Dans la peau d’un autiste<!-- --> | Atlantico.fr
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©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Appel aux autorités

Le manque de soutien de l'Etat plonge certains parents et certains autistes en plein désarroi.

Olivia Cattan

Olivia Cattan est écrivaine, journaliste, présidente de Paroles de Femmes.
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Je m’appelle Simon, j’ai 12 ans, je vis à Asnières, en banlieue parisienne, je suis  autiste. Hier, mes parents m’ont emmené voir un médecin, le Docteur T dans un cabinet d’un beau quartier où ce drôle de Monsieur faisait de l’épilation aux dames. Apparemment, il savait aussi soigner les autistes. Je l’appelle le Docteur T parce qu’il a dit à mes parents qu’il ne fallait surtout pas donner son nom, que c’était comme un secret qu’on devait absolument garder à cause des gardiens de la santé qui n’étaient pas d’accord avec ce qu’il faisait. Il parlait beaucoup en faisant plein de gestes et de dessins. Il disait à mes parents que l’autisme avait peut-être été transmis par ma mère et ses amalgames dentaires pleins de mercure, ou par le vaccin qui m’avait protégé de la rougeole ou encore à cause de la centrale nucléaire qui pollue à côté de laquelle on aurait pu habiter ou peut-être des pesticides qui sont dans les pommes de terre que je n’avais même pas mangées ou encore à cause d’une petite bête, une tique, qui m’aurait piqué quand on s’était baladé dans la forêt. Pourtant je n’y étais jamais allé.

Il saoulait mes parents de questions comme s’il faisait un véritable interrogatoire. Mais il n’écoutait pas les réponses et ressemblait à un de ces vieux professeurs qui savent tout sur tout, étalant un pseudo savoir que lui seul semblait détenir !

Ensuite, il s’était mis à parler de l’inflammation de mon microbiote, de mes gènes, de mes défenses immunitaires, de mon gout pour les chips, le coca et le chocolat décrivant cela comme des pulsions maladives donnant un quelconque éclairage sur mon autisme.

Cet autisme qu’il décrivait comme une maladie, un fléau à éradiquer, une épidémie, un fourre- tout de tous les malheurs et fléaux  de la planète.

Je tremblais à l’idée d’être tout ça à la fois. Une sorte de monstre microbien réunissant tous les malheurs du monde.

Il fallait, disait-il, me soigner parce qu’il existait des médicaments qui pourraient me guérir, enfin presque, dit-il. Du coup il proposa à mes parents plusieurs traitements, je devais avaler un produit à base de chlore et de souffre pour me purifier, faire une injection dans mes veines d’un produit interdit dont le nom de code était le Gcmaf ; Je devrais avaler trois antibiotiques chaque jour pendant plusieurs mois, enfin peut-être même des années, avait-il ajouté, avec des médicaments contre des parasites et des champignons qui habitaient apparemment mon pauvre petit corps. A moins qu’il choisisse de me donner l’autre traitement, le Naltrexone, qui aidait à soigner l’alcoolisme et la toxicomanie.

Je ne savais pas que mon autisme se guérissait, je ne savais pas que l’autisme était une addiction, une inflammation,  un microbe et tout à la fois. Je ne savais pas non plus que la publicité, « les antibiotiques, c’est pas automatique » ne me concernait pas et que mon autisme pourrait disparaître en avalant toutes sortes de médicaments qui habituellement soignaient les bronchites, les otites, l’herpès ou les mycoses…

Je ne savais pas non plus pourquoi mon père me donnait autant de sachets de doliprane à chaque fois que je m’énervais un peu. Alors qu’il m’en donnait aussi quand j’avais de la fièvre.

Ce que je ne savais pas surtout, c’était qu’en France des médecins avaient le droit de se servir de nous comme des souris de laboratoire pour tester toutes ces substances. Peut-être se prenaient-ils juste pour des magiciens ou des savants fous ? Peut-être qu’ils recherchaient un remède pour la gloire ou gagner beaucoup d’argent ? Il faut dire que mes parents n’arrêtaient pas de faire des chèques soit pour des fondations en Allemagne afin qu’elles analysent mon sang et mes cheveux, soit pour des fondations sur l’autisme qui promettaient de grandes avancées scientifiques qui feraient progresser l’humanité. Ils donnaient aussi des billets de banque à des nutri-détoxicologues qui m’obligeaient à avaler des vitamines et compléments alimentaires en masse, à des thérapeutes qui m’obligeaient à manger des bouillons d’os répugnants me privant des plaisirs d’une bonne tartine de Nutella ou de pâtes au gruyère plein de gluten et de caséine. Ils n’arrêtaient pas aussi d’envoyer des virements bancaires vers la Suisse à une dame rigolote qui n’avait plus le droit d’être médecin dans le réel mais qui semblait encore pouvoir l’être en virtuel !  

Je me disais que mes parents essayaient de tout faire pour que j’aille mieux et que je ne sois plus autiste. Je ne pouvais pas leur en vouloir même si à cause de ces médicaments, j’avais des vertiges, des cernes rouges sous les yeux, des maux de tête, que je vomissais, que je me vidais en diarrhée. J’étais si maigre et si pâle devant la glace. Ma mère m’avait même emmené à l’hôpital regrettant d’avoir écouté ce Monsieur chauve sur les réseaux sociaux qui répétait que mes malaises étaient normaux et qu’il fallait continuer de prendre tous ces médicaments. Mais il semblait oublier que c’était moi qui souffrais, moi qui payais cher le prix de ses conseils et de ses croyances.

En plus, je ne me sentais pas malade, j’étais juste autiste, juste différent.  Alors bien sûr je ne savais pas faire tous ce que les enfants de mon âge savaient faire, je n’étais pas facile avec mes parents, je ne dormais pas beaucoup, je me tapais des fois la tête dans les murs quand ce monde m’exaspérait avec toutes ses violences sonores, visuelles, tactiles qui pénétraient l’intérieur de mon corps. Mais était-ce une raison légitime pour me faire endurer tout ça ?

Je savais qu’il existait en France des associations, des élus pour s’émouvoir et défendre le droit de ces petites souris que l’on gavait de substances diverses afin d’expérimenter des traitements.  

Alors pourquoi personne ne semblait vouloir lever le petit doigt pour défendre l’intégrité et le droit des petits autistes comme moi ?

Peut-être que tous ces gens protégeaient les puissants et les hauts placés par intérêt ? Puisqu’ils continuaient de nous envoyer vers ces savants fous en toute impunité…Peut-être tentaient-ils aussi de cacher sous le tapis de leur communication outrancière qu’ils faisaient régulièrement dans des débats sur l’autisme à la télé, la honte de n’avoir rien fait, rien dénoncé alors qu’ils savaient ?

Alors moi, Simon, autiste de 12 ans, je me dis que quand je serais grand, je demanderai des comptes à tous ceux qui nous gouvernent, je deviendrais peut-être avocat pour lutter contre ces maltraitances que l’on me fait dans mon pays. A moins que je ne devienne médecin pour contrer tous ceux qui se pensent au-dessus des lois, méprisant les droits des enfants, des handicapés découlant des accords de Nuremberg ainsi que les recommandations des Agences de Santé. Je deviendrais peut-être gendarme pour éviter que des parents perdus se fassent abuser, profitant de chacune de leurs larmes versées. Je deviendrais peut-être juge pour condamner ces agissements indignes. Finalement, non ! Je serais Président de la République. Un Président qui n’aura pas peur de se battre contre l’inaction complice de ceux à qui il a fait confiance pour s’occuper de nous. Un Président qui saura protéger ses citoyens les plus fragiles. Un Président qui parviendra à mettre en marche une véritable société de progrès où aucune personne en situation de handicap ne sera oubliée. Un Président qui tapera du poing sur la table des connivences en disant « plus jamais ça ! ».

Olivia Cattan est Présidente de SOS autisme France

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