Covid-19 : voilà pourquoi le maintien d’un niveau d’incidence élevé malgré la fermeture des écoles ne signifie PAS qu’elles ne sont pas des foyers de contaminations<!-- --> | Atlantico.fr
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Une enseignante vaporise du gel hydroalcoolique sur les mains des élèves, en novembre 2020, alors que les élèves reviennent en classe après la pause d'automne.
Une enseignante vaporise du gel hydroalcoolique sur les mains des élèves, en novembre 2020, alors que les élèves reviennent en classe après la pause d'automne.
© PATRICK HERTZOG / AFP

Rentrée des classes

Malheureusement, il semble que l’Etat ne l’ait toujours pas compris et que derrière l’objectif -louable- de préservation de la scolarité des enfants se cache une redoutable impréparation pour cette rentrée.

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave est Biologiste médical, ancien Assistant Hospitalo-Universitaire en microbiologie et ancien Assistant Spécialiste en immunologie. 

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Atlantico : Après trois semaines de fermeture, les écoles ouvrent à nouveau leurs portes. Durant cette période, contrairement à ce que de nombreuses personnes pouvaient attendre, le taux d’incidence ne s’est pas effondré. Les écoles représentent-elles des foyers de contaminations dont il faut se préoccuper ? La mesure de la fermeture seule aurait-elle dû suffire à faire baisser le taux d’incidence ? 

Claude-Alexandre Gustave : A la question « les écoles représentent-elles des foyers de contaminations dont il faut se préoccuper », la réponse est clairement OUI. Les données épidémiologiques sont claires, l’incidence observée dans les établissements scolaires est au moins égale à l’incidence observée en population générale. Ceci indique que les établissements scolaires sont la source ou un maillon de chaînes de contaminations au moins aussi denses que celles qui surviennent dans les entreprises, les transports publiques… Et ceci alors même que les taux de dépistage sont significativement plus bas chez les enfants et adolescents par rapport aux adultes, sauf durant les dernières semaines de mars 2021, ce qui a conduit à percevoir un peu mieux l’ampleur de la circulation virale chez les enfants ! Cf. figure ci-dessous, adaptée du BEH publié le 22/04/2021 par Santé Publique France.

Les contaminations sont évidemment possibles entre adultes au sein des établissements scolaires, comme dans toute entreprise, mais également entre adultes et enfants/élèves et entre élèves eux-mêmes. Le mythe voulant que les « enfants seraient peu ou pas contagieux », a succédé au mythe prétendant que « les enfants ne sont pas infectés par SARS-CoV-2 », mais n’en est pas moins erroné ! Les enfants sont tout autant contaminés que les adultes, et sont au moins aussi contagieux que ces derniers. Ces données sont pourtant disponibles depuis le tout début de la pandémie et ont guidé les stratégies de suppression virale dans tous les pays qui ont vaincu la COVID depuis des mois en permettant ainsi à leur population de garder une « vie normale » tout en protégeant leur santé et leur économie. Les charges virales moyennes mesurées chez les infectés sont similaire à tous les âges. C’est un fait démontré depuis juin 2020 au moins.

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Depuis, de nouveaux variants sont apparus et semblent circuler encore plus activement chez les individus les plus jeunes. Ceci ne permet certainement pas de relâcher la vigilance face au risque sanitaire des établissements scolaires. Enfin, il ne faut jamais oublier que plus les enfants sont jeunes, moins ils sont à même d’appliquer efficacement les mesures barrières pouvant aider à réduire la fréquence des contaminations. C’est pour cela que les enfant sont AU MOINS aussi contagieux que les adultes.

Si en France le discours officiel cherche à minimiser ce fait pour des raisons socio-économiques, nul besoin d’aller très loin pour entendre un discours radicalement différent. Il suffit de passer en Belgique pour entendre leur Premier Ministre rappeler que « les écoles sont aujourd’hui l’un des principaux foyers de contamination ».

Vient alors la question sur l’effet de la fermeture des écoles, et l’étonnement face à l’absence d’effondrement du taux d’incidence en population générale. On a même pu entendre « la fermeture des écoles n'a pas provoqué de chute drastique de l'incidence, donc les écoles ne sont pas un lieu de contamination ». C’est aller un peu vite ! Quand un théorème est vrai (« la fermeture des écoles n’a pas provoqué d’effondrement du taux d’incidence »), sa réciproque n’est pas toujours vraie (« rouvrir les écoles ne fera pas progresser le taux d’incidence »). Pourquoi la fermeture des écoles n’a-t-elle pas provoqué d’effondrement du taux d’incidence ? Tout simplement parce que les écoles ne sont pas le SEUL lieu de contamination ! Si nous étions parti d’un taux d’incidence modéré, la seule fermeture des écoles aurait suffisamment réduit les interactions inter-foyers familiaux via les enfants, pour permettre une chute d’incidence compatible avec une reprise de contrôle sur l’épidémie, ou au moins capable de nous rapprocher de taux d’incidence permettant une meilleure efficacité des autres mesures de freinage. Ce n’est pas du tout le cas ! Nous sommes partis d’un niveau d’incidence massif, bien trop élevé pour que l’effet isolé des fermetures d’écoles puisse ramener la circulation virale à un niveau compatible avec un rétablissement du triptyque tester/tracer/isoler, ou simplement de potentialisation des mesures de freinage. Pourtant, là encore, on sait depuis longtemps que pour faire reculer l’épidémie :

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i) la fermeture des établissements scolaires est la mesure la plus efficace après l’interdiction des rassemblements de >10 personnes ;

ii) aucune mesure de freinage n’est suffisante à elle seule

(Figure issue de : https://science.sciencemag.org/content/371/6531/eabd9338.full)

Et précisément, qu’avons-nous fait de plus que de synchroniser les 2 semaines de vacances scolaires ? A peu près rien !

Avons-nous renforcé l’application du télétravail ? Pourtant ceci permet de réduire les interactions physiques sur le lieu de travail et dans les transports. Ceci permet indirectement de protéger aussi les travailleurs n’ayant d’autre choix que d’exercer en présentiel, puisqu’ils croisent alors beaucoup moins de personnes sur le lieu de travail mais également sur les trajets maison-travail.

Avons-nous renforcé les mesures de lutte contre la transmission par aérosols ? Pourtant, le recours aux masques de protection individuelle (de type FFP2), ainsi que l’aération systématique des espaces clos, ou adaptation des ventilations mécaniques (sans recyclage d’air interne), sont un des meilleurs moyens d’agir sur le principal terrain de contaminations.

Avons-nous renforcé les mesures de contact tracing pour y adjoindre des outils numériques permettant d’atteindre des cas contacts dont l’identité est inconnue du cas index ? Pourtant, la méthode actuelle de tracing manuel et déclaratif est intrinsèquement incapable d’identifier des cas contacts hors des cercles familiaux/amicaux/professionnels puisqu'elle est limitée aux seules identités qu'on connaît et qu'on peut donc indiquer à l'ARS/CPAM ! Pour rappel, le nombre moyen de cas contacts identifiés pour chaque infecté est toujours inférieur à 2, ce qui signifie que nous ne considérons même pas l’ensemble du foyer familial comme cas contacts !

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Avons-nous renforcé les mesures d’isolement des infectés et cas contacts afin de casser les chaînes de contaminations ? Pourtant, sans accompagnement, ni aide, ni contrôle, le strict respect d’une quatorzaine paraît illusoire alors qu’il s’agit de la seule mesure à même de briser les chaînes de contaminations.

Ce n’est pas en entravant l’activité économique de petits commerces qu’on met sous contrôle une épidémie. On l’écrase en détectant les porteurs du virus, en traçant extensivement leurs cas contacts, en isolant promptement et rigoureusement infectés et contacts pour une durée suffisante, puis en agissant sur les conditions de transmission, notamment via la ventilation/aération et port de masques de protection. Malheureusement, quand l’épidémie atteint des niveaux aussi intenses qu’en France actuellement, ces mesures ne sont plus applicables efficacement, ou alors sur une fraction insignifiante de l’épidémie totale. Ne reste alors que la solution du confinement pour espérer écraser RAPIDEMENT l’incidence et permettre l’enclenchement d’une stratégie de suppression virale. Sinon, on ne peut plus qu’accepter, soit de vivre sous des restrictions sans fin pour une durée indéterminée, soit de laisser le virus faire son œuvre… Ceci sort alors du registre de la stratégie et de la gouvernance, pour rejoindre celui du renoncement et de l’abandon.

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Claude-Alexandre Gustave : Si nous faisons le choix de vivre avec le virus, et donc de tolérer des taux d’incidence de plus en plus élevés, on ne peut pas s’attendre à une activité scolaire spontanément contrôlée sur le plan sanitaire ! Si l’on veut alors assurer son devoir de protection des individus et de la société, il convient alors de mettre en œuvre des mesures d’autant plus lourdes qu’on a laissé l’épidémie s’installer et diffuser dans la population générale.

Le premier axe auquel on pense est d’abord la protection des individus les plus exposés aux formes sévères de COVID au sein des écoles, notamment les personnels. Cette protection repose sur des actions « environnementales » dont on reparlera ci-après, mais aussi sur des mesures individuelles et notamment i) l’accès à des masques de protection individuelle (type FFP2), ii) un accès prioritaire à la vaccination. Sur ce dernier point, il ne faut pas oublier que des contraintes logistiques freinent le déploiement urgent de cette vaccination. De plus, un délai incompressible d’environ 3 semaines est nécessaire pour voir apparaître un début de protection après la première dose vaccinale. Cette vaccination peut d’une part protéger les personnels de formes sévères de COVID (sous réserve de ne pas laisser les variants en échappement immunitaire s’installer dans le pays), et peut d’autre part aider à réduire la circulation virale dans les écoles. Même si les vaccinations ne stoppent pas la transmission virale, elles réduisent partiellement la fréquence des infections (du moins tant que les variants en échappement immunitaire restent ultra-minoritaires), et réduisent partiellement la charge virale et durée de contagiosité des vaccinés qui seraient malgré tout infectés. La vaccination des enfants n’est pas d’actualité mais s’avèrera nécessaire à cause du haut niveau de transmissibilité de SARS-CoV-2. Cependant, elle ne peut intervenir dans des délais compatibles avec l’urgence actuelle puisqu’elle doit d’abord attendre la fin des études cliniques en cours chez les adolescents et enfants de plus de 2 ans.

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Le deuxième axe porte sur les mesures environnementales visant à réduire les risques de transmission, principalement par aérosols/gouttelettes, et accessoirement via les surfaces inertes. Cette transmission manuportée est une voie minime de transmission virale et facilement gérable par l’absence de contact physique, règles d’hygiène et protocoles de nettoyage pluriquotidien. La voie majeure de contamination passe par la voie respiratoire et oculaire, via les aérosols et gouttelettes. Bien évidemment, le port du masque doit être généralisé, systématique, avec des masques de qualité chirurgicale et correctement portés, notamment pour les enfants dont les mensurations laissent souvent de grandes fuites tout autour du masque (souvent trop grand). Les tutoriels ne manquent pas. Cependant, le port du masque ne suffit pas à éliminer la production d’aérosols contaminés, du simple fait de son port inadapté, ou du non-respect des règles. Il faut donc également agir sur l’environnement, et notamment les espaces clos où ces aérosols se concentrent et diffusent presque sans limite de distance, et persistent plusieurs heures en suspension dans l’air. Tout est alors dans l’AERATION/VENTILATION des espaces clos, de façon à évacuer le plus rapidement possible un volume d’air le plus grand possible afin de réduire le temps d’exposition des individus à ces aérosols contaminants. L’ouverture des fenêtres est l’action la plus simple à mettre en œuvre. Avec l’arrivée de températures plus clémentes, c’est une pratique qui doit absolument être généralisée et la plus continue possible. Dans les espaces « scellés », la ventilation mécanique doit être la plus performante possible et surtout SANS recyclage d’air interne, sous peine de se transformer en propulseur d’aérosols ! Pour aider à la gestion de l’air ambiant, le recours à des capteurs de CO2 peut aider à identifier les lieux et moments où la qualité de l’air est trop dégradée pour autoriser l’utilisation des locaux. Le CO2 est un indicateur indirect de la concentration d’aérosols dans l’air ambiant, et peut servir de déclencheur pour l’aération intense des locaux, voire pour leur évacuation. Les purificateurs d’air équipés de filtres HEPA peuvent apporter une aide mais ils doivent i) avoir une capacité adaptée au volume du local où ils sont installés, ii) être équipés d’un filtre HEPA de grade H13/H14 pour offrir une filtration stérilisante adaptée à la taille des particules virales.

Quand cela est possible, le passage en extérieur, et la réduction des effectifs doit être appliqué afin de réduire encore les probabilités de transmission virale, et réduire l’ampleur d’éventuels clusters.

Tout ceci s’intègre dans des protocoles sanitaires visant à sécuriser les établissements scolaires. Sur ce point, je ne peux que vivement vous recommander la lecture des protocoles établis par le collectif « Du côté de la Science » et le collectif « Ecoles et familles oubliées ». Ce sont des ressources précieuses qui peuvent également enrichir la culture de prévention sanitaire au-delà des établissements scolaires et inspirer les lecteurs pour des adaptations au sein de leurs entreprises… Dans la situation actuelle, chaque effort est crucial.

Enfin, comme toujours, le triptyque tester/tracer/isoler reste indispensable pour repérer au plus vite les porteurs du virus au sein des établissements scolaires (et même mieux, avant leur arrivée à l’école), identifier leur cas contacts au sens large (d’autant plus que les nouveaux variants semblent circuler très efficacement dans les classes d’âges plus jeunes), et enfin isoler l’ensemble des infectés et contacts pour une durée suffisante (au minimum 14 jours face aux nouveaux variants dont la période d’excrétion moyenne est de 12 jours, avec des charges virales souvent plus élevées que ce qu’on observait avec les souches « historiques »). Sur le point du dépistage, les tests salivaires et autotests ont été évoqués. Cependant, les conditions de déploiement ne correspondent pas à un objectif de contrôle épidémique. Pour les tests salivaires, 400 000 à 600 000 tests hebdomadaires sont « promis ». D’une part, comme avant les vacances, seule une fraction de cet objectif sera réellement atteinte. D’autre part, même avec 100% de ces tests effectivement déployés, cela ne représenterait qu’un dépistage de 4,2% de l’effectif scolaire chaque semaine ! Ce n’est même pas suffisant pour effectuer un échantillonnage statistique robuste. Viennent alors les autotests. Ceux-ci sont encore moins sensibles que les tests antigéniques nasopharyngés. Ils ne sont donc absolument pas adaptés à la surveillance épidémique (via indicateurs). Ils n’ont de sens qu’à condition d’être généralisés à tout l’effectif scolaire, et RÉPÉTÉS plusieurs fois par semaine. Cette répétition vise d’une part à réduire les « fenêtres » de risque entre le début d’excrétion virale et détection effective de l’infection ; d’autre part cela permet de compenser partiellement leur défaut de sensibilité en répétant le test chez un même individu à différentes phases de son éventuelle infection (ceci permet d’augmenter la probabilité de détecter le portage viral au moment où celui-ci est le plus intense). Si ces autotests sont simplement déployés ponctuellement dans certaines écoles, 1 fois par semaine et facultatifs, ils risquent alors d’être contre-productifs en induisant un faux sentiment de sécurité face à un résultat négatif (alors que la probabilité de faux négatif est extrêmement élevée avec ce type de tests sur simple auto-prélèvement nasal). Pour rappel, les meilleurs kits de tests antigéniques obtiennent une sensibilité d’environ 60% (ce qui signifie qu’ils « ratent » 1 infecté sur 3) lorsqu’ils sont réalisés sur prélèvement nasopharyngé. Avec les autotests, on réalise un test antigénique sur un simple prélèvement nasal, éloigné du site de réplication virale et donc bien moins adapté à la récolte de cellules infectées en quantité suffisante pour être détectée par le test avec fiabilité.

Atlantico : Une réouverture des établissements au plein pic de l’épidémie ne risque-t-elle pas de favoriser une reprise accrue de l’épidémie ? Quels scénarios sont à prévoir ?

Claude-Alexandre Gustave : Je n’ai pas de « boule de cristal » pour voir l’avenir mais la situation actuelle ne laisse entrevoir aucune perspective d’évolution favorable à court ou moyen terme. Pour rappel, les mesures de freinages entamées depuis fin mars ont été motivées par une dégradation sanitaire malgré les mesures déjà en place depuis la fin d’année 2020. La phase dite de « freinage » enclenchée fin mars n’a amené aucune amélioration sanitaire. La tension hospitalière est encore plus sévère, et les indicateurs épidémiologiques sont au mieux « stabilisés » sur un plateau encore plus élevé que celui qui a motivé l’instauration des mesures de freinage !

Pour rappel, cette apparente stabilisation ou léger recul du taux d’incidence est plus que « fragile » puisqu’elle est probablement en trompe-l’œil en raison d’une chute majeure de l’activité de dépistage ! Santé Publique France le rappelle dans son bulletin hebdomadaire paru le 22 avril 2021 :

On peut constater que le timide recul d’incidence est essentiellement induit par un fort recul du nombre de tests effectués, et s’accompagne d’une « envolée » du taux de positivité, tant chez les symptomatiques que chez les asymptomatiques.

Cette chute du nombre de tests réalisés est notamment liée à la forte diminution du nombre de tests réalisés en milieu scolaire suite aux vacances scolaires (graphe 7b). On peut alors noter que la hausse du taux de positivité est massive chez les 0-14 ans (graphe 7c).

A partir de ces constatations, on peut légitimement craindre que la réouverture des écoles entraîne une reprise rapide de la diffusion épidémique et un taux d’incidence qui reprend son ascension rapide. Il est important de comprendre que ce phénomène ne va pas s’observer immédiatement dès la semaine de réouverture des écoles ! En effet, toutes les contaminations ne vont pas survenir ce lundi, ou mardi ! C'est une dynamique qui s'amorce et qui accroît la fréquence de contaminations chez les enfants/enseignants. Ceci devient visible entre 6 et 19 jours plus tard dans les indicateurs. Il s’agit d’un délai incompressible lié aux temps d'incubation, de dépistage, de signalement :

  • délai entre contamination et apparition des symptômes = 2 à 14 jours
  • délai entre apparition des symptômes et test de dépistage = 2 jours (cf. BEH de Santé Publique France)
  • délai entre test de dépistage et résultat = 1 jour
  • délai d’intégration des résultats dans les données officielles = 1 à 2 jours
  • TOTAL = 6 à 19 jours

Puis, cette dynamique augmente la fréquence des contaminations secondaires dans le cercle familial (les enfants rapportent le virus chez eux), puis tertiaire dans le cercle professionnel et amical des parents... Tout ceci ne survient pas d'un coup, c'est une dynamique progressive dans un contexte de probabilité croissante de transmission virale au fur et à mesure que les chaînes de contaminations progressent. Donc sans même parler des annonces de levées des mesures sanitaires à partir du 3 mai, il me paraît probable d’assister à une aggravation de la situation épidémiologique.

Pour autant, le suivi des indicateurs épidémiologiques précoces risque d’être complexe car les autotests font « disparaître » partiellement les asymptomatiques de plus de 15 ans (indication actuelle des autotests) des données officielles. En effet, ces autotests ne sont pas tracés et ne sont donc pas inclus dans les données officielles. Une recommandation leur est associée : effectuer un test RT-PCR nasopharyngé en cas d’autotest positif, mais rien ne garantit le respect de cette recommandation pourtant indispensable pour i) l’intégration du cas dans les données officielles (fiabilité des indicateurs), ii) déclenchement des enquêtes de contact tracing, iii) surveillance des variants en circulation (par RT-PCR de criblage et séquençage). Cependant, même si les autotests « effacent » une partie des contaminations des indicateurs officiels, ils n’empêcheront pas une COVID de se dégrader et conduire un malade à l’hôpital, voire en réanimation. Les indicateurs tardifs (hospitalisations, entrées en réanimations, mortalité) seront donc à surveiller de près !

Si on évoque alors les annonces de levée des mesures sanitaires à partir du 3 mai, il me paraît alors d’autant plus difficile d’entrevoir une perspective d’amélioration sur le plan sanitaire, voire plutôt une forte dégradation d’ici l’été. Ceci me paraît d’autant plus probable que l’épidémie a progressé malgré les mesures en vigueur depuis Noël 2020, puis malgré les mesures en vigueur depuis mars 2021… La logique me laisse donc entrevoir peu d’options face à un allègement encore plus poussé des mesures sanitaires alors que l’activité épidémique est intense.

Je comprends bien le « ras-le-bol » généralisé, j’ai même exprimé mon sentiment de découragement à ce sujet ; j’entends l’impatience de la jeunesse à retrouver une « vie normale », voire la détresse de certains étudiants en situation difficile. Mais tourner le dos au risque sanitaire n’aidera en rien ces personnes, continuera à entretenir une morbi-mortalité massive, continuera à plonger les malades chroniques ou en attente de soins déprogrammés depuis des mois dans une désarroi et une souffrance trop négligée, et même sur le plan économique, cela n’aidera en rien à la relance quand la demande intérieure et le tourisme seront durablement handicapés face à des pays qui ont écrasé leur épidémie via une stratégie de suppression virale permettant un retour à une activité socio-économique sécurisée.

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