Derrière la perte de valeur massive de Méta, la fin de la toute puissance de la Big Tech ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Mark Zuckerberg, à la tête de Meta, lors d'une conférence.
Mark Zuckerberg, à la tête de Meta, lors d'une conférence.
©Josh Edelson / AFP

Modèle en crise

La capitalisation boursière de Meta s’est récemment effondrée après l’annonce d’un nouveau trimestre de baisse des revenus. La maison mère de Facebook est mise en danger sur son marché historique de la publicité en ligne.

Julien Pillot

Julien Pillot

Julien Pillot est Enseignant-Chercheur en économie (Inseec Grande Ecole) / Chercheur associé CNRS.

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Atlantico : Sur les 12 derniers mois, les actions Méta ont perdu 72 % de leur valeur. Est-ce une tendance globale que l’on observe sur les plateformes numériques ?

Julien Pillot : Meta est une entreprise de la tech, cotée au NASDAQ. Or, cet indice a reculé de plus de 36% en un an, en raison de mouvements de corrections massifs et synchrones de la part des investisseurs : ces derniers ont pris leurs bénéfices en revendant leurs actions et ont mécaniquement fait chuter la valeur des titres des entreprises cotées. La crise russo-ukrainienne fait en effet peser des risques très forts de récession, provoque aussi une inflation mondiale, ce qui se traduit par des incertitudes très fortes pour les marchés financiers qui poussent les investisseurs à être précautionneux. Les investisseurs ont décidé de prendre leur bénéfice sur les entreprises de la tech, car leur valeur a explosé en 15 ans, pour pouvoir réinvestir l’argent vers des actifs moins risqués : des obligations, des bons du trésor, des matières premières, etc.  Ce qui leur permet de lisser le risque… le temps que durera la crise économique. 

Qu’est-ce qui explique la situation particulière de Meta ?

Meta est effectivement dans une situation particulière. Toutes les entreprises de la tech n’ont en effet pas connu la même déconfiture que Meta. Cela va au-delà de la conjoncture macro, puisque là où l’indice NASDAQ a reculé de 36% sur un an, Meta a abandonné 75% de sa valeur sur la même période. Il se passe donc quelque-chose de spécifique chez Meta qui pousse les investisseurs à se détourner davantage de ce groupe.  

D’abord, Meta défraie trop souvent la chronique pour divers problèmes, de confidentialité, de cybersécurité, des scandales managériaux, etc.  

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Ensuite, Meta subit une concurrence inédite sur son cœur de métier : la publicité digitale. TikTok prend des parts de marchés à Meta notamment face à Instagram et en particulier chez les jeunes générations. De plus, cette pression concurrentielle s’inscrit dans un contexte où les budgets publicitaires se réduisent en raison de la conjoncture économique dégradée.  

Par ailleurs, Meta est devenu très gros, et les autorités anti-trust veillent au grain. En particulier sous l’administration Biden qui a nommé Lina Khan à la tête de la Federal Trade Commission, connue pour ses positions très dures vis-à-vis du contrôle des activités des GAFAM. Par conséquent, le groupe n’est plus libre de grossir par acquisitions externes comme il l’a fait auparavant en rachetant Instagram, WhatsApp ou Oculus.  

Mais le point principal qui explique les difficultés de Meta c’est que, hasard de calendrier, il a choisi d’opérer, au moment-même où la conjoncture mondiale et ses résultats se dégradent, rien de moins que la plus grosse transformation stratégique de son histoire : investir massivement dans le Web 3.0, en changeant de nom et en misant sur le métavers. Pour cela Meta a besoin d’énormément de ressources qu’il doit déployer et investir, sans garantie de retour sur investissement à moyen et même long terme. C’est un mouvement stratégique qui est défavorablement perçu par des marchés que nous avons présentés comme particulièrement adverses aux risques en période de récession.  

Pour toutes ces raisons, Meta apparaît donc comme moins attractive pour les investisseurs qui s’en détournent massivement et qui attendent de l’entreprise qu’elle présente de nouveau des garanties quant à sa capacité à générer de la valeur. 

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Doit-on espérer le Métavers ?

Les investisseurs craignent-ils que les entreprises du numériques soient incapables de produire une nouvelle révolution, ce qui pourrait expliquer un désintérêt ?

Je ne le crois pas. Certaines de ces entreprises, comme Microsoft ou Apple, ne sont plus si jeunes que cela, et elles ont déjà démontré à plusieurs reprises leur capacité à révolutionner leur secteur. En cela, elles ont une caution et une légitimité sur les marchés. Donc si aujourd’hui les marchés se détournent un peu de ces valeurs technologiques, ce n’est pas de la défiance intrinsèque, mais pour suivre une logique conjoncturelle et s’adapter à un choc récessif. Une fois la crise derrière nous, il est probable que les investisseurs y reviennent très rapidement, car elles pourraient être les moteurs de croissance du 21e et 22esiècle. Il suffit de regarder les investissements de Microsoft dans le cloud ou le gaming, ou ceux de Google dans l’intelligence artificielle et le quantique, avec des domaines aussi prometteurs que la santé, l’industrie 4.0, la cybersécurité ou la mobilité. Du fait de leurs investissements massifs dans des gisements de croissance potentiellement très fort, mais aussi de leurs trésoreries très conséquentes et de leur capacité à attirer les talents, les GAFAM font partie des entreprises qui sont les plus en capacité de se relever rapidement après la crise économique. Et même si cela chute, ces entreprises demeurent fortement valorisées : Apple a plus de 2200 Mds de dollars, Microsoft a 1600 Mds de dollars, Alphabet a plus de 1000 Mds de dollars, Amazon à 911 Mds de dollars. Seul Meta, avec ses 235 Mds de dollars de valorisation, est en fort recul… pour les raisons susmentionnées. 

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Meta doit-il s’inquiéter pour l’avenir ? Et les autres entreprises ?

Oui et non. Nous l’avons vu : il y a des éléments factuels qui doivent pousser Meta à s’inquiéter. D’autant que Meta, un peu comme Netflix, n’a qu’un seul métier. La pub pour le premier, le streaming pour le second. S’ils perdent du terrain sur ces marchés, ils peuvent décroître jusqu’à disparaitre. Là où les autres plateformes sont diversifiées, Meta est une entreprise aujourd’hui très spécialisée.  Avec le métavers, l’entreprise essaie justement de se projeter dans 10 ou 15 ans pour pallier ce problème. Le métavers ouvre de nombreuses possibilités de diversification des revenus pour Meta, en software – via la monétisation de nombreux services et des prises de commissions sur les transactions, par exemple - comme en hardware – via la vente de matériels immersifs dans le métavers. C’est le pari stratégique et industriel de Meta. Notons en outre que le web 3.0 porte en lui la capacité de déclasser très rapidement les réseaux sociaux 2.0 : si le métavers devait un jour devenir mature, les investissements publicitaires seront fléchés en sa direction et les utilisateurs pourraient suivre plus ou moins rapidement, délaissant progressivement les Instagram et autres TikTok. Le pari est risqué, mais Meta ne peut pas se permettre de ne pas être de la partie. Et même affaibli, il conserve suffisamment de ressources financières,  technologiques et humaines pour se donner une chance d’y parvenir. 

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