Coup de blues sur les marques star : les cartes du marché du blue-jean totalement redistribuées

Le jean a été inventé par l'entrepise Levi's qui disposait pendant longtemps d'un quasi-monopole. Le discours du PDG de la marque l'année dernière évoquait une énorme différence entre les attentes du consommateurs et les produits proposés par l'entreprise. Une nouvelle tendance se dessine-t-elle ou est-ce simplement un erreur de stratégie de la part du groupe ? 

Atlantico : Le PDG de Levi's a déclaré que les ventes de denim avait dégringolées. Selon lui, l'industrie ne s'était pas attendue au phénomène des vêtements dits "casuals" tels que les joggings et autres leggings achetés par les adolescents aujourd'hui. Le jean n'est-il plus tendance ?

Frédéric Godart : Levi’s connaît depuis quelques années une crise profonde qui remet en cause son modèle de développement ; la marque a même dû licencier du personnel pour faire face à une chute de ses ventes aux Etats-Unis et en Europe. Pourtant, le marché du denim se porte relativement bien avec une croissance qui atteint presque 10% sur les marchés émergents (et les prévisions prévoient que cela va continuer au moins jusqu’en 2020). Donc ce n’est pas le denim qui est en crise, mais Levi’s, et l’ensemble des marques de jeans qui ne font ni du haut de gamme (du luxe) ni du « marché de masse ». Le jeans est toujours tendance, mais certaines marques sont plus à même de répondre à la demande actuelle que d’autres.

Un vêtement de luxe peut donc s'en sortir et réussir sur le marché. Qu'est-ce qu'un jean de luxe ? Quelles sont ses propriétés ?

Les deux extrêmes du marché du denim se portent bien. Tout d’abord le marché de masse avec par exemple Uniqlo qui offre des produits innovants à des prix très bas (parfois le tiers de marques comme Levi’s). Ensuite, le marché du luxe, ou plutôt du prêt-à-porter haute de gamme, avec des marques comme Dior (les skinny jeans de Hedi Slimane sont devenus des icônes). Dans ce cas le prestige de la marque et une qualité supérieure (en termes de style et de matériaux) jouent à plein.

Le jean est à l'origine un bleu de travail très épais utilisé par des mineurs et des fermiers. Aujourd'hui, les matières et les coupes sont très variées. Comment expliquer toutes ces transformations ? Est-ce le seul vêtement à s'être autant métamorphosé ?

L’utilisation du denim dans le vêtement a suivi non seulement les évolutions technologiques de l’industrie (avec par exemple des matières plus souples) mais aussi les évolutions stylistiques (avec des coupes variées et des coloris de plus en plus diversifiés). Le jeans s’est « hybridisé » comme de nombreux autres vêtements avec la mondialisation et la facilité grandissante de produire à bas coût et rapidement.

Le marché asiatique est devenu le plus porteur pour les jeans. Or la mode occupe une place importante pour affirmer une identité sociale et culturelle. Quel impact la mondialisation a-t-elle eu sur celle-ci ? Pouvons-nous craindre une uniformisation du vêtement ?

Les jeans ont une forte connotation culturelle américaine, c’est un fait. On observe par ailleurs une homogénéisation des styles à l’échelle planétaire, malgré des exceptions. Mais cela va aussi de pair avec une plus grande diversité au sein de cette homogénéité : tout le monde a accès aux mêmes styles, mais le nombre de styles a augmenté. Gageons que les créateurs asiatiques se réapproprieront le jeans rapidement et en feront un moyen d’expression de leur créativité comme l’ont fait les créateurs européens. La relation entre le jeans américain des origines et le skinny jeans de Dior est pour le moins ténue.