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Qui veut la peau de l'Euro ?
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Crime et trahison

Laurence Parisot a dénoncé une "orchestration" outre-Atlantique des difficultés de la zone Euro. Investisseurs sans scrupule, vils spéculateurs, agences de notation, eurosceptiques... Mais pourquoi cet acharnement contre la monnaie unique ? Première partie de notre série en deux volets consacrée aux responsables de la crise de l’Euro.

Pascal Ordonneau

Pascal Ordonneau

Pascal Ordonneau est l'ancien patron du marketing chez Citibank, ancien Directeur général des groupes Crédit Lyonnais et HSBC.

Il a notamment publié La désillusion, abécédaire décalé et critique de la banque et de la finance, paru aux éditions Jacques Flament en 2011.  Il publie également "Au pays de l'eau et des dieux"

Il tient également un blog évoquant les questions économiques et financières.

 

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L’Euro n’est pas encore mort. Depuis plusieurs mois, on a pourtant pu assister à une série d’attaques en règles, coordonnées, d'une pluie de coups donnés avec l’intention de tuer.

Le ridicule s’y était mis aussi. Les Islandais, à moitié ruinés et sombrant dans les eaux froides du nord de l’Atlantique, déclaraient qu’ils retiraient leur candidature à l’Euro. Les Tchèques racontaient à qui voulait l’entendre que le pire n’était pas passé loin : ils avaient failli adhérer à la Zone Euro. Les Finlandais faisaient comprendre à la finance mondiale, qu’ils étaient dans l’Euro, mais que si les Russes avaient proposé un rouble qui se tienne… Ainsi, en un an, tous ceux qui voulaient en être se sont mis à le fuir, et tous ceux qui viennent d’arriver se demandent s’ils peuvent rembobiner la pellicule.

Chronologie et moyens de l'attentat anti-Euro

Quand cela a-t-il commencé ? En 2008, pourtant, de beaux esprits avaient expliqué que l’Euro avait été un frein à la catastrophe. Jean-Claude Trichet avait chargé comme un hussard, pulvérisant quelques règles internes de la BCE (banque centrale européenne) pour, tout en sauvant l’Europe des banques, éviter  la catastrophe financière mondiale en provenance des États-Unis.

Pour sortir de la crise et sauver un peu le soldat Obama, les États européens lancèrent plans de relance sur plans de relance. Imitant en cela le Président de la Réserve fédérale américaine, le Bon Ben Bernanke (surnommé BBB), et les 1500 milliards des deux QE (quantitative easing). Confiants dans la solidité de l’Euro et sa désirabilité, les Européens se disaient que les marchés reconnaissants financeraient. Trop optimistes ? Non, simplement réalistes ! Les réserves de change de la Chine ne montraient-elles pas des arbitrages en défaveur du Dollar. L’Euro avait bien progressé. Trop ? Les Européens ont-ils seulement rêvé ?

Et si les Européens n’avaient pas rêvé mais avaient été dupés ? Dans le domaine des moyens, on a pu relever des engrenages redoutables. Le couple dégradation d’un pays / dégradation de ses banques marche bien : la corrélation est forte puisque la dette de la majeure partie des pays européens est détenue par leurs propres banques ou institutions financières. Un coup des agences de notation, qui sont toutes américaines, et ce sont deux cibles qui tombent. Autre engrenage : le fameux effet domino. Pas besoin de taper fort : une pichenette d’une Agence américaine sur l’Européen le plus faible, et les autres suivent.

Dernier engrenage, les conversions idéologiques : celle du FMI ! Avant Christine Lagarde, rien à signaler. Arrive-t-elle que ce sont 200 milliards d'euros qu’il faut rajouter au capital des banques européennes, juste après la farce du plafond de la dette américaine !

Il y a aussi les mesures innocentes et techniques : pour montrer que les Américains ne rigolent plus avec l’argent, les filiales de banques étrangères furent priées de constituer des garanties auprès de la Réserve fédérale.

Quels sont les mobiles ? Qui sont les acteurs ?

Tout ceci, ce sont les moyens. Que dirait-on du mobile ? Au fond, l’Euro qui patauge, c’est du Dollar qui revient dans les réserves de change et du financement de dette américaine qui n’est plus un problème. Quand le monde tremble aux craquements du triple déficit (dette de l’État, dette des particuliers et dette à l’égard du monde et, surtout, de la Chine), l’Euro ne peut être que gênant. La chute de l’Euro ne peut pas déplaire à quelques pays extérieurs à l’Union. Alors, on aura tendance à simplifier. C’est quand même tentant.

Les agences de notation américaines se sont réveillées d’une longue léthargie complice, l'époque où Enron n’inquiétait pas, où les « subprimes » étaient si bien rehaussés, où le "triple A" paraissait se fondre dans la nature des nations. N’y avait-il pas du bon à voir, sur les marchés, les créances souveraines européennes monter et descendre comme des cabris ? Que peut-on gagner de marchés "étalés" ?

Pour autant l’Euro n’a-t-il pas aussi des ennemis intérieurs ?  L’Angleterre, par exemple, dont les banques s’efforcent de revenir sur le devant de la scène après s’être donnée en spectacle, branquignole et Grand-Guignol, bank-runs, bonus délirants, licenciements par milliers, nationalisations ou quasi...

Un mauvais coup sur l’Euro serait un bon coup pour la City et la politique audacieuse de taux de change menée par la Banque d’Angleterre. Poussons plus loin. Il y a de moins en moins de « money back », celle que revendiquait Margaret Thatcher, pourquoi donc ne pas revenir à « l’entre-soi » d’autrefois et larguer les amarres européennes ? Les Allemands ont-ils vraiment envie de quitter l’Euro ? Et avec les Néerlandais, les Finlandais, les Autrichiens et tous les gens du nord, monter ensemble une monnaie « MittelEuropa », signant le retour du Thaler, ancêtre du Dollar ? Le vieux conflit entre Nord et Sud prendrait une tournure monétaire ? N’aimeraient-ils pas enfin, nos amis allemands, faire les banquiers aussi bien que Deutsche Börse fait le marché financier. Pour cela ne faut-il pas quitter une zone où les banques françaises sont trop insolentes, et par leur taille, et par leur compétence.

Des traîtres et des coupables ?

Que les Anglais soient attachés à la déroute de l’Euro, ils n’en ont jamais fait mystère. Plus encore maintenant que la Livre s’est effondrée contre son rival européen. A l’intérieur même de la zone Euro, nos preux journalistes ne cessent de pourchasser l’eurosceptique et très récemment son avatar allemand.

L’Euro peut-il impunément faire de l’ombre à la grande monnaie qui vacille, le Dollar, et par répercussion aux banques américaines qui ne veulent pas des réglementations « soviétiques » d’une Europe bureaucratique. Il ne peut pas non plus menacer la valeur des actifs attachés au Dollar. Donc tous les coups sont permis ! Au nom de l’unité du monde des pays développés bien entendu ! La Chine qui a beaucoup à se faire pardonner saura que, dans cette situation-là, son intérêt est américain. A l’extérieur de la zone Euro, ce ne sont pas des traîtres à la grande cause européenne qui sont à l’affût, ce sont des nations qui n’ont pas d’intérêts à l’Euro.

Et pourtant, quelle situation étrange que celle qui se dévoile à l’occasion de ce drame antique joué autour de l’Euro. Ne voit-on pas que sa disparition pourrait faire le jeu des regroupements par affinités culturelles. « Les nordiques avec les nordiques ». Et dans le même temps, à quoi assiste-t-on ? A l’effondrement de quelques idées nationales et à la redécouverte du « petit qui est apte » (parva sed apta, est-il gravé sur le fronton du Château de Bagatelle).

Quelques économistes de renom annoncent que : « l’ère des États fédéraux et des Empires » est fini. L’avantage, aujourd’hui, a tourné en faveur des petits États et, parfois même, des plus petits d’entre eux. Sous prétexte de l’Euro, de ses dangers et de son exécution en place publique, c’est un autre monde qui donne de la voix : « celui du petit, du local, de l’aimable et du proche. Le monde rassurant du cantou pour l'hiver, et de la nappe à carreaux dans le jardin en été ».

Il ne s’agit pas de révolutionner. Pour autant, la « nouvelle pensée économique » ne doute pas qu’un grand mouvement populaire fera pencher les votes pour se débarrasser de l’Euro, et revenir vers des conceptions monétaires et économiques plus proches des gens, des cœurs et de la vie. « La monnaie est-elle un voile » ? Il faut le lever, et retourner vers la « terre (qui) ne ment pas ».

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