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Contre la start-up nation de Macron, Mélenchon dévoile la République "Lada"
©Reuters

Alternative

La France Insoumise a dévoilé aujourd'hui son contre-budget, construit avec des hauts fonctionnaires et des économistes. Sans surprise, il fait la part belle aux dépenses publiques, supposées augmenter de 173 milliards au cours d'un quinquennat mélenchonien. Au-delà de 400.000 euros de revenus, le taux d'imposition passe à 90%.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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On reconnaîtra un mérite à la France Insoumise: celui de présenter une contre-vision cohérente face à celle d'Emmanuel Macron. Peu de forces politiques peuvent se targuer d'une telle ambition. La droite française, en particulier, paraît ici dépassée par rapport au mouvement radical d'extrême-gauche, par ailleurs perclus d'affaires concernant ses responsables, qu'il s'agisse de Danièle Simonnet, leader du parti à Paris, ou d'Alexis Corbière et de sa compagne Raquel Garrido. En présentant un contre-budget, la France Insoumise se démarque donc comme la seule formation politique décidée à opposer une vision alternative globale à celle de la "start-up nation" d'Emmanuel Macron. 

La discrète nostalgie de l'Union Soviétique

L'avantage de ce contre-projet est de ne pas se cacher derrière son petit doigt. Il repose sur deux chiffres majeurs: une hausse de la dépense publique dans le PIB de 5 points en cinq ans, jusqu'à flirter avec les 60%. Ce projet ancreront donc la place de la France dans son titre de championne du monde de la dépense publique. D'autre part, le taux de prélèvement obligatoire atteindrait les 50% du PIB en cinq ans. Là encore, la France deviendrait championne du monde du prélèvement obligatoire, très loin devant ses challengers. 

On retrouve ici les références historiques dont Mélenchon ne se cache pas: celle d'une économie administrée de type soviétique où la dépense publique est majoritaire et parée de toutes les vertus. Entre la célébration de la révolution bolchevique de 1917 et les réformes chaveziennes au Vénézuela, la France Insoumise ne manque pas d'exemples historiques pour nourrir un projet économique au demeurant sommaire et peu documenté. Dans son essence, ce projet vise bien à ancrer le pays dans une vision qui n'a plus rien à voir avec l'économie de marché. 

Une fiscalité confiscatoire

Bien évidemment, ce projet politique, qui prétend réduire le taux de chômage à moins de 6% en cinq ans, tout en augmentant les salaires par une hausse du SMIC de 15%, a ses boucs-émissaires: les "riches", qui sont source de tous les maux. Pour eux, le nouveau pouvoir multiplierait les mesures qui permettraient de financer les les cadeaux au reste de la population.

On notera en particulier la fin de l'abattement de 40% sur les dividendes, qui permettra de taxer deux fois la même valeur (une fois lors de sa conversion d'excédent brut d'exploitation en bénéfices, une autre fois du versement du bénéfice à son statut de revenu). Cette mesure dont le député Quatennens a déjà proposé l'adoption sous forme d'amendement au projet de loi de finances est l'un des miroirs aux alouettes de Jean-Luc Mélenchon. 

Celui-ci ne semble pas avoir compris que cette stratégie conduit les entreprises françaises à fuir le bénéfice, ou à le loger à l'extérieur, ce qui est strictement incompatible avec les chiffres, pourtant présentés comme prudents, de reprise de la croissance autour de 2% dans les trois ans. 

Mais la confiscation atteint des sommets lorsque la France Insoumise promet un taux d'imposition de 90% au-delà de 400.000 euros de revenus. Encore ce taux est-il sous-estimé et fantasmé: on voit mal comment il resterait des contribuables dans cette tranche, après le coup de bambou infligé par la suppression de l'abattement sur les dividendes. 

En réalité, les catégories les plus élevées de revenus seraient tout simplement assommées par cette série de mesures qui viseraient à flatter les revenus salariaux en saignant les revenus du capital. 

France de la Lada contre France de la Mercedes

Là où Emmanuel Macron veut nourrir l'ambition de tous ceux qui rêvent de rouler en Mercedes, Mélenchon prend le pied inverse: il promet une Lada à tout le monde. D'ailleurs, concernant les biens de luxe, il propose une TVA de 33%. Ici s'affrontent deux visions irréconciliables de la société. D'un côté, la France Insoumise se propose de passer un immense coup de rabot sur l'ensemble de la société française, pour couper toutes les têtes qui dépassent et instaurer une sorte de moyenne obligatoire. Pour financer la redistribution "au peuple", une saignée impitoyable sera pratiquée sur le dernier décile de revenus. 

C'est la logique de la Lada: en dehors des favoris du régime qui seront logés dans les datcha d'État, le commun des mortels devra attendre dix-huit mois pour acheter la même voiture que son voisin. Mais la richesse par l'entreprise individuelle sera proscrite. De l'autre côté, la société macronienne est fondée sur l'illusion que, pour être quelqu'un, il faut être riche. Entre ces deux plis, les Français sont orphelins d'une vision raisonnable de la société. 

La tentation autoritaire de Mélenchon

Comme les modèles bolcheviques dont il raffole, Mélenchon ne tardera pas à justifier une répression liberticide contre les "riches". Son programme est en effet éloquent: il assure que la lutte contre la fraude fiscale rapportera 60 milliards €. 

Il faut ici lire entre les lignes du programme: les riches sont des fraudeurs (expression qui mélange indifférement la vraie fraude et l'optimisation fiscale tout à fait légale, mais suggestivement présentée comme frauduleuse), à qui il faut faire rendre gorge. Dans cette fièvre obsidionale artificiellement créée pour faire croire à des salariés, des fonctionnaires et des assurés sociaux hyper-protégés qu'ils pourront se dispenser de faire des efforts dans un monde qui change en faisant payer les riches, la suite du raisonnement est simple. Pour lutter contre la fraude des riches, il faut les mettre sous surveillance. 

La logique du goulag n'a pas procédé différemment. Et c'est probablement ici que le projet Mélenchon est à la fois inquiétant et dépassé. Il joue sur une manipulation des esprits pour justifier une stratégie brutale de prédation dont le désastre sera à la fois rapide et durable. 

On en veut pour preuve l'affaire de licenciement abusif qui colle à la député insoumise Caroline Fiat: celle-ci a découvert à ses dépens que la complexité du droit du travail n'était pas seulement une invention des riches, mais une réalité dont elle était, en tant qu'employeur, la première victime. Contrairement à ce qu'affirme Mélenchon, il n'y a pas d'un côté les gentils prolétaires pauvres spoliés et de l'autre côté les méchants capitalistes exploiteurs et rentiers. Les entrepreneurs ont une fonction économique fondamentale qui ne s'épanouit que dans une acceptabilité satisfaisante de l'impôt. Et ce n'est certainement pas en confisquant arbitrairement le fruit de leur investissement personnel qu'on les convaincra de prendre des risques pour la prospérité du pays. 

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