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Démondialisation : « les bonnes intentions ne font pas les bons programmes »
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Anti-libéral

Pour marquer sa différence par rapport à ses adversaires à la primaire socialiste, Arnaud Montebourg a développé le concept de la « démondialisation ». Pour Jean-Marc Fedida, avocat et essayiste, en plus d'être un contresens économique, ce discours est «dangereux et liberticide »

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida est avocat au barreau de Paris. Egalement essayiste, il est l'auteur de Impasses de Grenelle : De la perversité écologiste (Editions Ramsay, 2008).

 

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C’est un livret de campagne qui tient davantage du discours que de la thèse, de la harangue que de la théorie, de la péroraison que de la démonstration . Le socle du raisonnement consiste dans l’échantillonnage d’un certain nombre de situations individuelles que l’orateur lyrique rend tragique, le corps du discours vacille dans la démonstration de ce que les solutions actuelles sont inappropriées car le plus souvent éculées, la péroraison consiste à clamer haut et fort que tout remède réside dans le concept bellosien de la démondialisation dont on saisit les contours par l’opposition sur laquelle il se construit de la mondialisation, c'est-à-dire du principe du libre échange des personnes des idées et des biens.

La seule excuse à cet ouvrage salué par 20 lignes d’une « préface » d’Emmanuel Todd est bien de produire une démonstration complémentaire de ce que les bonnes intentions ne suffisent pas à faire les bons programmes et que les slogans sont les filles faciles de la pensée. Nous avions lu avec la fascination requise le livre de Régis Debray et son Eloge des Frontières, nous avions été convaincus par la démonstration du nécessaire respect de la distance et de la séparation pour permettre la création. Les deux ouvrages se ressemblent, ils sont brillamment faux.

Scientifique du bonheur des autres

Leur fausseté tient en premier lieu à leur faculté à autoproclamer leur auteur en scientifique du bonheur des autres. Cette posture est nous le savons une imposture dangereuse. Nul ne peut s’ériger en connaisseur des besoins de l’autre et ceux qui par le passé s’y sont essayés se sont tous trompés lourdement. Je reconnais à Arnaud Montebourg le droit de penser et d’écrire, je lui conteste le droit de prétendre de le faire pour mon compte et pire encore, je regrette que ne partageant pas son avis, je sois l’objet de sa moquerie ou de son injure et, ce, même si, insigne mauvais goût, selon lui, j’ai choisi l’horlogerie ROLEX et l’automobile PORSCHE.

Leur erreur tient en second lieu dans la contestation du principe du libre échange en ce qu’il pille la vieille europe, et mène la « guerre de tous contre tous ». Le principe du libre échange des idées, des biens et des services mérite un meilleur avocat que je puis être. Des générations entières de philosophes ont forgé ce concept pour en faire le moule de nos sociétés démocratiques. La puissance publique se disqualifie de son essence et de sa seule légitimité possible – celle de l’expression de la volonté du suffrage universel dont la valeur ne peut être remise en cause, si elle entend limiter la première des libertés individuelles et collectives, celle de libérer la faculté d’échanger.

20 lignes et 60 pages pour un discours liberticide

Mais Dupont de Nemours, Adam Smith, Condillac, Say, Ricardo, Saint Simon et même Hayek étaient des nains de la pensée face aux puissants Todd et Montebourg qui en respectivement 20 lignes et 60 pages parviennent à démontrer que cette liberté publique représente un grave danger, qu’elle est la source de tous nos tourments et que hors le rétablissement de nos frontières au Rhin, aux Alpes et aux Pyrénées, point de salut. Hors la mise en œuvre d’un « protectionnisme moderne, vert et européen », une « démondialisation- démondiabilisation » il n’est d’autre alternative qu’une mondialisation- mon « diabilisation » pilleuse du sang du peuple et de la terre.

Si l’anathème est sympathique, la fougue toujours séduisante, ne nous y trompons pas, ce discours est évidemment dangereux et liberticide. Combattre la liberté d’aller et venir, la libre circulation des personnes et des biens, la confiance aveugle dans l’interventionnisme de la puissance publique sage régulatrice, n’a rien de moderne. Ce combat éculé n’est porteur d’aucun avenir, fut-il, on en frissonne, teinté de vert et d’Europe, il n’est que la partition rejouée d’un temps révolu où les Etats pouvaient raisonner comme des îlots et où la terre était plate.

La tentation d’une île, pour romantique qu’elle soit, conduit à l’albanisation de l’Europe. La mondialisation libérale n’est que la conséquence de la progression de l’idée de démocratie dans le monde. Elle est une chance, gardons nous de la séduction des formules qui par trop simplifier invitent au retour à des solutions discréditées par les expériences passées.

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