Dégringolade plus accentuée que prévue : mais où va l’économie chinoise ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Des employés dans une usine en Chine.
Des employés dans une usine en Chine.
©STR / AFP

Difficultés économiques

L'activité des usines chinoises a de nouveau chuté en novembre, selon les derniers chiffres officiels.

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën est professeur émérite d'économie à l'Université PSL-Dauphine. Il est spécialiste d’économie internationale et a publié de nombreux ouvrages et articles sur la mondialisation. Il est également l'auteur d'un récit romancé (en trois tomes) autour de l'économiste J.M. Keynes : "Mr Keynes et les extravagants". Site : www.jean-marcsiroen.dauphine.fr

 

Voir la bio »

Atlantico : L’indice des directeurs d’achat (PMI) de la Chine est tombé à 48 en novembre contre 49,2 en octobre. Le PMI manufacturier a également chuté à 46,7, le plus bas en 7 mois. Comment peut-on expliquer cette chute, plus dure qu’anticipée ?

Jean-Marc Siroën : Le rebond du Covid qui était difficilement prévisible et la multiplication des mesures de confinement qui ont été prises dans le cadre de la politique « zéro covid » expliquent largement ce mauvais résultat (un indice inférieur à 50 signifie un repli de l’activité). Une autre raison est le ralentissement de la croissance mondiale qui tire habituellement la croissance chinoise. Ainsi, depuis quelques mois, la croissance du volume des exportations chinoises est à près nulle. Enfin, la Chine n’a pas été épargnée par les pénuries, notamment dans les composants électriques ce qui a rajouté une couche. Elle n’a pas échappé à la hausse du prix des matières premières. Cela dit, compte tenu de toutes ces difficultés on aurait presque pu s’attendre à pire. L’indice PMI est fourni par l’organe statistique chinois (NBS) dont la fiabilité peut être mise en doute.

Vers quelle situation se dirige l’économie chinoise ? Quel impact cela peut-il avoir sur la Chine ?

La Chine ne réalisera évidemment pas son objectif de 5,5 % pour 2022 de croissance malgré la succession des plans de relance. Pour la première fois, elle pourrait même se situer au niveau, voire en dessous, du taux de croissance des pays occidentaux ce qui serait une « gifle » pour les dirigeants chinois. Au-delà de l’année 2022, les perspectives à moyen terme ne sont pas bonnes : ralentissement de l’économie mondiale et du commerce international (la chute actuelle du prix du transport maritime est un bon indicateur…), situation explosive du secteur immobilier et fragilité du système financier.

À Lire Aussi

La Chine est-elle vraiment le moteur de la croissance mondiale ?

À plus long terme, les défis sont nombreux. Le modèle qui a fait le succès de la Chine tend à s’épuiser et au profit d’autres pays asiatiques (Inde, Vietnam, etc.). La transition vers une économie plus adaptée à la demande mondiale et chinoise a certes connu quelques succès (voitures et batteries électriques par exemple) mais ils ne suffisent sans doute pas surtout si les pays industriels durcissent les mesures protectionnistes. L’obstination du gouvernement dans sa politique zéro covid n’est pas la seule erreur de la première décennie Xi Jinping qui a certainement vu trop grand et à contretemps avec l’improbable projet de « route de la soie » et son plan « made in China 2025 » qui n’a pas tenu ses promesses. Ajoutons à cela un vieillissement de la population qui pèsera très vite sur les performances économiques.

Par rebond, quelles pourraient être les conséquences pour l’Europe ? Et pour la France ?

Il y a ambivalence. D’une part le marché chinois — qui a tiré la relance mondiale de 2021 — n’est pas aussi porteur qu’espéré. L’Allemagne est un des pays européens les plus concernés par ce ralentissement qui pèse sur ses exportations. Mais d’autre part, la faiblesse de la demande chinoise pour les matières premières et les biens intermédiaires modère les pénuries en général et la hausse des prix mondiaux en particulier. Ce n’est certainement pas suffisant pour stopper l’inflation mondiale, mais une croissance forte de l’économie chinoise conduirait à une explosion des prix et pas seulement dans l’énergie. D’une certaine manière, le ralentissement de l’économie chinoise, en contribuant à modérer l’inflation, permet à la Banque centrale européenne (sinon de la Fed) de limiter la hausse des taux d’intérêt et donc les risques de crise économique et financière que celle-ci pourrait provoquer.

À Lire Aussi

Les nouvelles routes de la soie chinoise pourraient bien devenir une gigantesque catastrophe financière globale

Des milliers de personnes en Chine sont descendues dans la rue pour demander la fin des mesures strictes contre le Covid. Certains appellent même à la démission du président, ce qui n’est pas habituel dans ce pays. Ces manifestations peuvent-elles amener à des changements dans la politique chinoise ?

Contrairement à une idée courante et malgré le glissement totalitaire, voire « orwellien », de la Chine, le régime n’a jamais réussi à dissimuler complètement les vagues de mécontentement : dans les années 2010 avec les revendications salariales des zones industrielles, plus récemment avec les propriétaires d’appartements payés et inachevés et aujourd’hui avec les restrictions sanitaires drastiques devenues insupportables. Pendant plus de trente ans, le pacte sociopolitique était « vous sortirez de la pauvreté et pourrez même grimper dans l’échelle sociale si vous oubliez vos désirs de liberté et de démocratie ». Il est clair que ce pacte n’existe plus aujourd’hui et tend à être remplacé par quelque chose comme « Je vous redonne l’orgueil d’être Chinois grâce à un système bien supérieur à celui d’un Occident en déclin ». Les mouvements actuels démontrent que l’adhésion de la population à ce nouveau pacte est loin d’être acquis ! Depuis 10 ans, Xi Jinping a pu imposer sa ligne nationaliste en verrouillant le Parti comme il ne l’avait sans doute jamais été. Je ne suis pas certain que la pression des manifestants le conduise à revoir ses algorithmes. Si le régime est tout à fait capable de mener une répression de type Tien An Men (1989), il préférerait sans doute l’éviter, non par humanisme mais parce qu’elle contredirait l’image d’une Chine triomphante qu’il veut donner à son peuple et au monde. Mais je ne suis pas certain que faute d’alternative, il ne soit pas malgré tout conduit à faire usage de la force.

Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement chinois a introduit une série de mesures pour soutenir son économie en ralentissement. La banque centrale chinoise a modifié sa ration de réserve pour les banques, ce qui donne aux établissements de crédit plus de liquidités pour accorder des prêts. Cela a été considéré comme une mesure positive pour aider le secteur immobilier en difficulté. Est-ce suffisant pour relancer l’économie ? De quelles solutions dispose le gouvernement chinois ?

En fait, cela fait déjà un certain temps que ces plans se succèdent sans pourtant éviter le ralentissement actuel. En fait, leur but premier n’est pas la relance, mais le sauvetage des banques et du système financier dont l’effondrement provoquerait une forte récession. De plus, si l’inflation est plus faible en Chine (autour de 3 %) qu’aux Etats-Unis ou en Europe, le prix de biens alimentaires tend à exploser ce qui ne contribuera pas à apaiser le climat social. Certes, l’augmentation du chômage, notamment chez les jeunes, pourrait justifier une relance classique, par l’investissement et la consommation, mais je ne suis pas sûr de son opportunité. Ce n’est pas elle qui résoudra les problèmes de pénurie, calmera le prix des matières premières ou corrigera les effets désastreux du « zéro covid ».

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !