Communication du gouvernement : cache-sexe de son incompétence à résoudre la crise du coronavirus<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Social
Communication du gouvernement : cache-sexe de son incompétence à résoudre la crise du coronavirus
©

Communication de crise

Les artifices de communications déployés par l'exécutif masquent très mal sa gestion amateur et liberticide de la crise. Plus qu'un échec c'est l'enterrement définitif du pacte social de l'après-guerre.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

Voir la bio »

Atlantico.fr :  Pouvez-vous nous résumer - et nous expliquer - la communication du chef de l'Etat de ces dernières heures ? Est-elle efficace ?


Arnaud Benedetti : Le problème de la communication est annexe . On comprend qu’elle ne parvient pas à dissimuler le défaut de réactivité et la pénurie sanitaire . Cette communication respire les hésitations , les contradictions , le bras peu assuré mais aussi du fait du retard pris à l’allumage la nécessité de s’adapter à l’épreuve de l’épidémie tout en tenant compte de la sensibilité nationale des ... " gaulois réfractaires " . Le chef de l’Etat ne parvient pas à se départir de ce ton professoral d’une part , surjoué parfois dans le domaine empathique . Le Premier ministre de son côté s’efforce de développer un discours de proximité et de pédagogie comme si le ton se voulait moins " injonctif ", intériorisant le risque que fait encourir à la société la durée du confinement . Un sondage néanmoins ( Harris-Epoka) a observé un rebond de la confiance de 13 points dans la côte du Chef de l’Etat . C’est sensible mais peu spectaculaire . Cet " effet drapeau " bien connu des politistes ,quand il s’agit d’analyser le rapport de l’opinion dans des pays confrontés à la guerre ou à la menace terroriste , reste peu spectaculaire comme le rappelle Bruno Cautres, chercheur du CEVIPOF , dans un entretien accordé à la revue politique et parlementaire ( www.revuepolitique.fr) . Pour mémoire François Hollande , après les attentats de "Charlie Hebdo" , avait connu un bond de plus de 20% avant que la courbe ne décline à nouveau .


 Les politiques publiques suivent-elles les discours énoncés par le Président de la République ? Est-ce de la rhétorique pure ?


C’est le " fond du problème " . Les mots , énergiques , mobilisateurs , dramatiques , volontaristes , martiaux se dissolvent dans une réponse publique qui contraint beaucoup les français ( limitation sans précédent des libertés publiques depuis 70 ans , coût économique ) sans leur offrir le service consenti par ce sacrifice . Ce que révèle de manière criante ce drame sanitaire , c’est aussi l’humiliation d’un grand pays : le manque de masques , l’offre insuffisante de tests , les moyens déclinants de l’Hôpital public , etc. Il convient de ne jamais oublier que le système de soins dans la pratique et dans les représentations constitue une brique fondatrice de la reconstruction du pacte républicain depuis l’après-guerre . Avec effroi les françaises et les français découvrent que les comptables de Bercy ont mis à mal depuis des années cet acquis ! La communication est dés lors perçue comme l’aveu tragique d’un déclin programmé par des logiques managériales . L’incantatoire ( le discours guerrier ) et le coercitif ( suspension de la liberté de circulation et de réunion ) sont des lors des dépôts de la liquidation tant de l’Etat-providence que de l’Etat de droit . Nous vivons de ce point de vue un choc copernicien qu’aucune communication ne peut amortir .


Avec un nombre de morts qui ne fait que grimper dans le pays, Emmanuel Macron a décidé de se tourner vers des philosophes et des représentants religieux pour parler du "deuil". Est-ce une mise en scène ? Pourquoi faire ce choix-là ? Que veut-il montrer ou dire à la population ?


La coquetterie "intellectuellisante" est un peu à contre-emploi , voire hors-sol. Le Président veut sans doute insister sur la dimension tragique à laquelle  est confrontée son mandat . Cette relation à la profondeur vise à le graver dans le marbre d’une certaine forme d’héroïsme . Cette geste a quelque chose pourtant d’artificiel , de " dénaturalisée " . Le Président relance ici le mythe de l’ " assistant de Ricoeur ", l’inquiétude pour l’altérité . Est-ce que cela parle  au français confiné ? Pas sûr ! La parole dominante aujourd’hui est celle des soignants . Ils ont pris dans le moment  , parce qu’ils sont sur la ligne de front , le leadership dans la fabrication de l’opinion . Le désarmement auquel les pouvoirs publics les ont soumis ne favorise pas l’incubation de la confiance dans l’exécutif , à fortiori si la crise s’inscrit dans la durée . Pour le pouvoir la course de vitesse contre le virus est une course de vitesse pour sa survie . S’en donne t’il les moyens ? Les heures et les jours qui viennent nous le diront .  

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !