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Pour Bercy, la Corse coûte trop cher à la France
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Niches fiscales

Eric Verhaeghe a lu le rapport du ministère des Finances sur les niches fiscales de juin 2011. Il fait part de son indignation envers le traitement réservé à la Corse...

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Quelqu’un a eu la gentillesse de me transmettre le rapport du ministère des Finances sur les niches fiscales, celui, secret, de juin 2011. Et comme j’avais du temps à perdre, je l’ai lu.

La niche fiscale : un déni républicain

Soyons bien clairs, pour moi, la niche fiscale est un déni de l’esprit républicain. Dans mon esprit probablement trop simpliste, l’impôt est la part que chacun prend à l’effort collectif, et l’idée d’en exempter tel ou tel, en tout ou en partie, sous des motifs prétendument économiques comme l’incitation à la croissance, est une absurdité d’Ancien Régime. C’est carré, bête et méchant, mais cela me prédisposait plutôt favorablement à la lecture de ce rapport administratif qui porte quand même sur pas loin de 65 milliards €  perdus sur le budget de l’État (de quoi régler la question de la dette), et pas loin de 40 milliards € perdus sur le budget de la Sécurité Sociale (de quoi la rendre largement bénéficiaire).

Aussi immense fut ma déception en survolant les 124 premières pages de charabia expliquant, à la mode note de synthèse de l’ENA, en quoi il y avait de bonnes niches fiscales, et d’autres beaucoup moins bonnes. Quand je pense qu’ils se sont mis à plusieurs pour rédiger ça... et pas des moindres... Rien d’autre que le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par un inspecteur général des finances honoraire. Ce comité compte une vingtaine de hauts fonctionnaires, dont une sous-directrice du budget et un sous-directeur des douanes.

Si Atlantico m’en donne une prochaine occasion, je produirai des extraits de ce libelle drolatique, un vrai délit en bande organisée, où des esprits brillants nous expliquent que la niche fiscale, c’est quand même mieux que si c’était pire.


Pourquoi tant de haine contre la Corse?

Là où ce rapport est estomaquant, c’est qu’il explique que la niche fiscale, c’est vraiment pas bien quand ça correspond à un enjeu symbolique pour notre construction républicaine.

Je prends l’exemple de la Corse.

Les terres agricoles y sont exonérées de la taxe foncière sur le non-bâti. Coût : 2 millions d’euros annuels. Verdict : utilité 0 selon Bercy.
Les investissements des PME y sont exonérés, comme les établissements en zone franche, de taxe professionnelle et de contribution foncière des entreprises. Coût : non précisé. Verdict : utilité 0. L’investissement en Corse fait l’objet d’un crédit d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés. Coût : 30 millions €. Verdict : utilité 0. On notera qu’une niche similaire existe dans le Nord-Pas-de-Calais, région que j’aime, mais n’a pas été évaluée. En cas de décès, les immeubles situés en Corse (en cas de mutation, de sortie d’indivision, de succession ou de licitation) sont exonérés de droit de timbre et d’enregistrement. Coût : 25 millions €. Verdict : utilité 0.
Les trajets maritimes ou aériens à destination de la Corse sont exonérés de TVA. Coût : 5 millions €. Verdict : utilité 0.
Les supercarburants et essences consommées en Corse sont exonérés de TIPP. Coût : 1 million €. Verdict : utilité 0.

Autrement dit, aucune des niches fiscales dont bénéficie la Corse ne trouve grâce aux yeux de Bercy. Traduction simple : dès qu’elle le pourra, l’aristocratie parisienne fera la peau à l’ensemble des avantages fiscaux en faveur des Corses. Histoire de bien faire sentir que la Corse nous coûte vraiment trop cher.


La ligne rouge est franchie

J’appartiens à la France des 130 départements, puisque je suis né à Liège, qui, par une absurdité de l’histoire, n’est plus une ville française. Je suis régulièrement agacé, comme beaucoup de gens du nord de la Loire, par le numéro de Caliméro auquel se livrent les Corses. De ce point de vue le musée du colonialisme de Corte me paraît une aberration à laquelle il faudrait mettre bon ordre.

Mais je ne puis oublier que c’est grâce à un Corse que la France avait retrouvé ses frontières naturelles, celles qui incluaient ma ville natale dans le projet républicain. Ce souvenir-là vaut bien quelques exonérations fiscales. Que, sous prétexte de remettre en ordre les finances publiques, cet héritage soit remis en cause par une élite coupée des réalités, me paraît consternant.

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