Croatie / France : avant les Bleus vivaient dans l'espoir, désormais ils vivent dans la crainte <!-- --> | Atlantico.fr
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France - Croatie football ligue des nations Kylian Mbappé
France - Croatie football ligue des nations Kylian Mbappé
©FRANCK FIFE / AFP

Ligue des Nations

Après avoir été sérieusement bousculée, l'équipe de France s'est encore une fois imposée face à la Croatie. Séduisante avant la pause puis malmenée jusqu'à la fin de la rencontre, elle reste à la hauteur du Portugal (vainqueur de la Suède 3/0) en tête du Groupe 3 de cette Ligue des Nations.

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez est entraîneur de tennis et préparateur physique. Il a coaché des sportifs de haut niveau en tennis. 
 
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Il y avait du bon, hier soir, au moment du coup d'envoi au Stade Maksimir. D'abord la joie de contempler des tribunes plus garnies qu'à l'ordinaire (7000 personnes), et peu importe si elles retentissaient des chants des supporters adverses ou si elles abritaient des tas de personnes que nous ne connaissions pas... Ensuite le plaisir un tantinet pervers de retrouver nos victimes préférées, les Croates. Des gens charmants qui ne nous rappellent que de bons souvenirs et avec lesquels nous avons instauré, au fil des ans, une drôle de tradition : ils jouent invariablement aussi bien que nous mais nous les battons toujours, ou presque (6 victoires et 2 nuls pour 8 matchs disputés).

Entre des Bleus solides en défense mais toujours à la recherche d'une étincelle de vie en attaque et des adversaires forcément désireux d'inverser le sens de l'histoire, la soirée promettait.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle ne fût de tout repos. Car après avoir ouvert le score très tôt par Griezmann (8e) et globalement maitrisé la première période, les Bleus ont ensuite subi la loi de Croates revanchards tout au long d'une seconde mi-temps parfois pénible à vivre. Seulement, il doit être écrit quelque part que cette équipe de France n'a pas sa pareille pour refroidir ses souffre-douleurs favoris quand ceux-ci sont au plus fort de leur domination. Et c'est avec sa cruauté habituelle qu'elle a encore su s'imposer quand ses adversaires croyaient avoir fait le plus dur (égalisation sur un joli jeu à trois par Blasic 64e). Comment ? Sur une seule... oui, sur une seule petite occasion... C'est-à-dire un centre effectué en pleine extension par Digne et repris par Mbappe (79e). Le refrain est donc toujours le même, contre le cours du jeu (mais n'est-ce pas le sien ?), elle trouve toujours un chemin pour forcer la décision. Nous aurons tout de même un minimum (pas davantage) de compassion pour des joueurs et des supporters Croates qui voient se répéter inlassablement un scénario empreint d'un certain sadisme. Après un match pareil, ceux d'entre eux qui avaient l'habitude de boire peu et entre amis seront tentés de boire seuls et beaucoup.

Côté français, que retenir ? Certainement le superbe but marqué par un Griezmann repeint à neuf, ou plutôt en neuf et demi pour l'occasion. Croyez-le bien, pour donner un coup de pied comme ça, il ne faut pas y aller de main morte. Même si son match est loin d'être parfait, même s'il fait encore trop de mauvais choix, ses statistiques gonflent encore. Ses 33 buts et ses 22 passes décisives commencent à en imposer. À retenir également les deux visages d'Adrien Rabiot (omniprésent en première période et nettement moins en vue par la suite) et la prestation agaçante d'Mbappe malgré son but salvateur. Après avoir manqué un but tout fait à la 16e minute, et à force de montrer un individualisme autant désinvolte qu'irritant, celui qui a été une coqueluche devrait se méfier... il pourrait bien finir par être pris en grippe. Comme bien souvent, le cador de la soirée aura été le capitaine Lloris. En s'interposant du pied face à Pasalic (30e), en mettant en échec Kovacic (87e) et Kramaric (90e), le gardien des Bleus a une nouvelle fois tenu la barre et assuré l'essentiel. À noter également la bonne rentrée de Pogba (sa belle ouverture est à l'origine du dernier but Français) ou encore les promesses d'un Mendy de plus en plus à l'aise dans son rôle.

Mais parfois gagner ne suffit pas et la France reste devancée par le Portugal à la différence de buts. Autant dire que le match qui opposera les deux équipes le 14 novembre prochain aura tout l'air d'une finale.

En conclusion, on peut dire que l'équipe de France a encore signé hier soir une victoire qui lui ressemble. Que ses adversaires jouent bien ou mal, qu'elle change de système ou pas (un 4/4/2 en losange hier soir), que ses stars répondent présentes ou non, le résultat est toujours le même. Grâce à la richesse de son effectif, la patte de son entraîneur et à son état d'esprit : rien ne lui est donné mais elle gagne quoiqu'il arrive !

Et ce n'est pas un mince exploit. Car il faut aussi se rendre à l'évidence : que ce soit par les vice-champions du Monde Croates ou par d'autres, l'équipe de France est désormais attendue à chaque tournant ! Autrement dit, parce qu'elle est Championne du Monde en titre, elle est devenue l'équipe à battre. Tout le monde veut sa peau ! C'est déjà beaucoup certes, mais ce n'est pas tout... car, parfois, le danger peut également venir de l'intérieur. Je m'explique. Tant que les Bleus n'avaient pas atteint leur Graal, on peut dire ils étaient portés par le doux rêve de la victoire et par les espoirs qui l'accompagnent. En attendant un peu le miracle, confessons-le, car il ne faut pas oublier que pendant longtemps, l'impossible a été français... Cela leur permettait de se rendre au coup d'envoi le cœur léger, en outsiders, en convoitant le succès des autres puisqu'ils n'avaient rien à perdre. Mais aujourd'hui qu'ils sont au sommet, la donne est changée. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'ils ne pourront faire mieux. En conséquence, l'équipe de France rentre maintenant sur le terrain auréolée de gloire certes, mais également alourdie par le poids de son prestige, par l'énorme attente qu'elle suscite et par le devoir d'excellence qui va avec. Le genre de chose qui, les mauvais soirs, rend les valises un peu plus difficiles à porter car l'ivresse des sommets a ceci de désavantageux qu'elle peut aussi donner le vertige. Et la voici devenue malgré elle comme ces aristocrates qui tremblent de voir s'effondrer leur Empire. Moralité : comme tous les grands vainqueurs, elle a changé de dimension. Avant, elle vivait dans l'espoir, maintenant, elle vit dans la crainte. Celle de la perte d'un trésor qui suscite toutes les convoitises et de son statut. Bien sûr que la victoire et le succès apportent un accomplissement à nul autre pareil, mais le bonheur est une petite chose fragile car il sait qu'il ne dure pas. Et notre équipe nationale, en plus d'affronter des adversaires surmotivés, de toucher du doigt ce paradoxe : le bonheur est indissociable de la peur de sa perte. 

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