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Derrière les 10% de chômeurs, l’énorme casse sociale et économique de la persistance du chômage de longue durée
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Interrogation

Les chiffres du chômage pour le mois de septembre annoncés jeudi 24 octobre sont mauvais après le "bug" technique du mois d'août qui avait faussé les données et suscité la polémique. Le niveau du chômage et sa durée atteignent des records en France, pour un coût que l'on peut estimer au double des indemnisations de départ.

François Fontaine

François Fontaine

François Fontaine est Professeur à l'Université de Lorraine. Ses recherches portent sur l'assurance chômage, les inégalités salariales et les imperfections du marché du travail. Il est chercheur au BETA (Université de Lorraine) et au CREST (Ensae)

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Atlantico : Le ministre de l’Emploi Michel Sapin avait prévenu : les chiffres du chômage en septembre ne s’améliorent pas. En hausse de 1,9 %, le nombre de chômeurs s’élève désormais en France à 3 295 700 (catégorie A). La part de chômeurs de longue durée (depuis un an ou plus) vient quant à elle de dépasser le seuil symbolique des 2 millions. Sur ces 2 millions, quelle proportion de reviendra jamais sur le marché du travail ? Pour quelles raisons ?

François Fontaine : Les chômeurs de longue durée sont définis en France comme des chômeurs ayant plus d’un an de chômage derrière eux. Cette classification n’est pas très utile, puisque même en temps normal environ 40 % des chômeurs le sont depuis plus d’un an. La durée moyenne du chômage elle-même dépasse un an. Il faut donc surtout se concentrer sur les chômeurs de très longue durée : à peu près la moitié l’est depuis plus de deux ans. C’est ainsi que l’on obtient un aperçu de la proportion de la population la plus problématique, qui sortira très difficilement du chômage. Il faut également noter que par définition, un individu qui cesse de chercher activement un emploi, par découragement, n’est plus un chômeur.

En ce qui concerne les raisons, le chômage de longue durée touche toutes les catégories socio-professionnelles. Néanmoins, il touche d'avantage les personnes de plus de cinquante ans, peu qualifiées ou licenciées pour raisons économiques. Généralement les chômeurs de longue durée évoluaient dans des métiers ou des secteurs en régression. La difficulté vient donc du fait que s’ils veulent retrouver un emploi, ils devront changer de domaine d’activité ou de métier. Pour une personne de plus de cinquante ans, c'est quelque chose de très difficile.

Quel coût économique à moyen et long terme, c'est-à-dire bien au-delà de la question de l'indemnisation, le chômage de longue durée implique-t-il ?

Les études visant à établir un coût total manquent en France. Dans ces coûts on distingue : le coût du régime d'assurance chômage ou des régimes d'assistance, ainsi que les coûts sociaux, sanitaires et psychologiques. Contrairement aux premiers, ces trois derniers sont moins connus. Il est impossible d’établir un coût total précis, mais il est probable que celui-ci dépasse de loin le montant de l’allocation.

En outre, le chômage de longue durée induit une perte de capital humain très importante. Cela peut être vu comme une perte économique au vu des investissements consacrés à la formation de ces personnes.

Qu’en est-il du coût social de ce chômage ? Comment l’évalue-t-on ?

Comme je viens de le dire, les évaluations manquent. Il faudrait suivre l’individu depuis sa perte d’emploi, connaître les sommes versées aux titres de l'assurance chômage ou des régimes d'assistance, être capable de mesurer le coût des problèmes de santé induits ou l'impact plus général sur la famille… Cette évaluation nécessiterait de mobiliser une quantité très importante d’informations. Il est en tout cas probable que ce coût social dépasse celui des allocations chômage.

A quelle échéance ce coût va-t-il vraiment sa matérialiser ? Sous quelle forme et avec quelles conséquences concrètes sur les équilibres de la société ?

La France paye déjà les coûts d'un chômage de longue durée très important. Parmi ses chômeurs, notre pays compte entre 30 et 40 % de chômeurs de longue durée depuis les années 2000. Ce coût a été accru par la crise, certes, mais il existait déjà.

Il est très difficile de trouver une mesure qui fonctionne pour cette population. Il aurait fallu agir beaucoup plus rapidement, c'est à dire lorsqu'un chômeur "à risque" entre au chômage. Le chômage de longue durée est la traduction d’un échec de l’accompagnement du demandeur d’emploi.

Il est en tout cas évident, au vu de ces chiffres, que notre marché du travail est déficient et que de ce fait ces personnes vont continuer à être prises en charge pour encore très longtemps.

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