de l’année prochaine. Que ce soit dans les domaines de l’agroalimentaire ou de l’aéronautique, la Chine reste un marché considérable. Nous ne pouvons nous l’aliéner. Et même s’il existe des tensions entre la France et l’Allemagne, l’essentiel est pour chacun de ces pays un retour de la croissance dans un climat international plus apaisé.

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