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Croissance atone en France après le trimestre de toutes les difficultés : voilà pourquoi ça pourrait malheureusement durer
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Douche froide

Alors que la croissance française avait connu une hausse de 0,6% au cours du premier trimestre de cette année, celle-ci est nulle pour le second trimestre selon l'Insee. En cause : le blocage des raffineries dans le cadre des manifestations contre la loi Travail, le tassement de l'investissement, mais surtout l'essoufflement de la consommation.

Christopher Dembik

Christopher Dembik

Avec une double formation française et polonaise, Christopher Dembik est diplômé de Sciences-Po Paris et de l’Institut d’Economie de l’Académie des Sciences polonaise. Il a vécu cinq ans à l’étranger, en Pologne et en Israël, où il a travaillé pour la Mission Economique de l’Ambassade de France et pour une start-up financière. Il est responsable de la recherche économique pour le Groupe Saxo Bank. 

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Atlantico : Selon une annonce faite ce vendredi par l'Insee, la croissance française a été nulle au 2ème trimestre, en dépit des prévisions de hausse faites par le même institut (+0,3%). Qu'est-ce qui explique cette stagnation de la croissance française ? Où réside l'erreur d'analyse faite par l'Insee dans ses prévisions ? 

Christopher Dembik : Il faut déjà rappeler, en préambule, que faire des prévisions économiques reste un exercice extrêmement difficile. On prête souvent attention aux prévisions qui sont communiquées mais, dans les faits, elles s’avèrent rarement justes puisqu’il y a toujours un ou plusieurs facteurs qui ont été mal pondérés. Dans le cas présent, il était par exemple impossible de prévoir l’impact du blocage des raffineries sur l’activité économique. En outre, bien qu’un tassement de l’investissement fût anticipé, il s’est avéré que la tendance est plus négative que prévu. Enfin, ce qui me paraît être le point le plus crucial, la consommation, qui est traditionnellement la soupape de sécurité de l’économie française, montre des signes inquiétants d’essoufflement. Il faudra attendre le troisième trimestre et surveiller les prochaines données concernant les dépenses de consommation de biens durables, qui permettent d’anticiper l’évolution de la croissance, afin de savoir si ce mouvement est durable, ce dont je doute à titre personnel.

D'après Eurostat, la croissance de la zone euro au 2ème trimestre de cette année a été divisée par deux, pour atteindre 0,3%. La stagnation de la croissance française présente-t-elle des origines structurelles ou bien est-elle la résultante de la situation dans la zone euro au cours de cette période ? Tous les pays européens sont-ils impactés de la même manière par cette stagnation de la croissance ? 

On constate un essoufflement certain de la dynamique de croissance en zone euro depuis le début de l’année. Tous les indicateurs avancés confirment que ce mouvement devrait se poursuivre au moins jusqu’à la fin de l’année. Dans l’ensemble, les faibles performances enregistrées au premier trimestre ne constituent pas un trou d’air mais bien une tendance de fond qui risque de s’accentuer. La confiance des consommateurs au niveau de l’eurozone commence à faiblir tout comme la confiance des industriels, ce qui veut dire moins d’investissements, donc moins de création de richesses à long terme.

Il sera aisé de blâmer le Brexit pour la faible croissance mais, dans les faits, le résultat du référendum britannique ne va faire qu’accélérer un processus qui était déjà enclenché depuis plusieurs mois. Bien qu’il faille être prudent avec les prévisions, Bloomberg considère que le Brexit ne devrait faire chuter le PIB de la zone euro que de 0,1 point de base cette année. L’effet immédiat est donc marginal, ce qui me paraît correspondre à la réalité.

On notera toutefois que l’Allemagne est un cas un peu à part au sein de la zone euro, au moins pour le moment. Malgré la hausse du salaire minimum, la dynamique positive n’a pas été enrayée. En revanche, on peut être plus dubitatif sur l’évolution à moyen terme de la croissance du pays qui pourrait être pénalisée par la crise des migrants. L’Allemagne a fait le choix d’accueillir massivement des migrants pour lutter contre le déclin démographique, mais elle n’a pas tenu compte d’un élément crucial, à savoir l’employabilité des migrants. Dans bien des cas, ceux-ci vont difficilement réussir à s’intégrer sur le marché du travail domestique et pourraient entraîner un surcoût au niveau des dépenses sociales.

Enfin, notons le différentiel de croissance qui se creuse entre l’Europe occidentale et les pays d’Europe centrale et orientale où l’activité demeure solide. Malgré un faux pas au premier trimestre, la croissance polonaise devrait atteindre 3,2% cette année, ce qui devrait faire des envieux. La dynamique est très clairement du côté de l’Est de l’Europe, ce que les entreprises françaises ont déjà bien compris en cherchant à s’implanter davantage sur ce marché.

Au regard du contexte actuel (Brexit, attentats, etc.), la stagnation de la croissance française est-elle une tendance qui pourrait se confirmer, voire s'aggraver ? Quelles solutions pourraient être mises en place pour éviter qu'une telle situation ne perdure ? 

La croissance économique française va rester faible mais le pari du gouvernement d’atteindre une hausse du PIB de 1,5% cette année est tout à fait jouable. En revanche, tout le monde a conscience qu’une croissance au-dessus de 2%, voire de 2,5% à court et à moyen termes, reste compliquée. Pour espérer renouer avec une telle période dorée, il faudrait mettre en place des réformes structurelles qui permettent d’accroître les gains de productivité. En France, on se focalise beaucoup sur la compétitivité mais le vrai problème de l’économie française, c’est la productivité. Comme dans la plupart des pays occidentaux, avec quelques exceptions près comme l’Espagne récemment, les gains de productivité sont en baisse depuis les années 1990. C’est un mouvement structurel de fond qui limite la croissance du PIB potentiel.

Pour accroître les gains de productivité, il faudrait rattraper notre retard en termes de robotisation et mieux former la population active aux nouvelles technologies. Toutes les enquêtes Pisa de l’OCDE concluent que la France est le mauvais élève en la matière. Quand on parle de nouvelles technologies, il ne s’agit pas de seulement maîtriser l’outil informatique, mais également toutes les innovations récentes comme le codage ou encore le Big Data. En parallèle, il faudra certainement reconnaître qu’une partie de la population, actuellement au chômage, ne retrouvera pas d’emploi stable et suffisamment bien rémunéré en dépit de toutes les formations qui peuvent être proposées. C’est pourquoi un Etat protecteur reste nécessaire en France alors qu’on envisage de couper dans les dépenses sociales. Le grand défi des prochaines années pour les responsables politiques, c’est l’éducation et la formation professionnelle continue.

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