Comment la tempête géomagnétique qui a frappé la Terre la semaine dernière pourrait déclencher une vague d'ouragans<!-- --> | Atlantico.fr
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Les aurores boréales lors d'une tempête solaire à Édimbourg, le 10 mai 2024
Les aurores boréales lors d'une tempête solaire à Édimbourg, le 10 mai 2024
©Jacob Anderson AFP

Tempête solaire

Les tempêtes solaires qui touchent la Terre pourraient déclencher une vague d'ouragans, selon des chercheurs de l'Université d'État de Floride. Lorsque le soleil est plus actif, il envoie plus d'énergie à la Terre, ce qui réchaufferait les océans et alimenterait les tempêtes tropicales.

François-Marie Bréon

François-Marie Bréon

François-Marie Bréon est chercheur physicien au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement. Il a participé à la rédaction du 5ème rapport du GIEC. Il est spécialiste de l'utilisation des données satellitaires pour comprendre le climat de la Terre. François-Marie Bréon est aussi porte-parole de l'Association française pour l'information scientifique (Afis).

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Atlantico : Selon des chercheurs de l'Université d'Etat de Floride, les périodes de tempêtes solaires peuvent provoquer des vagues d'ouragans sur la terre. Comment expliquer ce phénomène ?

François-Marie Bréon : L’intensité du rayonnement émis par le soleil, et qui vient chauffer la Terre, montre un cycle d’environ 11 ans.  Nous sommes actuellement proche du maximum du cycle.  C’est la raison pour laquelle on peut s’attendre à une augmentation de la fréquence des « tempêtes solaires » (ou éruptions solaires) comme celle qui a conduit à des aurores boréales jusqu’au sud de la France la semaine dernière.

Cependant, il n’y a aucun lien démontré ni même théorisé entre ces tempêtes solaires et le nombre d’ouragans sur terre.  L’étude scientifique à laquelle vous faites référence ne dit rien de tel, et l’article publié dans le journal britannique DailyMail a très largement extrapolé ce qui y est montré.

Les scientifiques ont cherché les traces laissées par des cyclones puissants dans deux lacs situés à quelques kilomètres des côtes du Golfe du Mexique sur les derniers milliers d’années.  Ces traces peuvent être datées et les auteurs de l’étude ont remarqué que la fréquence des cyclones variait sur des périodes de 10 à 100 ans.  Ils ont trouvé une vague corrélation entre cette fréquence de cyclones et l’activité solaire, corrélation qu’ils interprètent comme étant une causalité.  Je suis personnellement dubitatif et les résultats devront être reproduits avant qu’il puisse y avoir un consensus scientifique sur la question.

Mais surtout cette étude analyse des fréquences sur des durées assez longues et ne dit rien à l’échelle de l’année.  D’ailleurs, malgré le titre très affirmatif, on trouve dans le corps de l’article du DailyMail une citation de l’auteur principal de l’étude, Yang Wang de l'université d'État de Floride, expliquant «  qu'elle ne pouvait pas prédire si la récente activité solaire intense entraînerait une augmentation du nombre de cyclones tropicaux cette année. »

Quelles conséquences météorologiques et climatiques la tempête solaire de la semaine dernière peut-elle avoir sur la Terre ? Devons-nous nous préparer à un risque de cyclones tropicaux accru ? 

Même si la variation de la puissance rayonnée par le soleil peut être mesurée par les instruments modernes, et que le cycle de 11 ans peut être observé à l’œil presque nu (mais avec un bon écran et une certaine dose de prudence) puisqu’il impacte le nombre de « tâches » solaires, il ne faut pas surestimer son importance.  En effet, la variation de cette puissance (différence entre le minimum et le maximum) ramenée à la puissance moyenne est de l’ordre de 1 pour mille.  Notre compréhension du fonctionnement climat, mais aussi l’analyse des températures sur le dernier siècle, montre que l’impact de ces fluctuations du soleil sur la température de la Terre n’est pas plus de 0,1 degrés.  C’est donc très modeste devant l’impact de l’augmentation des gaz à effet de serre qui est supérieur à 1 degrés.  Il n’y a pas de consensus scientifique sur l’augmentation de la fréquence des cyclones en lien avec le changement climatique dû aux gaz à effet de serre, et donc encore moins sur l’éventuel lien entre le cycle solaire et la fréquence des cyclones.

Par ailleurs, il faut bien comprendre que ce n’est pas la tempête solaire qui pourrait, éventuellement, avoir un impact climatique. La température de la Terre est bien modulée par le cycle de la puissance du soleil et il se trouve que la fréquence des tempêtes solaires est accrue lorsque on est proche du maximum du cycle.  On a donc là un bel exemple de corrélation apparente (entre température et tempête solaire) mais sans lien de causalité.  C’est le cycle de la puissance du soleil qui joue sur la température ET sur la fréquence des tempêtes solaires. Il n’existe aucun processus physique connu qui lie une tempête solaire à l’occurrence de cyclones.

Quelles autres conséquences peut avoir cette tempête solaire sur notre planète ?

La tempête solaire comme celle que nous avons connu dans la nuit du 10 au 11 Mai 2024 a généré de magnifiques aurores boréales qu’on a pu observer en France.  C’est un événement rare dont il faut profiter. Les tempêtes solaires peuvent avoir des conséquences sur le fonctionnement des satellites et même, pour celles qui sont les plus intenses, sur le réseau électrique même si ce n’est jamais arrivé en France à ma connaissance. Notons aussi que ces éruptions augmentent la dose radioactive reçue par les astronautes en orbite mais aussi par les pilotes et passagers des avions.  Pas d’inquiétude cependant, les doses reçues restent modestes et n’ont pas d’impact observé sur la santé.

Mais, en ce qui concerne le climat, aucun impact n’est observé ou attendu.  La puissance rayonnée par le soleil a légèrement augmenté ces dernières années.  On est proche du maximum et le cycle commencera sa baisse prochainement. Cette augmentation du rayonnement solaire a probablement contribué aux températures exceptionnellement chaudes de la Terre en 2023 et 2024, mais dans des proportions qui restent faibles devant celles des causes anthropiques.  Mais c’est là une conséquence de la légère augmentation de l’intensité du rayonnement solaire, et pas de la tempête solaire que nous avons vécue.

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