Comment la crise du Covid a fragmenté la société et aggravé le sentiment de solitude<!-- --> | Atlantico.fr
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Gaël Brustier publie « Les analphabètes au pouvoir » aux éditions du Cerf.
Gaël Brustier publie « Les analphabètes au pouvoir » aux éditions du Cerf.
©Oli SCARFF / AFP

Bonnes feuilles

Gaël Brustier publie « Les analphabètes au pouvoir » aux éditions du Cerf. Gaël Brustier dresse le véritable bilan des confinements pandémiques, des périls écologiques, des trucages politiques, des oppressions économiques, des violences gratuites, des attentats terroristes, des conflits mortifères, des abîmes du vide spirituel, des enfers des paradis artificiels. La seule urgence qui sauve est de renouer avec la sagesse des Anciens. Extrait 2/2.

Gaël Brustier

Gaël Brustier

Gaël Brustier est chercheur en sciences humaines (sociologie, science politique, histoire).

Avec son camarade Jean-Philippe Huelin, il s’emploie à saisir et à décrire les transformations politiques actuelles. Tous deux développent depuis plusieurs années des outils conceptuels (gramsciens) qui leur permettent d’analyser le phénomène de droitisation, aujourd’hui majeur en Europe et en France.

Ils sont les auteurs de Recherche le peuple désespérément (Bourrin, 2010) et ont publié Voyage au bout de la droite (Mille et une nuits, 2011).

Gaël Brustier vient de publier Le désordre idéologique, aux Editions du Cerf (2017).

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Bien avant le Covid ou la guerre en Ukraine, un bruit de fond médiatique a révélé à chacun le nombre et l’ampleur des dangers qui quotidiennement nous guettent. Chaque jour, notre société est parcourue du frisson nouveau d’un danger fraîchement découvert et révélé au monde. Dans cette assommante ava lanche quotidienne d’alertes et d’injonctions, c’est bien l’indifférenciation entre les «dangers» qui devient nocive. Ce ne sont plus des flashs d’actualités qui ponctuent nos vies mais les stations successives d’un grand train fantôme. Ainsi, début 2023,– et pour ne citer qu’eux–, ont été présentés comme «dangers», les sprays imperméabilisants, les cotons tiges, les produits anti-nuisibles, certains bonbons, le sommeil excessif, les bougies et potentiellement l’eau gazeuse. L’obsession des dangers empêche toute hiérarchisation des enjeux sanitaires et com plique le discernement de chacun. Avant le Covid ou la guerre en Ukraine donc, quelle pouvait être la vision de l’avenir d’adolescents et de jeunes adultes ayant grandi et mûri avec ce bruit de fond? Com ment ne pas nourrir quelque malaise quand la vie n’est plus présentée comme une promesse mais seulement comme une avalanche de périls dissimulés dans l’anodin et la banalité du quotidien? Confits dans cette pseudo-idéologie, les néo-ruraux fraîche ment débarqués des métropoles assurent vivre un véritable calvaire du fait des cloches du village, du chant des cigales ou des odeurs de fermes et trouvent sans grande pudeur un écho dans les chaînes de télévision qui narrent leurs aventures... Nos choix sont de plus en plus administrés: nos logements sont classés de A à F et nos aliments le sont également par des «nutriscores», cependant que nos voyages font l’objet d’un bilan carbone. Conspuer l’emprise technologique sur nos vies est heureux mais la «bonne cause» et les «bonnes pratiques» imposent ces permanentes évaluations infantilisantes. Inutile de dire qu’affronter une pandémie avec cet état d’esprit collectif était risqué.

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Dans les deux ou trois premières semaines du confinement, une partie de la presse pronostiquait une explosion des naissances pour l’année suivante ou encore un effondrement du trafic de stupéfiants.

Un an plus tard, il était certain que c’est l’inverse qui s’était produit. Le gouvernement n’a pas eu la tâche aisée et a probablement fait ce qu’il a pu dans un contexte où la maladie et la mort ne sont plus acceptées par nos sociétés. Elles l’ont d’autant moins été que des règles excessives relatives aux obsèques et à la présence des familles auprès des mourants a semblé injuste et constitué une évidente double peine dans le deuil, en rupture avec des siècles de traditions. Le repli entre quatre murs de la vie sociale pendant le confinement a opéré comme une série d’implosions individuelles ou familiales, comme une bombe à fragmentation qui a morcelé un tissu social déjà abîmé par l’explosion de l’individualisme. Les quartiers n’ont plus vécu comme avant.

L’ampleur des mesures prises par les gouvernements face à l’épidémie de Covid-19 a eu un impact durable sur la société, notamment en France. Le ministre de la Santé de l’époque a sans doute cru utile d’abreuver nos concitoyens de rafales de déclarations et de laisser heure par heure le compteur des morts défiler sur les écrans. Un véritable césarisme sanitaire s’est imposé. Cela n’aura pas contribué à renforcer la cohésion sociale. Des appels à la délation visant des voisins sortant trop souvent leur chien à la dénonciation complotiste du passe sanitaire, la société s’est beaucoup plus déchirée que l’apparent calme du confinement ne le laissait présager. Le passe sanitaire lui-même était une étonnante façon pour le pouvoir de se compliquer la vie, puisque l’obligation vaccinale n’induisait pas cet étrange système de contrôle permanent. Cependant, les effets du Covid sont plus grands encore et ne se réduisent pas à la seule polarisation idéologique induite par la pandémie.

Une salutaire étude de la Fondation Jean Jaurès permet d’objectiver certaines conséquences de la crise et pointe «L’impact de la Covid-19 sur la motivation et l’état psychologique des individus, ainsi que sur leur capacité à effectuer un effort mental et physique et à résister aux aléas de la vie. » L’étude met en lumière une baisse de motivation de la population, en particulier des plus jeunes. Moins motivés, plus fatigués, les Français doivent pourtant affronter une série d’enjeux et de périls qui n’ont rien d’anecdotique. La fragilisation globale des Français est là. En outre, les rues de nos métropoles comme les routes et autoroutes de la France dite «périphérique» sont le théâtre d’une recrudescence des incivilités, des infractions au Code de la route ou même des délits de fuite. Nous vivons une période de brutalisation des relations interpersonnelles et des codes sociaux. Année exceptionnelle pour les liquoristes, l’année 2020 a été le révélateur de l’épidémie de solitude qui ravage notre pays.

Pour retrouver l'entretien de Gaël Brustier sur Atlantico à l'occasion de la publication de son livre : cliquez ICI

Extrait du livre de Gaël Brustier, « Les analphabètes au pouvoir », publié aux éditions du Cerf

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