Défi logistique : comment les livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine ont fait basculer le conflit<!-- --> | Atlantico.fr
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Jacques Baud publie « Opération Z » aux éditions Max Milo.
Jacques Baud publie « Opération Z » aux éditions Max Milo.
©SERGEI SUPINSKY / AFP

Bonnes feuilles

Jacques Baud publie « Opération Z » aux éditions Max Milo. Jacques Baud revient sur les causes profondes de la guerre en Ukraine et les raisons qui ont poussé Vladimir Poutine à intervenir le 24 février 2022. Extrait 2/2.

Jacques Baud

Jacques Baud

Jacques Baud, colonel, expert en armes chimiques et nucléaires, formé au contre-terrorisme et à la contre-guérilla, a conçu le Centre international de déminage humanitaire de Genève (GICHD) et son Système de gestion de l'information sur l'action contre les mines (IMSMA). Au service des Nations unies, il a été chef de la doctrine des Opérations de maintien de la paix à New York, et engagé en Afrique. À l'Otan, il a dirigé la lutte contre la prolifération des armes légères. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le renseignement, la guerre asymétrique et le terrorisme.

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Les États-Unis fournissent des armes à l'Ukraine en vertu de la loi prêt-bail de 2022, adoptée — très opportunément — le 19 janvier 2022, qui autorise le gouvernement des États-Unis à prêter ou à louer des articles de défense au gouvernement de l'Ukraine ou aux gouvernements des pays d'Europe de l'Est touchés par l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie, afin d'aider à renforcer les capacités de défense de ces pays et à protéger leurs populations civiles contre une invasion potentielle ou de l'agression en cours par les forces armées du gouvernement de la Fédération de Russie.

Les armes occidentales fournies par les Occidentaux à l'Ukraine sont en grande partie des armes obsolètes ou en voie d'obsolescence. Elles ne sont pas de nature à changer la donne sur le champ de bataille. De plus, les quelques unités envoyées ne remplaceront pas les milliers d'armes équivalentes ukrainiennes déjà détruites. En revanche, elles incitent l'Ukraine à poursuivre le combat et à envoyer des troupes se faire détruire. Rappelons ici que le but de la Russie n'est pas de prendre du territoire, mais de « démilitariser », autrement dit de détruire les capacités militaires ukrainiennes. D'une certaine manière, les Occidentaux facilitent l'atteinte de cet objectif: les Russes n'ont pas besoin d'aller chercher les troupes à détruire, elles viennent à eux.

Quand les armes fournies à l'Ukraine sont plus modernes, elles ne sont pas toujours adaptées à la nature des combats. C'est le cas des obusiers tractés américains M777, acclamés par les médias occidentaux. Tout d'abord, ils n'ont pas été conçus pour ce type de guerre, mais pour des conflits comme l'Afghanistan, où les Américains ont développé le concept de « sniping artillery », qui utilise les pièces d'artillerie isolément pour des tirs précis. Ensuite, conçus pour être manipulés par des militaires américains, ils sont mal adaptés pour des militaires sommairement entravés. Selon le brigadier-général Volodymyr Karpenko, chef de la logistique des forces terrestres ukrainiennes, les M777 sont très fragiles et sujets à de fréquents dérangements. 30% doivent systématiquement être retirées du champ de bataille après avoir été engagée.

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Le même phénomène est observé pour les missiles Javelin, présentés par nos médias et vus par l'Ukraine comme les « Wunderwaffen » chères à leurs maîtres à penser. Les témoignages de militaires ukrainiens font état de pannes fréquentes et de leur incapacité à utiliser correctement des armes trop compliquées, conçues pour des militaires professionnels et des cycles d'instruction très longs. Mal formés, les soldats ukrainiens ont néanmoins droit à des manuels qui ne sont évidemment pas rédigés en ukrainien, ce qui oblige les militaires à les traduire avec Google Translate pour les comprends!

À ceci s'ajoute le fait que ces armes sont fournies « telles quelles », sans pièces de rechange ou personnel capable de les réparer à proximité du champ de batailles.

8.2.2. Des armes au destin incertain

La décision de l'UE de fournir des armes à l'Ukraine dès le début de l'offensive russe suscite l'inquiétude des experts. Elles sont distribuées sans contrôle à la population ukrainienne dans l'ouest du pays, car on s'attend à ce que Kiev soit prise d'assaut. Très rapidement, on constate qu'elles arrivent dans les mains de personnes et d'organisations criminelles et qu'elles commencent déjà à poser un problème de sécurité pour les autorités de Kiev elles-mêmes. Sans compter que les armes dont on vante l'efficacité contre les avions russes pourraient menacer à terme nos avions militaires et civils... On n'a fait aucune analyse réelle de la situation, et il est clair que la Russie n'attaquera pas Kiev. La population le sait et les armes sont très vite revendues.

Le fait est que les armes livrées à l'Ukraine n'arrivent pas aux combattants de première ligne. Plusieurs raisons à cela.

Premièrement, une partie de ces armes qui arrivent en Pologne pour être ensuite expédiées vers l'Ukraine, sont détournées sur le sol européen. Ainsi les missiles antichars FGM-148 Javelin, porteurs des espoirs occidentaux"' contre les forces russes, sont revendus sur le darknet pour 30 000 US$ l'unités par des éléments du gouvernement ukrainien. On y trouve également des missiles antichars NLAW pour 15 000 US$ et des drones-suicides Switchblade 600 pour 7 000 US$.

Deuxièmement, il n'y a pas vraiment de mécanisme pour distribuer ces armes, dont les meilleures sont données aux unités de l'ouest du pays, au détriment des combattants du front.

Troisièmement, les stocks ukrainiens tombent rapidement dans les mains des Russes. Ces derniers ont récupéré des quantités considérables de missiles antichars FGM-148 Javelin qu'ils ont remis aux milices du Donbass, où ils sont désormais en dotations. Des hélicoptères ukrainiens cherchant à évacuer les combattants de Marioupol ont été abattus par des missiles anti-aériens Stinger, fournis par les Américains... Selon l'avocat français Régis de Castelnaus", deux systèmes d'artillerie CAESAR offerts par le gouvernement français à l'Ukraine auraient fait leur chemin jusqu'à l'usine russe Uralvagonzavod. L'état-major des Armées a démenti l'information. Vendus à vil prix aux Russes ou capturés par des forces spéciales russes, les détails de cette opération ne sont ni connus, ni confirmés... Toujours est-il que, vers la mi-juillet 2022, un système de lance-roquettes multiples américain HIMARS aurait également trouvé le chemin de la Russie: il aurait été vendu par des « officiels » ukrainiens. L'information n'est alors pas confirmée, mais quelques jours plus tard, le 17 juillet, Volodymyr Zelensky suspend de leurs fonctions Ivan Bakanov, chef du SBU, et Iryna Venediktova, procureure-générale d'Ukraine et engage des enquêtes contre 651 personnes pour « trahison et collaboration avec l'ennemi ».

II n'est pas certain que ces personnes soient liées au transfert du HIMARS (s'il est avéré), mais l'affaire est la goutte d'eau qui fait déborder le vase en compromettant la confiance des Occidentaux envers le régime ukrainien. C'est le cas des Américains. Alors qu'ils avaient prévu de lui fournir quatre drones MQ-1C Gray Eagle, ils font marche arrière en juin 2022. La raison invoquée? Le risque de fuite de technologie. Ils craignent que des membres de l'establishment ukrainien n'en vende un exemplaire aux Russes. Cela tendrait à confirmer que les Russes aient pu acquérir des matériels occidentaux grâce à des Ukrainiens corrompus.

Le problème est que même les services de renseignements américains ne savent pas où vont les armes livrées à l'Ukraine. Cette situation alarme Juergen Stock, secrétaire général d'Interpol, qui craint que ces armes aillent vers des organisations criminelles. Or, ceci se fait avec la complicité des gouvernements occidentaux qui refusent de mettre en place des garde-fous et des mécanismes de vérification sur la distribution et l'emploi de ces armes. Il est vraisemblable que de tels mécanismes mettraient en évidence le profond degré de corruption de l'appareil ukrainien.

Les armes occidentales ont été fournies en vue d'une guérilla populaire contre l'armée d'occupation russe qui ne semble pas se développer. En revanche, les armes restent. En juillet 2022, le Financial Times sonne l'alarme. Les armes fournies par l'Occident sont expédiées en Pologne, d'où elles sont censées être acheminées vers l'Ukraine dans des voitures privées. Le problème, comme le souligne le Financial Times, est qu'il n'y a aucun moyen de suivre le trajet de ces armes. Personne ne sait où elles arrivent. Comme le montrent des vidéos sur Twitter, certaines armes parviennent dans les mains d'organisations albanaises...

Extrait du livre de Jacques Baud, « Opération Z », publié aux éditions Max Milo

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