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La crise actuelle est-elle pire que celle de 1929 ? Quatre ans après son déclenchement, les leçons de mars 1933 pour avril 2012
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Flashback

Mais où en était donc la crise de 1929 trois ans et demi après le krach ? Retour sur une crise passée qui pourrait bien nous éclairer sur le futur.

Dominique Barjot

Dominique Barjot

Dominique Barjot est Professeur d'histoire économique contemporaine et Directeur de l'École doctorale d'Histoire moderne et contemporaine de l'Université Paris-Sorbonne (Paris IV).

Ses travaux portent sur l'histoire des entreprises, l'américanisation économique et technologique et, de façon plus large, sur l'histoire de l'industrialisation du travail.

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Les économies européennes se trouvent plongées dans la plus profonde dépression qu’elles aient connu, en temps de paix, depuis 1929. Il est tentant de s’interroger sur la gravité comparée des deux dates, trois ans et demi plus tard.

1932 a vu aux Etats-Unis, se créer la Reconstruction Finance Corporation, qui accorde des crédits publics à un certain nombre de banques. Mais elle fait l’objet d’accusation de favoritisme. Sous la pression du Congrès, elle rend publique en août, la liste des banques bénéficiaires, qui aussitôt, font l’objet de retraits massifs qui annulent largement l’effet favorable de son appui. Les Etats-unis en crise ont assisté le 29 mai, la même année, à la marche des vétérans sur Washington pour obtenir le paiement de leurs boni. Le 8 juillet, l’indice Dow Jones a atteint son minimum historique et le 8 novembre, Franklin D. Roosevelt est élu Président du pays. A l’étranger, la crise a atteint son maximum d’ampleur au Japon, en juillet 1932, puis en Allemagne en janvier 1933, ouvrant la voie le même mois à l’élection d’Hitler comme Chancelier. Tandis que la troisième banque française, la banque nationale du crédit, a déposé son bilan dès février 1932, et en dépit des avances de l’Etat, en juillet 1932 encore se tient la Conférence d’Ottawa : en créant notamment la zone sterling, elle consacre l’échec du gold exchange standard sur la base duquel l’on a pensé reconstruire l’économie mondiale au lendemain de la « Grande Guerre ».

Catastrophes en séries

L’année 1933 ne se présente donc pas sous les meilleurs auspices. Elle voit une série d’évènements politiques inquiétants, qui ne se résument pas à la victoire des nazis en Allemagne : mutinerie aux Pays-Bas en février, suspension du Parlement autrichien par le chancelier Dollfuss en mars, départ du Japon de la Société des Nations le même mois, etc. Les nouvelles ne sont pas meilleures sur le plan économique : en mars 1933, le chômage atteint son maximum historique (25 % de la population active). Dans l’urgence, Roosevelt décide la fermeture des banques du 5 au 13 mars, tandis que, le 9, l’Emergency Relief Conservation Act ouvre la voie à la recapitalisation des banques. Le 5 Avril, toute détention d’or est désormais prohibée aux Etats-Unis, ouvrant la voie, le 19, à la sortie de l’étalon-or. En même temps, il tente d’endiguer le chômage, à travers la création du Civilian Conservation Corps, programme d’emploi de chômeurs, dans le cadre du New Deal. Ces mesures d’urgence ouvrent la voie à une intervention étatique sans précédent, sauf durant la Première Guerre mondiale : Agricultural Adjustement Act, le 12 mai, création de la Tennessee Valley Authority, grand programme d’aménagements hydraulique et hydroélectrique le 18, National Industrial Recovery Act, le 16 juin, qui porte en germe la constitution d’une Civil Works Administration destinée à la lutte contre le chômage.

A cette époque, nul n’est encore fixé, comme aujourd’hui, sur les causes de la crise, ni non plus sur les solutions à y apporter. A coup sûr, la crise a des causes internes que l’on identifie bien au Royaume-Uni, en proie à un chômage structurel élevé depuis la réévaluation de la livre sterling en 1925, en France, longtemps affectée par l’inflation, puis, à partir de 1931, par la dépréciation de la livre sterling, en Allemagne, en raison de la surexposition financière des banques et de l’endettement extérieur massif et, surtout, aux Etats-Unis, où le surinvestissement boursier et immobilier vient se surimposer à l’endettement excessif des ménages, à l’archaïsme du système bancaire et à une surproduction agricole structurelle.

Cette crise découle aussi de causes externes, qui tiennent notamment à la montée du protectionnisme et aux effets déflationnistes de l’étalon-or : les Etats-Unis, jusqu’en 1929 au moins, et la France, de 1928 à 1932, thésaurisent une grande partie de l’or mondial. D’une manière plus large, la crise résulte de l’absence d’une solidarité internationale mise à l’épreuve par l’héritage de la Première Guerre mondiale (réparations dues par l’Allemagne à la France et dettes  françaises envers les Etats-Unis), puis par l’éclatement du monde en zones monétaires autour de la question  du maintien de la parité-or (zone sterling, puis zone dollar contre bloc-or, emmené par la France) et de celle du protectionnisme (voie de l’autarcie choisie par l’URSS, puis l’Allemagne et l’Italie, enfin le Japon).

Le retour à une nécessaire solidarité internationale n’est pas pour demain. Trop affaiblie par des politiques économiques inadaptées (déflation budgétaire, en 1934 et 1935, puis, avec le Front populaire, relance massive de la demande et freinage brutal de l’offre), la France n’obtiendra pas, en septembre 1936, la conférence internationale qu’elle réclame en contrepartie de la dévaluation du franc. Comme aujourd’hui, une politique conjoncturelle, concertée et d’inspiration keynésienne, apparaît difficile à mettre en œuvre à l’échelle mondiale de relance budgétaire et monétaire. Elle ne se réalisera qu’avec le Plan Marshall. Entre-temps, une nouvelle guerre mondiale dévastatrice sera passée par là, qu’une stratégie de coopération internationale aurait pu éviter, mais à condition qu’elle ait été mise en route dès le lendemain du Premier Conflit mondial. Aujourd’hui, le défi à relever pour sortir de la crise réside dans un compromis entre l’Alena, l’Union européenne et les BRICS.

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