Comment l'antiracisme s'est imposé comme cause de remplacement (facile) à la défense de la classe ouvrière<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Manifestation de l'association SOS racisme à Lyon.
Manifestation de l'association SOS racisme à Lyon.
©Ruetrs

Bonnes feuilles

Comment le PS choisit ses pauvres, délaisse les ouvriers, et se tourne finalement vers la classe moyenne supérieure pour trouver des électeurs. Extrait de "De l'abandon au mépris" (1/2).

Bertrand  Rothé

Bertrand Rothé

Bertrand Rothé est agrégé d’économie, il enseigne à l’université de Cergy-Pontoise et collabore régulièrement à Marianne. Il est déjà l’auteur de Lebrac, trois mois de prison (2009) et co-auteur de Il n’y a pas d’alternative. (Trente ans de propagande économique).

Voir la bio »

"En 1991, le grand virage sera enfin mis par écrit. La classe ouvrière disparaît avec l'eau de la rigueur des préoccupations du Parti socialiste. Dans son nouveau projet, il préfère s'ouvrir un « nouvel horizon ». Le texte est clair : « Le socialisme ne s'identifie plus avec l'avènement au pouvoir de la classe ouvrière. »  

La classe ouvrière qui souffre en silence vit très mal cette infidélité. « Les campagnes “antiracistes” parisiennes et à forte couverture médiatique ont – c'est incontestable – hérissé de nombreux ouvriers. » Ce coup de foudre du PS déstabilise la classe ouvrière. Pourquoi vouloir d'abord aider les jeunes immigrés ? Sans en prendre vraiment conscience, le gouvernement vient de violer l'une des valeurs fondamentales de l'histoire du monde ouvrier : l'égalité de traitement. Les ouvriers « de souche » ou d'origine étrangère mais intégrés, comme ceux de Longwy, pensent que leurs enfants aussi devraient avoir droit aux mêmes attentions.
Pour le PS, le choix des jeunes immigrés offre un double avantage, « d'abord parce qu'ils appartiennent à une catégorie, par définition, minoritaire (ce qui restreint immédiatement le champ de l'injustice et, partant, celui de la mauvaise conscience), ensuite et surtout parce qu'il permet de renvoyer d'un seul coup, par sa seule existence, l'ensemble des travailleurs ordinaires, inclus dans le système d'exploitation classique, du côté des nantis et des privilégiés ». Mais cette stratégie présente néanmoins un inconvénient supplémentaire : les « potes » ne font pas suffisamment d'électeurs. Il faut donc élargir la cible.
Pour compenser la diminution constante du soutien électoral de la classe ouvrière, le PS va se focaliser sur les classes moyennes et les fonctionnaires, voire les classes moyennes supérieures. Avec le congrès d'Épinay en 1971, ces deux composantes avaient massivement suivi les principaux leaders du Parti socialiste unifié et intégré le jeune Parti socialiste. La très grande majorité continue d'apprécier les analyses de Michel Rocard, à commencer par sa condamnation des archaïsmes idéologiques. Ce nouvel électorat adhère aux nouveaux choix « réalistes » et européens du gouvernement. À partir de 1983, il vote et votera massivement pour les socialistes. Les professions intermédiaires votent systématiquement plus que la moyenne pour le PS, dans une fourchette comprise entre trois points aux élections présidentielle et législatives de 2002 et treize points pour les élections législatives de 1986. Dans ce groupe, les enseignants arrivent largement en tête des catégories socioprofessionnelles. Comme en écho, ce PS va maintenant se définir comme « le parti du salariat ».
En 2011, Benoît Hamon sera obligé d'en convenir, quand il déclare que « la gauche reste, historiquement, le camp du travail ». Historiquement, en effet. Elle a perdu le camp du travail depuis longtemps."



Extrait de De l'abandon au mépris, Seuil.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !