Coupe du monde : et l’article le plus retweeté dans le monde sur les morts des chantiers du Qatar était largement…<!-- --> | Atlantico.fr
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Des travailleurs sur un chantier d'un stade de football au Qatar.
Des travailleurs sur un chantier d'un stade de football au Qatar.
©GIUSEPPE CACACE / AFP

FIFA

Le chiffre de 6.500 morts est souvent cité comme celui du nombre d’ouvriers décédés sur les chantiers de la Coupe du monde au Qatar. Le chiffre réel est pourtant très difficile à évaluer.

Tous les journaux en ont fait les gros titres en février 2021, le Guardian révélait que « 6 500 travailleurs migrants sont morts au Qatar alors que le pays se prépare pour la Coupe du monde ». Le sous-titre précisait « l'analyse du Guardian indique que ce chiffre choquant est probablement sous-estimé, alors que les préparatifs du tournoi de 2022 se poursuivent ». Or comme le souligne l’universitaire Marc Owen Jones, « ce chiffre refait constamment surface et a été tweeté plus de 400 000 fois depuis février 2021, date de publication de l'article du Guardian ».  Autant dire que l’affaire a fait du bruit.

Le problème est que ce titre était trompeur, et le Guardian s’en est rendu compte, le 3 mars 2021, le titre est changé. Il devient « 6 500 travailleurs migrants sont morts au Qatar depuis l'attribution de la Coupe du monde de football ». Un changement en apparence mineur, mais qui dénote déjà le problème. Pour bâtir ce chiffre, les journalistes du Guardian ont compilé les données des ambassades du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka sur leurs ressortissants morts au Qatar depuis 2010. Ils estiment aussi que ce chiffre est sous-estimé car ils n’incluent pas les données des migrants philippins, kényans ou d’autres pays.

Ces morts sont donc l’ensemble des décès de migrants au Qatar enregistrés depuis l’attribution de la coupe du monde en 2011 en provenance des pays évoqués plus haut. Mais ce chiffre ne fait pas la différence des causes : accidents de travail, mais naturelles, maladies chroniques ou encore accidents de la route. Pas de distinction non plus selon l’âge, enfants et personnes âgées ont également été comptabilisées. Autrement dit, tous les morts comptabilisés sont effectivement des migrants, mais tous ne sont pas travailleurs, et tous les travailleurs ne sont pas morts d’accidents de travail. Et même ces derniers ne travaillaient pas tous sur les chantiers de la coupe du monde. Cette remarque, l’Organisation mondiale du travail l’a faite dès novembre 2021. « Ce chiffre [6500] inclut tous les décès dans la population migrante sans distinction entre les travailleurs migrants et la population migrante générale, sans parler des décès résultant d'accidents du travail. La population migrante générale du Qatar est très importante et diversifiée, et les migrants originaires d'Asie du Sud représentent bien plus de 50 % de la population totale. Ils sont de tous âges, de toutes professions, de tous états de santé, et beaucoup ont passé des décennies dans le pays. »

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Pourtant, même si des documents officiels avaient établi que les chiffres avancés par le Guardian étaient trompeurs, le mal, médiatique, était déjà fait. Les médias qui n’avaient pas hésité à reprendre l’information ont moins fait attention aux précisions apportées par les journalistes du Guardian, ou celles de l’OIT. Et le chiffre a été utilisé à de multiples occasions pendant un an. Ce n’est que qu’avec l’approche de la Coupe du monde que certains ont fini par réinterroger cette donnée, finalement fact checkée. Et lorsque, Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI, et critique du Qatar, dit que ce chiffre est un « mythe », elle mérite d’être écoutée.

En définitive, le rapport de l’OIT titrait déjà sur la bonne formule : « one is too many », une mort est déjà trop. Il y a de clairs problèmes de droits de l’homme et de droits du travail au Qatar. Des migrants y meurent dans l’exercice de leur travail et les travaux pour la coupe du monde ont demandé des travaux d’ampleur dans le pays et probablement causé des morts. Mais ce n’est pas parce qu’il y a de vrais problématiques que l’on peut se permettre de transiger sur les faits.

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