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La fin d'un monde est proche
et le monde l'ignore encore
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Armaggedon

Englué dans diverses crises, le monde tel que nous l'avons pensé au XXe siècle se meurt. Assistons-nous aujourd'hui à la fin d'un système ? Et de quoi sera fait demain ?

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Le soulagement avec lequel, tous les ans, puis tous les mois, puis presque toutes les semaines, l’on apprend que le système est sauvé, prouve on ne peut mieux qu’il touche à sa fin. Il ne s’agit pas seulement de l’euro ou de la dette. Plusieurs ombres, venues du fond de notre histoire, planent aujourd’hui sur la France.

L’ombre de la banqueroute, figure familière de la monarchie déclinante. L’État, boulimique, impuissant, ne doit sa survie qu’à d’éphémères combinaisons financières. Il n’a plus les moyens d’assurer la Providence. Alors il est devenu Fatalité, courant d’interdictions en réglementations après l’ombre de son autorité perdue.

L’ombre des grandes Jacqueries, à l’heure où les chômeurs se lassent de mendier un emploi ; où la foule des précaires erre d’un expédient à l’autre ; où les classes moyennes peinent à se loger et s’échinent dans les transports ; où la petite bourgeoisie rechigne devant un impôt écrasant et s’interdit de rêver à un sort meilleur.

L’ombre des guerres de religion, quand une foi nouvelle, invincible, s’empare des âmes et renverse les croyances établies.

L’ombre des Rouges, aux rangs grossis par les travailleurs déclassés, les étudiants désœuvrés, les générations sacrifiées.

L’ombre du « parti de l’étranger », représenté par une élite mondialisée, anglophone, exilée à Londres ou à Hong Kong, qui ne revient que pour épancher son mépris du pays.

L’ombre des Fascistes, assoiffés d’en découdre avec un gouvernement amolli, des parlementaires cumulards, une presse aux ordres.

L’ombre des barricades. Le peuple des villes a été chassé à leurs périphéries, mais il garde sa fougue, sa cruauté, son goût du sang et son rêve de justice. La Commune est devenue Cité.

L’ombre des hordes barbares, l’Extrême-Orient s’invitant soudain à nos frontières, et menaçant de tout emporter sur son passage.

L’ombre des piques, aiguisées par les bloggeurs, et destinées à une poignée de profiteurs, de flagorneurs, de discoureurs que l’on envie et que l’on hait.

Ces ombres arrivent dispersées. Elles ne sont qu’une superposition désordonnée de souvenirs, de frustrations, d’aspirations. Elles pourraient soudain s’amalgamer en un formidable nuage noir. Un orage.

Croyez-vous la France endormie derrière ses caddies, abrutie de télé, droguée aux allocations, amadouée par les 35 heures, assagie par la langue de bois ? La France ne dort que d’un œil. Quatre décennies seulement nous séparent de son dernier réveil. C’est un rythme dont notre histoire est familière. Écoutez bruire les « indignés », les « révoltés », les « émeutiers ». Ils sont prêts. Ils ont mille bonnes raisons. Il ne leur manque qu’une bonne idée.  

L’ancien monde, exsangue et ricanant, se languit, se traîne et survit sans gaieté. « Tu vas guérir », lui disent les charlatans, et il les croit. « Encore un peu de morphine », implore-t-il – encore un peu de dette, encore un peu de débats médiatiques, encore un peu de sommets internationaux. A son chevet, toute l’élite se presse, jurant, la main sur le cœur, de servir une République qui ne profite plus qu’à elle-même.

Puis-je souhaiter la fin du système, moi, son enfant gâté ? Égoïstement, non. Politiquement, oui. Moralement, peut-être. De toute façon, la question n’est pas là. Les temps sont lourds.

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