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Comment les grandes entreprises ont parfois changé de locaux pour se cacher dans des bureaux "secrets"
©Rob Carr / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

En toute sécurité

Selon la BBC, certaines entreprises déménagent dans des bureaux secrets dans des endroits non divulgués afin de rester en sécurité face au coronavirus. Ces "bureaux fantômes" sont dans des bâtiments sécurisés, souvent en périphérie, et sont maintenus en veille durant des années.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico.fr : Face à la crise du coronavirus, certaines entreprises - les grands groupes principalement - auraient changé de locaux pour se cacher dans des bureaux secrets. Cette pratique n’est pas nouvelle, d’où vient-elle ? 

Michel Ruimy : Tout à fait. Cette pratique n’est pas nouvelle. Dans le passé, elle est apparue lors de guerres et de pandémies. Aujourd’hui, elle s’est renouvelée à l’occasion d’une crise géopolitique (attentats du 11 septembre 2001), d’une catastrophe naturelle sur un site, à la suite d’un incendie (siège du Crédit Lyonnais en 1996), problème IT (attaque de violation de données) … 

Une illustration des dégâts qu’un évènement « extra-ordinaire » peut provoquer est la survenance, en 2005, de l’ouragan Katrina aux États-Unis. Il a affecté 5 États, il y a eu près de 1 800 morts, les dégâts ont été estimés à près de 80 milliards de dollars et environ 1,2 million de personnes furent déplacées. De plus, son passage à l’est de la Nouvelle-Orléans provoqua la quasi-inondation de la ville. Mais surtout, cette catastrophe naturelle prit une autre tournure avec l’apparition de plusieurs crises de natures diverses : perturbations économiques inquiétantes avec la coupure du réseau Internet, remise en question sociale, dégâts écologiques, critiques politiques dans lesquelles l’image du gouvernement fédéral et de son administration a été sérieusement entachée.

Aujourd’hui, la crise sanitaire a mis en évidence l’interconnexion / dépendance des individus et des entreprises vis-à-vis d’une source d’énergie et / ou de leurs fournisseurs et / ou de leurs sous-traitants. Il est donc de l’intérêt, pour le gouvernement, que la planification de la continuité de l’activité soit réalisée et partagée par toute la chaîne des acteurs (du fournisseur au consommateur.

Si les Américains l’ont utilisée suite au 11 septembre 2001, cette pratique est-elle également courante en France ? À quelles époques les entrepreneurs français ont pu y avoir déjà recours ? 

Cette pratique s’est généralisée, au plan mondial, depuis plusieurs années car la nature, la fréquence et le coût des crises ont sensiblement évolué au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, on comprend mieux à quel point sont étroitement imbriquées les différentes dimensions d’événements qui perturbent très fortement le fonctionnement de nombreuses entités avec des conséquences qui peuvent aller jusqu’à la cessation définitive d’activité. 

Les retours d’expérience des grandes crises récentes ont montré que les organisations ayant entrepris une démarche préalable visant à garantir la continuité de leur activité, sont les plus résilientes face aux événements déstabilisants… bien qu’il soit utopique de chercher à tout prévoir et maîtriser.

Cette pratique a été plus particulièrement recommandée et généralisée notamment avec les attentats du 11 septembre 2001 ou les attentats de Londres de juillet 2005. Les leçons tirées de la catastrophe de Tchernobyl puis de la catastrophe de Fukushima ont également contribué à une profonde révision de certaines pratiques managériales avec notamment, au sein de ces organisations, la création d’unités de gestion des risques dont la mission est de réduire la probabilité d’échec ou d’incertitude de tout facteur pouvant affecter le projet de l’entreprise. 

Comment fonctionnent ces « locaux secrets » ? Quel est leur but premier, en quoi s’agit-il d’un luxe en temps de crise ?

Au niveau microéconomique, il s’agit, pour une entité de taille importante (entreprise, institution, groupe…), à la suite d’un fait perturbant gravement son fonctionnement normal, de décliner la stratégie et l’ensemble des dispositions à prévoir pour minimiser les impacts sur son fonctionnement - et donc sa pérennité -  et garantir la reprise et la continuité de ses activités. 

Au niveau macroéconomique, il s’agit, pour les Pouvoirs publics, que les secteurs « critiques » / essentiels de l’économie c’est-à-dire ceux qui fournissent des services fondamentaux (alimentation, sécurité civile, soins publics, fourniture d’eau et d’énergies, transports en commun, banques, la collecte et gestion des déchets…) et / ou des réseaux vitaux (électrique, télécommunications, media d’informations…) soient capables de résilience face à une crise grave c’est-à-dire être en état de fonctionner même en cas de désastre ou de crise majeure, quitte à ce que ce soit en « mode dégradé ». 

Quelle que soit l’entité, réagir correctement face à plusieurs scénarii, surtout avec l’envoi d’une alerte claire et précise à l’aide d’un système de gestion de crise, permet de gagner en crédibilité, plus particulièrement pour une entreprise. L’existence d’un plan de continuité d’activités rassure les collaborateurs et les clients et le risque de réputation s’en trouve éloigné. On en voit donc bien les enjeux. 

Concernant le fonctionnement de ces locaux, on peut faire une analogie avec la situation d’une armée devant gérer une crise. Leur localisation est gardée secrète pour des motifs de sécurité. Les personnes s’y retrouvant (état-major) sont au cœur du processus stratégique de la gestion des crises en amont (veille stratégique, planification) et en aval (conduite). Elles constituent le centre névralgique de la chaîne de commandement opérationnelle. Il regroupe donc les acteurs indispensables à la prise de décision, quel que soit leur rang hiérarchique. 

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