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Et voilà comment François Hollande 
est devenu de droite...
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Crime langagier ?

Martine Aubry vient de porter un coup terrible (mortel ?) à son rival. Elle l’a accusé ce jeudi matin sur RTL d’utiliser des "mots de droite" !

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Contrairement à ce que soutiennent MM. Sarkozy, Copé, Guéant…, la primaire socialiste est utile, salutaire, et remplie de jouissances infinies. Elle va en effet permettre, si l’on suit Martine Aubry (et nous allons la suivre), de clarifier enfin la langue française et de lui redonner des vertus bien oubliées depuis Boileau. En reprochant ce jeudi matin à Hollande de parler la langue de la droite, la candidate à la présidence de la République a enfin touché à l’essentiel !

Qu’est-ce-qui est de droite ? Qu’est-ce-qui est de gauche ? Quels sont les mots qui portent en eux le triomphe désiré des banques, de la finance, des riches et des marchés ? Quels sont les mots qui annoncent le printemps des peuples, la victoire des masses souffrantes, et la mise à l’écart définitive de gens de l’acabit de Mme Bettencourt ?

Il fut un temps où la presse – le Nouvel Observateur surtout – sondages et tests à l’appui, se penchait avec sollicitude sur cette grave question. Qu’est-ce qui était de gauche ? Qu’est ce qui était de droite ? Étaient de gauche les vacances à l’île de Ré. Étaient de droite les séjours à La Baule. Était de gauche le goût prononcé pour le vin de Cahors ou, mieux encore - c’est-à-dire plus à gauche - pour ceux des Corbières. Était de droite l’amour du Bordeaux, breuvage chic trônant sur les tables du 16ème arrondissement. Était de gauche la viande rouge et saignante. Était de droite le gigot d’agneau, plat du dimanche affreusement bourgeois. Étaient de gauche les parfums genre patchouli, parés de toutes les odeurs d’un Orient révolutionnaire. Étaient de droite Chanel, Dior, etc…

Était de gauche le sucre roux, non raffiné et naturel. Était de droite le sucre blanc, trop blanc pour être honnête. Une confrontation frontale qui ne souffrait aucune compromission. Seul échappait à cette dramatique alternative le cigare. De droite, bien sûr, car fumé par les banquiers de Wall Street et de la City. De gauche aussi, car provenant de La Havane, capitale de la tant aimée révolution cubaine.

De cette période bénie où tout était si simple, Martine Aubry est la fidèle héritière. En outre, elle a eu l’élégance de ne pas stigmatiser le parfum utilisé par la compagne de Hollande, et de ne pas pointer d’un doigt vengeur les plats préférés de son rival. Elle s’est contentée de parler des mots. Et les mots, c’est connu, peuvent tuer. Il est peut-être déjà trop tard, je le crains, pour M. Hollande. Mais le voyant ainsi traîtreusement attaqué, je me sens un devoir de l’aider. Il lui reste encore quelques jours pour se nourrir d’un vocabulaire correct. Qu’il soit donc attentif à ce qui va suivre.

A gauche, il faut dire « les peuples ». À droite on préfère « les populations ». Pour parler des banlieues, à gauche il convient de dire « les quartiers sensibles » - ou plus à gauche encore - « les quartiers populaires ». À droite on préfèrera « les cités » ou – bien plus à droite encore – « les banlieues immigrées ». À gauche, quand des individus tirent sur la police, comme à Villiers-le-Bel, on parlera de « jeunes révoltés ». À droite on évoquera des « délinquants » et des « voyous ». À gauche on parlera des « patrons », nécessairement exploiteurs. À droite on saluera les « entrepreneurs » courageux.

Voilà. Et la bêtise ? Elle n’est ni de gauche ni de droite. Elle est !

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