Dépression, cholestérol, cancer… Ces traitements que les médecins refusent de se prescrire à eux-mêmes <!-- --> | Atlantico.fr
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Certains traitements sont évités par les médecins eux-mêmes.
Certains traitements sont évités par les médecins eux-mêmes.
©Reuters

Au diable la médecine !

Certains traitements sont évités par les médecins, qui sont pleinement conscients des effets néfastes qu'ils peuvent avoir. Certes, les médicaments soignent, mais parfois à un prix qui revient plus cher que la pathologie qu'ils sont censés traiter. C'est notamment le cas de certains traitements anti-cancer, décrits comme des "bombardements au napalm" par Gérard Dine.

Gérard Dine

Gérard Dine

Gérard Dine est professeur de biotechnologies à l’École Centrale de Paris, président de l'Institut Biotechnologique de Troyes et chef du service d'Hématologie et d'Immunologie de l'Hôpital des Hauts-Clos de Troyes.

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Atlantico : Dans la presse britannique, de plus en plus de médecins ont exprimé leur refus de prendre certains traitements contre les pathologies qu'ils sont supposés soigner (voir ici). Comment expliquer ce rejet des médicaments par ceux qui nous les prescrivent ? Quels sont les plus dangereux ?

Gérard Dine : Il faut bien comprendre que les médecins sont très bien placés pour connaître la dangerosité des médicaments. Et il est très clair qu’aujourd’hui la thérapeutique permet d’apporter des solutions à des choses très graves et très ennuyeuses. Il est clair aussi que plus un médicament est efficace, plus il y a de chances, s’il n’est pas pris d’une manière correcte, d’être dangereux. Et les médecins sont donc bien placés pour connaître la dangerosité des médicaments. Par conséquent beaucoup d'entre eux savent que moins ils prennent de médicaments, moins ils ont de chance d'avoir un souci de santé. C’est un fait absolu. Cependant, il est évident que lorsqu’un médecin a une maladie ou un problème médical direct, la prise du médicament va améliorer cette maladie ou en tout cas tenter de l’améliorer. 

Plus le médicament est efficace, plus il est dangereux, en somme. Les médicaments les moins dangereux sont généralement des produits qui ne sont pas considérés comme très efficaces. Il existe clairement une relation entre la dangerosité et l’efficacité puisque quand vous avez un problème de santé grave, il faut forcément arriver à contrôler ce problème de santé, en libérant un principe actif qui va agir sur l'organisme. Plus ce principe est puissant, plus le danger est grand. Ce qui explique la dangerosité des médicaments contre le cancer.

Ce qui soulève une interrogation : pourquoi continuer de prescrire des médicaments dangereux ? Parce que tout dépend de la situation. Un patient a un problème de santé. Ce problème de santé est mesuré en fonction d'une échelle et si on laisse évoluer ce problème pathologique, le patient va mal se porter. Tout le progrès de la thérapeutique a été dans le compromis à trouver entre l’efficacité du traitement et sa dangerosité. Tout est affaire d'équilibre, et pas d’un problème éthique. Il s’agit vraiment d’une réflexion sur l’équilibre à trouver entre l’intérêt à traiter avec un médicament un geste thérapeutique par rapport à sa dangerosité sur le patient.

On va prendre les traitements les plus agressifs. À partir du moment où vous avez, par exemple, un processus cancéreux, il est évident qu'il faudra utiliser des traitements qui visent à détruire des cellules, à neutraliser du tissu et par conséquent qu'il faudra automatiquement, même dans l'obligation de passer par ce traitement, veiller à gérer les effets secondaires. C'est également le cas des traitements contre le sida. Les premiers traitements anti VIH étaient loin d'être dénués d’effets secondaires. Effets secondaires directs sur la tolérance et effets secondaires sur, par exemple, les cellules du sang. Bien qu'aujourd'hui les traitements aient fantastiquement progressé et se sont largement améliorés en termes d'efficacité et de tolérance, il en existe d'autres potentiellement dangereux, spécifiquement face à une exposition prolongée – comme dans le cas de pathologies chroniques comme l'asthme – mais également dans le cadre de traitements génériques ; face à la douleur et la dépression. Cette dangerosité a beau être moins apparente, moins aiguë, il est clair qu'elle est présente.

Qu'est-ce que cela traduit de la confiance en les médicaments que peuvent avoir nos médecins traitants (et les autres) ?

C’est, à mon sens, une réaction naturelle. Encore une fois ce n’est pas basé sur la démarche éthique, c’est basé sur la démarche de la connaissance par rapport à la relation entre efficacité et dangerosité. Qui irait prendre un traitement contre le cancer sans être touché par la pathologie ? Un médecin qui sait qu’il a un cancer de type x saura qu'il lui faut prendre un traitement y et il le fera, ou non, en acceptant cette dangerosité. Néanmoins, certains médicaments, courants, et utilisés en dehors de ces thérapies seront vraisemblablement évités. Le médecin a connaissance du danger que représente l'utilisation de tous les médicaments fabriqués de manière chimique, qui n'est pas forcément alarmante, mais ne peut pas être dénué d’une certaine toxicité. C'est le cas, notamment, de l’aspirine qui peut poser problème à un certain nombre de personnes.

Si un médecin continue à prescrire ces médicaments malgré tour, c'est parce qu'il a en face de lui quelqu’un qui a un problème de santé. Il est dans l’obligation de faire la prescription. Il est obligé d’apporter une réponse thérapeutique. Ce médecin, placé dans la même situation que son patient, lui il sait qu’il ne va pas surconsommer les médicaments. Il va peut-être essayer de s’en passer mais globalement si véritablement à deux heures du matin vous avez une rage de dent, je peux quand même vous assurer que n’importe quel médecin prendra quand même des antalgiques.

Ce qui est dangereux pour un certain nombre de médicaments de ce type-là, c’est la consommation permanente. Je ne pense pas que ce soit un désamour de la part du corps médicale. C’est, selon moi, une conscience plus précise du risque à court, moyen et long terme.

Les témoignages font état de cancérologues qui ne veulent plus de chimiothérapies, de nutritionnistes qui estiment que le régime ne fonctionne pas ou de psychiatres qui déconseillent plus que fortement les anti-dépresseurs. Quelle est l'efficacité réelle de ces traitements, et à quel prix sur notre organisme ?

Ce qui est très clair c’est qu’au niveau de la thérapeutique anticancéreuse, il y a eu des progrès fabuleux qui ont été accomplis en 30 ans sur la spécificité du traitement par rapport à son efficacité ainsi que sur le fait que les traitements d’aujourd’hui sont à la fois plus efficace et beaucoup moins toxiques qu'auparavant. Ce qui veut donc dire qu’en fonction du type de cancer, il existe aujourd’hui des avancées indéniables accomplies, non seulement par rapport au contrôle et à l'éradication de la maladie, mais également pour diminuer les effets secondaires. Dans la position des cancérologues, l’idée c’est d’essayer d’aller vers des traitements de plus en plus ciblés pour éviter d’être dangereux. Si  on peut faire une image, c’est-à-dire que la chimiothérapie il y a 30 ou 40 ans c’était un traitement de masse, une espèce de bombardement au napalm sur l'organisme de façon globale. Aujourd’hui les chimiothérapies deviennent de plus en plus ciblées, à l'image de missiles de frappe précis, pour rester sur la même image, afin de diminuer les effets collatéraux et augmenter l’efficacité thérapeutique. Bien entendu, il reste toujours un risque. Plus le problème est  grave, plus on risque d’avoir à faire face à une nécessité thérapeutique qui aura des indications de plus en plus limitées et également des effets collatéraux qu’il faudra surveiller de manière impérative.

Concernant les nutritionnistes et les régimes, on rentre plutôt dans le débat scientifique. Au niveau de la nutrition, les choses sont excessivement complexes. Sans rentrer dans les détails cela fait appel à des niveaux d’interférences et d’explications qui peuvent aller du biologique au psychologique. Cela fait partie pour moi du débat scientifique de ces spécialistes en nutrition qui s’opposent sur les types de régimes. Donc par conséquent quand certains déclarent que finalement les régimes ne sont pas efficaces, ils participent au débat. Ce qui est très clair, en revanche, c’est qu’il ne faut pas faire n’importe quoi même quand vous faites un régime. Il faut, davantage que de se lancer dans un régime, modifier durablement son comportement et ses réflexes alimentaires. Et il est évident que quelque soit le régime, s'il est mal suivi, et ce même s’il est potentiellement efficace, peut aussi lui-même être négatif, comme notamment induire un processus de carence.

Vis-à-vis de la mise en garde qui émane des psychiatres, je crois que c’est surtout lié au fait qu’une partie conséquente de la population aujourd’hui vit sous médicaments facilitateurs. C’est-à-dire que désormais les médicaments qui interviennent sur l’humeur – que ce soit sur l’anxiété, sur la stimulation ou sur la dépression –  sont des médicaments qui sont souvent très mal utilisés, tant quantitativement que qualitativement. On sait aujourd’hui que l’utilisation à long terme de ces médicaments n’est pas dénuée d’effets affectifs, comme elle n'est pas dénuée d'une certaine dépendance. En plus d'avoir des impacts biologiques sur l’organisme, réels. C'est, cela étant, un problème de relatif et non pas d’absolu. Les progrès thérapeutiques accomplis ont permis d’apporter des solutions que la psychiatrie n’avait pas il y a 100 ans. Sauf, évidemment, à enfermer les gens et leur mettre des camisoles de force. Il y a eu progrès, mais, encore une fois quand vous touchez au corps humain par un geste thérapeutique voire une intervention chirurgicale, automatiquement il faut toujours peser l’intérêt que vous apportez par rapport au risque. C’est vraiment le problème de la médecine globale. Et je pense que les médecins sont à la fois sensibles à ça pour leurs patients, mais ils sont, comme ils sont en connaissance de cause, très sensibles à ça pour eux-mêmes. 

Si les médecins ne se soignent pas, quelles peuvent être les alternatives ?

C’est assez compliqué. Un médecin qui a une maladie grave en est parfaitement conscient. Et là les médecins redeviennent des individus qui peuvent avoir des comportements très différents les uns des autres parce que justement ils ont l’information. Il n’est pas rare de voir des médecins touchés par une maladie grave, connaissant le risque ou connaissant la non-efficacité de ce qu’on leur propose, décider de refuser les traitements. Certains confrères décident en toute connaissance de cause, dans le cadre d'un cancer dont ils ne pensent pas se sortir, par exemple, de refuser de traiter. Ils ne se soignent pas, ce qui un véritable problème. La proportion des médecins qui ont un comportement plus qu'ambigu par rapport à leur propre maladie est largement significative. Certains auront tendance à rester dans une position d'observation, certains se soigneront, d'autres préféreront rester dans le déni pour ne pas avoir le sentiment de devenir un patient. D'autres encore, en connaissant les traitements, imaginent ce qu'ils vont subir et préfèrent refuser. Il existe plusieurs attitudes vis-à-vis de ces situations, de ces problèmes.

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